Considérée comme le pays des vraies-fausses nouvelles par un certain nombre d’observateurs, la République centrafricaine fait face, depuis un certain à temps à la montée en puissance de la désinformation et des discours de haine. Pour ce pays à majorité analphabète, si rien n’est fait pour stopper la montée en flèches des Fake News, il y a bien risque d’embrasement politico-social. Analyses et enjeux:

« Centrafrique, pays de rumeurs ». Cette citation est celle du feu Président Centrafricain, Ange Félix Patassé. L’ancien dirigeant centrafricain faisait cette déclaration alors que sa gouvernance qui était en proie à toutes les formes de critique voire de manipulation de l’information. Plus de deux décennies après la gouvernance Patassé, la citation est plus que d’actualité.

De bouche à l’oreille, sur les réseaux sociaux, dans les coins de bar, au marché, dans les discours officiels ou sur les réseaux sociaux, la désinformation et les discours de haine sont très palpables en République centrafricaine.

La désinformation, une culture propre aux centrafricains ?

On peut imaginer d’une première vue que la désinformation et les rumeurs sont ancrées dans la culture des Centrafricains. En Centrafrique, on se fie beaucoup aux « ont dit » qu’aux sources officielles d’information. Au sein de la masse populaire, on fait circuler le plus souvent les rumeurs avec une si grande conviction.

Cela se justifie tout d’abord par le très peu de culture générale et d’esprit critique qui caractérisent la vie d’une bonne partie de la population Centrafricaine. Figurons nous que ce pays compte un peu plus de 55 pour cent d’analphabètes.

A l’époque, les moyens de vérification de l’information étaient fort inaccessibles pour une très grande majorité de la population, mais cette thèse est aujourd’hui difficilement soutenable, car l’internet existe et les sources deviennent de plus en plus accessibles.

Par ailleurs, il existe ce phénomène de néo-analphabétisme d’une certaine partie de la population. Des « intellectuels » qui ne veulent pas faire appel à leur esprit critique face aux informations reçues. Conséquence : les instruits sont devenus les principaux fabricateurs et distilleurs des fausses nouvelles.

Les mesures de sanction contre les distilleurs de fausses nouvelles existent dans la législation centrafricaine, mais les organes de régulation ont bien de la peine à faire appliquer la loi. Cela se justifie tout d’abord par la culture de l’impunité foncièrement ancrée en République centrafricaine, ensuite, les organes de régulation travaillent à partir de faibles moyens qui ne leur donnent pas la chance d’exécuter efficacement leur mandat.

En Centrafrique, les structures de médias ou les OPM sont super organisées pour la cause de la lutte contre la désinformation. De l’association des blogueurs Centrafricains (ABCA) en passant par le Consortium des Journalistes pour la Lutte contre la Désinformation (CJCLD) ou Oubangui Médias, les initiatives sont nombreuses et surtout efficaces à résoudre le problème. Mais il y a aussi une certaine récupération de la part des institutions internationales telles que la Fondation Hirondelle ou l’Union Européenne à travers leur projet dénommé « Stop A Tènè ».

Quoique ces organisations mobilisent autant de moyens humains et financiers pour la cause, il n’en demeure pas moins que leurs actions s’avèrent toujours inefficaces. C’est ici que s’impose le nécessaire besoin d’autonomie des organisations professionnelles de médias afin de bien mener la lutte.

Pour parvenir à limiter les effets de la désinformation en Centrafrique, il va falloir prioriser l’éducation aux médias, la sensibilisation de proximité auprès des populations. Loin d’être le seul combat des organisations professionnelles des médias, l’État se doit de soutenir ces initiatives et de faire une large communication.

Car avant de savoir, la désinformation et les rumeurs avaient coûté la vie, dans un passé très proche, à une bonne partie de la population. Et, le risque aujourd’hui avec cette guerre soft power qui se déroule en Centrafrique, est d’assister à un embrasement sociopolitique favorisé par les conflits d’intérêts entre les puissances.

Belvia Espérance Refeibona