Après le Mali, le Soudan et la Guinée, le pays de l’illustre Thomas Sankara vient de connaitre depuis lundi 24 janvier 2022 sa part de coup d’Etat. La démocratie est à terre au sein de la Nation dite des Hommes intègres.  En cause, le renversement du Président démocratiquement élu, Roch Marc Christian Kaboré sur fond de soulèvement de l’armée. Les hommes en treillis. Toujours les corps habillés. Pour marcher sur les principes démocratiques et imposer des transitions à durée indéterminées.

Même si le gouvernement centrafricain peut se prévaloir d’avoir neutralisé les rebelles qui menaçaient de renverser les institutions de la République, à Bangui, la question préoccupe au plus haut point. Même avec des groupes armés qui capitulent, l’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Tout peut arriver à n’importe quel moment, il suffit que les hommes en treillis, lesquels semblent à présent dire à tout le continent que ce sont eux qui détiennent le certificat du patriotisme, claquent leur doigt pour que la démocratique bascule et l’Etat de droit s’effondre.

C’est avec beaucoup d’effroi, face à ce grave recul démocratique que connait l’Afrique francophone, que ces quelques lignes sont écrites. Où allons-nous lorsque les principes démocratiques pourtant énoncés par les africains eux-mêmes servent de papier à choux ? Où allons-nous surtout lorsque l’armée se dérobe de sa mission première qui est celle de protéger les citoyens en prenant gout à l’usurpation puis à la confiscation du pouvoir politique ?

Ce qui se passe actuellement sur le continent, loin de tous les chants de sirènes d’une quelconque « révolution africaine » sonne un peu comme un dangereux retour à l’anarchie, à l’ère de l’autocratie où le pouvoir est tenu par un homme qui en fait ce qui bon lui semble sans avoir à rendre des comptes ; tant les contre-pouvoirs en Afrique (opposition, société civile) ont démissionné, laissant depuis le boulevard aux nouveaux maitres du jeu qui dictent au Peuple son avenir, un peu comme dans les sciences fictions. 

Figurons-nous comme l’a dit dernièrement le journaliste-chercheur français, Matthieu Olivier, « la prise du pouvoir par les militaires souligne l’impuissance de la Communauté Internationale ». Et pourrons-nous surtout ajouter que cela est dû à la faiblesse notoire des institutions régionales africaines qui n’ont pas travaillé à prévenir les causes des révolutions sociales sur le continent.

Que faisons-nous de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée en 2012 faisant pourtant figure de table de la loi, elle qui prévoit de « sanctionner les moyens illégaux d’accéder au pouvoir ou de rester en fonction » ?

Tout se passe aujourd’hui sur le continent comme s’il suffit de développer la rhétorique anti-française, antioccidentale et anti-soldats de la paix pour bénéficier du soutien de la masse populaire et marcher sans vergogne sur les principes pourtant élémentaires d’accession et de gestion du pouvoir.

Ce problème trouve bien ses racines dans cette inadéquation de la démarche occidentale dans la résolution des crises en Afrique. Aussi et surtout, cet enlaidissement de la classe politique africaine (opposition démocratique) qui n’a plus de projet d’alternance convaincant à proposer à la population meurtrie ; laquelle se voit finalement obligée de confier son destin aux « vilains putschistes ». En clair, les juntes ont profité de la chaise vide là où la communauté internationale, l’opposition démocratique en Afrique ou encore la société civile ont décidé de démissionner, laissant le Peuple à la merci des gouvernants qui feignent la cécité et la surdité face aux malheurs de leurs peuples.

Ce n’est pas pour autant assez convaincant pour justifier cette multiplication des coups d’Etat en Afrique. Les applaudir, c’est concéder le retour à l’anarchie et aux pratiques des siècles lumière.

Dans un futur bien proche, il conviendra d’ausculter l’état de la démocratie au Sénégal de l’illustre Senghor. Avec une opposition démocratique et une société civile debout, les Sénégalais ont prouvé, depuis la préparation des élections locales, qu’il n’y a de démocratie en dehors de la volonté souveraine du peuple qui ne s’exprime guère à travers la prise d’armes, mais plutôt en la foi aux urnes. Des Sénégalais forts, convaincus qui ne laisseront guère leur destin entre les mains de ceux qui sont faits pour vivre dans les casernes.

Auteur : Ben Wilson Ngassan, écrivain-journaliste et observateur de la vie politique en Centrafrique.