Mercredi 5 janvier 2022, un accord a été trouvé entre le gouvernement et le syndicat des enseignants du supérieur (SYNAES) afin d’arrêter la grève et faciliter la reprise des cours sur le campus universitaire. Un jour après, la base a rejeté cet accord et maintient le mot d’ordre de la grève illimitée.

Un coup dur pour le gouvernement qui espérait effectivement désamorcer la crise sur le campus universitaire. Un autre coup dur est pour le bureau du SYNAES qui a mené les négociations et a décroché un accord pour calmer les siens et reprendre les cours pour sauver l’année universitaire en attendant la réponse du gouvernement.

Pour les enseignants qui ont tenu une assemblée générale extraordinaire ce jeudi 6 janvier à l’Université de Bangui, l’accord a été signé sans qu’ils prennent connaissance et cela semble être un jeu du gouvernement pour juste obtenir la reprise des cours. Ils soutiennent que cela semble être aussi trompeur car, le gouvernement n’est pas prêt à répondre à leurs préoccupations.

En effet, les enseignants du supérieur exigent du gouvernement le décret d’application de leur statut particulier, signé depuis 2008. Ce statut particulier vise à revaloriser les indemnités des enseignants du supérieur qui gagnent moins qu’un policier de nos jours ou son traitement salarial et ses conditions de travail sont améliorées.

Il est aussi question de la nomination d’un nouveau recteur car le professeur Jean Laurent Sissa-Magalé est déjà nommé ministre depuis plus de 6 mois ainsi que la prise en compte des enseignants en phase d’intégration.

C’est ainsi que depuis le 23 novembre 2021, le SYNAES, en suivant la procédure normale a entamé une série de grève de 3 jours, puis 8,  21 avant de déclarer une grève illimitée le lundi 03 janvier 2022.

Cette nouvelle prise de position par les enseignants jette la balle dans le camp du gouvernement qui devrait tout mettre en œuvre pour répondre aux préoccupations des grévistes afin de sauver l’année universitaire qui enregistre déjà un retard énorme.

Le droit à l’éducation pris en étau

Entre se sacrifier pour préserver le droit à l’éducation et revendiquer ses propres droits, les enseignants ont choisi de ne pas se laisser faire car, le décret d’application est attendu depuis 2008. Le droit à l’éducation des étudiants de cette unique Université publique du pays est alors en danger.

Critiqués déjà pour leur niveau d’étude, les étudiants qui sortent de l’Université de Bangui accumulent plusieurs mois de grève par année avant de terminer un cycle universitaire. Pour avoir une licence, une année universitaire complète est perdue dans les grèves.

Depuis 2020, les autorités avaient suspendu l’Association Nationale des Etudiants Centrafricains (ANECA) qui milite pour le droit à l’éducation et les meilleures conditions de vie et d’études de ses membres. Cette association estudiantine basculait de temps en temps vers des positions politiques. Sur le campus universitaire, seules les associations facultaires doivent s’organiser pour défendre leur droit. C’est pourquoi elles avaient organisé une manifestation le 10 décembre 2021 pour soutenir leurs enseignants en grève. Leur plaidoyer était de pousser le gouvernement à répondre aux préoccupations des enseignants afin de sauver l’année académique.

Et le gouvernement dos au mur !

La caisse de l’Etat fait face à une sècheresse financière depuis presque huit mois. Même si le gouvernement tient le coup pour faire face à des obligations régaliennes, s’engager pour la revalorisation des indemnités des enseignants du supérieur semble être pour lui un risque maximum dans ce contexte économique difficile. Difficile aussi car, plusieurs organisations syndicales attendent de plein pieds les conclusions de la grève des enseignants du supérieur pour prendre position et action.

En réalité, tous les corps demandent aujourd’hui, soit un statut particulier, soit la révision du statut général de la fonction publique afin d’obtenir la revalorisation des salaires qui n’ont pas bougé depuis plus de 30 ans.

Le coût de vie est élevé alors que les salaires n’ont pas bougé. En fin d’année 2021, le gouvernement a pris un décret pour revaloriser le SMIG et le SMAG. Le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) et le Salaire Minimum Agricole Garanti (SMAG) sont réévalués en hausse. Le SMIG est passé de 18 850 F CFA à 29 000 F CFA mensuel et le SMAG de 300 F CFA à 1000 F CFA journalier. Ceci ne concerne que le secteur privé mais les fonctionnaires et agents de l’Etat attendent eux-aussi l’augmentation de leur salaire.

Dans ce contexte très particulier, marqué par la crise de Covid-19, la crise post-électorale créée par la rébellion de la CPC et la suspension des aides budgétaires par certains partenaires, le gouvernement est pris entre le four et le moulin. Prendre une décision pour satisfaire les enseignants du supérieur devient alors dubitative.

En fin de compte, une décision courageuse doit être prise pour satisfaire toutes les parties: Enseignants du supérieur, étudiants et le gouvernement. La gouvernement Dondra est mis devant une épreuve qu’il doit surmonter.

En attendant, une déclaration officielle des enseignants du supérieur est attendue ce vendredi avant la tombée du soleil pour annoncer le maintien du mot d’ordre de la grève, contrairement à celle tenue sur certaines ondes des radios du pays, appelant à la reprise des cours dès lundi prochain.

Fridolin Ngoulou