Depuis que l’idée a été officiellement lancée lors du dialogue républicain du 21 au 27 mars 2022, avant d’être bottée en touche par l’opposition et la société civile, des tractations se poursuivent pour conduire à la relecture et à la modification de certaines dispositions de la Constitution du 30 mars 2016.

La Constitution du 30 mars 2016, élaborée par le Conseil National de la Transition pendant les pires moments de la crise entre 2013 et 2015 ne sied plus, selon les proches du pouvoir qui ont aussi tôt lancé l’idée de la relecture afin de la conformer aux nouvelles donnes. Le parti au pouvoir, le Mouvement Cœurs Unis semble prendre en main ce projet de modification non seulement pour corriger les incohérences qui sont en lien avec la transition mais pour supprimer certaines institutions de la République jugées budgétivores alors qu’elles ne produisent pas des résultats escomptés.

Si ces idées sont mises en avant par les partisans du pouvoir, l’opposition démocratique et des organisations de la société civile voient en cette action un pas vers la modification de la durée et du nombre de mandat du président actuel, afin de lui permettre de briguer un troisième mandat, qui n’a jamais été expérimenté dans l’histoire de la RCA démocratique.

Dans ce pays, même finir librement son deuxième mandat pose toujours problème. Le seul président qui a achevé son mandat à partir de la République démocratique est le général d’Armées André Kolingba. Ange Félix Patassé qui l’a succédé par voie électorale a été chassé du pouvoir sans finir son deuxième mandat ainsi que François Bozizé le tombeur de Patassé, chassé en 2013 par la Séléka de Michel Djotodia.

Cette expérience est jugée dangereuse pour la démocratie en RCA. Mais, les proches du pouvoir estiment que, malgré que des anciens présidents aient été élus démocratiquement, cela n’avait pas empêché les rebelles de violer cette démocratie au grand dam des pays dits « démocratiques » qui aujourd’hui ne veulent pas entendre parler de la modification de la Constitution.

Des proches du pouvoir poursuivent leur logique en multipliant des sensibilisations et les pétitions pour recueillir un maximum de signatures des centrafricains favorables à cette modification, tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays. Plusieurs mouvements favorables à cette modification multiplient des campagnes sur les réseaux sociaux.

Cependant, ces mouvements font face à une farouche opposition d’autres organisations et partis politiques dont certaines prédirent un chaos si ce projet venait à être concrétisé.

Pourquoi modifier la Constitution du 30 mars 2016 ?

Les partisans de cette modification justifient par le fait que cette Constitution, rédigée dans la précipitation pendant la transition ne tiennent pas compte de plusieurs aspects de la vie politique, économique, social et culturelle. Ils souhaitent voir des dispositions pour criminaliser tout ce qui a trait à la déstabilisation armée du pays. Ils veulent voir la suppression des Institutions jugées budgétivores et l’application de l’article 7 de la loi sur la Nationalité centrafricaine. Par-là, ils veulent introduire la notion de la préférence nationale dans la Constitution.

Pour d’autres qui sont restés plus ou moins techniques sans parler de la modification de la durée et du nombre de mandat présidentiel, ils soutiennent que les lois sur la Collectivité Territoriale et sur la Décentralisation bouleversent les divisions administratives qu’il faut en tenir compte dans la Constitution. De 16 préfectures le pays passe à 20 par exemples.

Pourquoi ne pas modifier la Constitution du 30 mars 2016 ?

Ne pas modifier la Constitution pour les uns consiste à préserver la Loi mère de toutes les tentatives de son tripatouillage dans le seul but de faire briquer un troisième mandat au président Touadera.

Les partisans de non modification soutiennent que les relectures demandées peuvent être réglées par des lois. Ouvrir la porte de la modification consiste à ouvrir la porte de troisième mandat au président Touadera et ouvrir la voie à l’instauration d’un régime autoritaire.

Et le peuple lambda dans tout ça ?

La Constitution ouvre cependant des portes pour une quelconque modification à l’exception du mandat présidentiel et sa durée ainsi que sur le caractère laïc de la République. L’initiative de la modification de la Constitution doit venir, selon la Constitution elle-même du Président de la République ou de l’Assemblée Nationale.

Si le peuple est partagé sur la modification, alors il sera question de passer au vote référendaire prévu par la Constitution où chaque camp défendra sa position.

Déjà, l’urgence des centrafricains aujourd’hui est de retrouver la paix, de voir ses ressources mises en valeur pour le développement du pays.

Ce sujet qui fait débat en milieu politique ne semble pas être la préoccupation majeure de la population qui a plusieurs autres défis à relever pour survivre dans ce contexte économique précaire.

En entendant, l’annonce d’une quelconque modification de la Constitution n’est pas encore rendue officielle ni les raisons de cette relecture. Observons jusqu’à la fin de ce mois d’avril où tout pourra devenir claire et là, les positions vont se dessiner aussi clairement.

Fridolin Ngoulou