La prostitution même si elle est tant décriée s’installe de plus en plus en Centrafrique. Ce vieux métier est non seulement l’apanage des filles à Bangui mais se pratique aussi officiellement dans certaines villes de province comme à Pissa, localité située à 70 Km dans la Lobaye où même des mineures se livrent à ce jeu dangereux.

Le samedi 28 mai 2022, il est 22h 45, Ingrid (Prénom d’emprunt) est assise sur une chaise à l’entrée du grand bar dancing Ben-Den de Pissa. Pendant ce temps, certaines de ses amies et quelques garçons occupent la piste et dansent à chaud le son « Piment le plus cher » de l’artiste Ozaguin.

Après une cordiale salutation, nous lui avons posé la question de savoir : Pourquoi elle est restée dehors jusqu’à cette heure ? Elle répondit : « C’est le samedi soir, je peux rester ici jusqu’à minuit ». Sans lâcher la discussion, nous avons lancé la deuxième question : Et que fais-tu ici ? Sa réponse ne se fait pas attendre : « C’est pour lutter comme toutes les autres filles ».

Trouvant la causerie intéressante, nous avons pris place et passé la commande pour quelques bouteilles. Ingrid ne se fait pas prier et demande au servant de l’apporter une canette de Ben Bira. Elle parle à cœur ouvert et surtout aborde le sujet avec nous sans tabou. En sirotant sa bière préférée selon elle, cette dernière qui n’a que 17 ans s’explique sans langue de bois.

« Cela fait plus d’un an que je vis à Pissa Je suis venue de Mbaïki car certaines de mes amies m’ont fait savoir qu’elles gagnent de l’argent ici en travaillant dans les motels et surtout que pendant les week-ends, des hommes viennent de Bangui pour s’amuser. Cela m’a tenté et c’est ainsi que je suis venue les rejoindre » a-t-elle indiqué.

Elle a poursuivi : « Au début, nous avons pris quelques chambres à côté du motel qui est juxtaposé au bar dancing Ben-Den. Nous travaillons comme des servantes du motel pendant la journée et la nuit, nous pouvons passer la nuit avec les hommes qui nous invitent. Je peux le faire avec trois ou quatre hommes si l’occasion se présente et  gagner 10 000f CFA  car nous fixons le prix à 1500f CFA pour un coup de passage».

A la question de savoir si elle est disponible pour passer la nuit avec homme ? Elle répond:  « A condition que le client acceptent de me donner 10 000 F CFA. Certains sont mêmes gentils et peuvent nous donner jusqu’à 20 000F CFA. C’est avec cet argent qu’on s’organise pour prendre une maison en location et se nourri », a-t-elle précisé. 

 Les risques ne manquent pas, avoue-t-elle : « Pendant les grandes fêtes, certaines filles de Bangui viennent aussi faire la concurrence et elles gagnent souvent car elles sont plus belles que nous. Nous utilisons le préservatif mais rien ne nous rassure. On peut se faire contaminer surtout que les hommes venant de Bangui exigent parfois de le faire sans préservatif ».

« Nous sommes nombreuses dans ce métier à Pissa. Je suis obligée de faire cela pour gagner ma vie. Je suis orpheline de mère et avec mon père on ne s’entend pas bien. Mais un jour, je peux arrêter pour me lancer dans le commerce. Je sais que la prostitution n’est pas une bonne chose », a-t-elle conclu.

Toutes ces informations sont confirmées par Anderson, servant au bar et il  ajoute : « Si vous voulez ces filles, et que vous avez honte, je peux arranger l’affaire et vous donner 250 F CFA ».

Rappelons que toutes ces filles sont déscolarisées et plusieurs sont des mineures qui ne maitrisent pas les conséquences profondes de cette pratique. Un tel fait doit interpeller les autorités qui sont les garants de la vie et de la sécurité sociale de la population mais aussi les organisations de protection des mineurs.

Brice Ledoux Saramalet