Le projet de la nouvelle constitution a été remis ce lundi 10 juillet 2023 par le Président de la République Faustin Archange Touadéra au Directeur National de Campagne Evariste Ngamana à l’Assemblée nationale, en présence des diplomates, des députés, des membres du gouvernement et plusieurs citoyens venus à cette cérémonie. Que dit cette loi à propos de limitation de mandat présidentiel ? Quelles sont d’autres retouches apportées à cette loi ? Voici nos récapitulatifs des principaux ajouts en sept points.

1- La nouvelle constitution et le mandat présidentiel

Cette nouvelle constitution dont sa version était tant attendue stipule en son article 67 que: « Le président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin secret, majoritaire à deux (2) tours pour un mandat de sept (7) ans renouvelable. »

Cet article ajouté que le candidat à l’élection présidentielle doit:

Jouir de ses droits civils et politiques;

Être âgé de trente (30) ans au moins;

Avoir une propriété bâtie sur le territoire national ;

Avoir résidé sur le territoire national au moins pendant deux (2) années consécutives qui précèdent le délai du dépôt du dossier de candidature ;

Jouir d’une bonne santé mentale et physique ;

N’avoir pas fait l’objet de condamnation à une peine afflictive et infamante ;

Être Centrafricain d’origine et n’ayant que la seule nationalité Centrafricaine ;

Être titulaire au moins d’un diplôme de licence ou d’un titre équivalent ;

N’avoir pas créé ni appartenu à un groupe armé.

Plusieurs aspects de cet article sont des innovations. Surtout que le verrou de limitation de mandat présidentiel a été finalement levé et porté à sept ans au lieu de cinq renouvelable une seule fois.

Cependant, une incompréhension se trouve au niveau des prorogatives du président. L’Article 77 alinéa 2 stipule que: « Pendant qu’il dispose des pouvoirs exceptionnels, le Président de la République ne peut ni suspendre tout ou partie de la Constitution, ni dissoudre l’Assemblée Nationale ».

Or, l’article 80 stipule que : « Le Président de la République peut, après consultation du Conseil des ministres, du Bureau de l’Assemblée Nationale et du Président du Conseil Constitutionnel, prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale.

Ce sont les mêmes dispositions de l’article 46 de la Constitution du 30 mars 2016.

2- La question de nationalité

La question de double nationalité est finalement traitée dans cette nouvelle constitution. Le chapitre 2 et l’article 10 stipule que : « La nationalité centrafricaine est une et exclusive. Elle peut être détenue concurremment avec une autre, sauf les cas d’exception déterminés par la loi ».

Il poursuit en disant que : « La nationalité centrafricaine est soit d’origine soit d’acquisition individuelle. Est Centrafricain d’origine, toute personne dont les parents sont eux-mêmes Centrafricains d’origine. Une loi détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité centrafricaine ».

En effet, le pouvoir se fonde sur les dispositions de la loi N° 212 du 20 avril 1961 portant Code de la nationalité centrafricaine, au Titre 4, relatif à la perte et la déchéance de la nationalité, qui stipule notamment en son article 46 que : « Perd la nationalité centrafricaine, le centrafricain majeur qui acquière volontairement une nationalité étrangère, ou, qui déclare reconnaitre une telle nationalité ».  L’article 50 de cette même loi qui dispose également que : «  Le centrafricain qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut d’office, s’il a également la nationalité de ce pays être déclaré, par décret, avoir perdu la qualité centrafricaine ».

Pour le pouvoir, cette loi est encore en vigueur.

Cependant, certaines voix se lèvent déjà pour dénoncer ces dispositions. Pour de nombreux observateurs, la « Centrafricanité » inséré dans cette loi mère est l’exclusion. « Pour les arts, on a besoin des binationaux et pour la politique, ils sont exclus. Voilà un grand mal », s’exclame un observateur de la vie politique du pays.

3- Un poste de vice-présidence

L’article 65 alinéa 6 stipule que le président « nomme le vice-président de la République et met fin à ses fonctions ».

Plus tard à l’article 81 alinéa 8, la nouvelle constitution précise que : « En cas de démission, de destitution, d’empêchement définitif ou de décès du Président de la République, le Vice-Président de la République assure l’intérim jusqu’à l’élection du nouveau président », (45 jours à 90 jours au plus), mais il ne peut faire usage des articles 65, 75, 76, 77, 78, 79 et 80.

A l’article 83, le « Vice-président est la deuxième personnalité de l’Etat centrafricain. Le Président de la République peut lui déléguer certains de ses pouvoirs.

Le Vice-Président supplée le Président de la République lorsque celui-ci est hors du territoire national. En cas de vacance de la présidence de la République, le Vice-président devient président de la République.

Il organise le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République dans les conditions fixées à l’article 81 de la présente Constitution, scrutin auquel il ne saurait être candidat.

Il reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau Président de la République élu. Une loi détermine les attributions et les avantages du Vice-Président de la République.

Alors, entre l’élection d’un président et la prestation de son serment, s’il arrive un cas de décès, la Constitution donne le pouvoir cette fois-ci au président de l’Assemblée nationale pour gérer le pays et organiser les nouvelles élections.

C’est ce que dit l’article 71 alinéa 4 en ces termes : « En cas de décès ou d’invalidité dans ce délai, la vacance est assurée par le Président de l’Assemblée Nationale qui organise le scrutin pour l’élection du nouveau Président dans les conditions fixées à l’article 81 de la présente Constitution ».

Alors, pourquoi les vacances du pouvoir du président de la République doivent-elles être assurées soit par le Vice-Président, soit par le Président le Président de l’Assemblée Nationale? Il est temps d’harmoniser ces dispositions pour éviter les conflits de compétence.

4- Suppression du SENAT et du Conseil National de la Médiation

La nouvelle constitution a supprimé le SENAT prévu dans l’actuelle constitution du mars 2016, alors que sa mise en place reste délicate depuis son adoption en 2015. C’est ainsi que dans l’article 97, il stipule que : « Le parlement de la République Centrafricaine est constitué en une chambre qui porte le nom d’Assemblée Nationale. Les membres de l’Assemblée Nationale portent le titre de Député ».

A l’Assemblée Nationale, un jeune de 18 ans peut devenir député. (Article 99). Mais il est dorénavant interdit à ceux qui ont participé à un groupe armé ou rébellion de faire partie des députés.

Le Conseil national de la médiation est supprimé. Cette institution est jugée budgétivore mais produit très peu de résultat.

Le Conseil économique et social devient le Conseil Economique, Social et Environnemental.

5- Des anciens chefs de l’Etat membres consultatifs du Conseil Constitutionnel

De la Cour Constitutionnelle, la Centrafrique passe au Conseil Constitutionnel. Le mandat des membres du Conseil Constitutionnel passe de 7 ans à neuf ans, selon l’article 148. Ils sont toujours 11 membres désignés par leurs paires, le Président de la République (3) et le président de l’Assemblée Nationale (3).

L’alinéa 6 de l’article 148 stipule que : « En sus des onze (11) membres prévus ci-dessus, les anciens Présidents de la République sont, de droit, membres du Conseil Constitutionnel avec voix consultative ».

Cependant, contrairement aux autres institutions de la République qui doivent être régies par des lois organiques, il n’existe aucun renvoi à une quelconque loi en ce qui concerne le Conseil Constitutionnel.

6- Création d’une chambre de la Chefferie traditionnelle

Dans le titre relatif aux collectivités territoriales clairement subdivisées en sept (7) régions, la Nouvelle Constitution crée une chambre de la Chefferie Traditionnelle.

L’article 177 définit la Chefferie traditionnelle comme un organe qui est représenté par la Chambre Nationale des Sultans et des Chefs traditionnelles.

La Chambre Nationale des Sultans et des Chefs traditionnels regroupe tous les sultans et tous les chefs traditionnels de la République Centrafricaine.

Elle est chargée notamment de :

La valorisation des us et coutumes ; la promotion des idéaux de paix, du développement et de la cohésion sociale ; le règlement non juridictionnel des conflits dans les villages et entre les communautés.

La Chambre Nationale des Sultans et des Chefs traditionnels participe dans les conditions déterminées par la loi aux efforts de développement harmonieux de toutes les régions de la République.

La composition de la Chambre Nationale des Sultans et des Chefs traditionnels ainsi que les règles de son fonctionnement sont fixées par une loi organique.

7- Autres propositions des réformes

La Nouvelle Constitution de la République Centrafricaine supprime le principe de contreseing instauré pendant la période de transition et transcrit dans la Constitution encore en vigueur.  En effet, l’article 49 alinéa 2 de la Constitution du 30 mars 2016 stipule que : « L’absence des contreseings entraine la nullité des actes »

L’âge du candidat à l’élection présidentielle est ramené à 30 ans au lieu de 35 ans dans la Constitution du 30 mars 2016. Celui des députés est désormais fixé à 18 ans révolus.

Il est instauré dans la Nouvelle Constitution à l’article 79 alinéa 3 que : « Le Président de la République prononce, une fois l’an, devant l’Assemblée Nationale, pendant la deuxième session ordinaire, un discours sur l’état de la Nation ».

Alors que la Constitution du 30 mars 2016 le service militaire ou civique est obligatoire et s’exerce dans les conditions fixées par une loi, dans la Nouvelle Constitution, il fait mention dans l’article 60 alinéa 2 que : « Le service militaire obligatoire PEUT ETRE instauré dans les conditions fixées par la loi », une manière de relativiser ce service qui devrait être obligatoire mais qui n’a jamais été appliqué.

Fridolin Ngoulou