La justice centrafricaine vient d’épingler au moins cinq personnalités politiques, opposants au régime de Faustin Archange Touadera et à son projet des réformes constitutionnelles.

L’Huissier de Justice Maitre Jean Paul Togo a donné des citations directes aux sieurs Jean François Akandji-Kombé du mouvement G16, Petit Delphin Kotto de la COSSIPAC, Serge Mbaikassi et Rodrigue Joseph Prudence Maité, à comparaitre personnellement le 17 novembre 2022 à 8h devant le Tribunal de Grande Instance de Bangui, statuant en matière criminelle, pour infraction d’offense au Chef de l’Etat, d’incitation à la haine et à la violence, prévue et punie par les articles 135 et 295 du Code Pénal Centrafricain.

Jean François Akandji-Kombé, professeur de Droit, résident en France a selon cette citation, dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, appelé tous les centrafricains à participer à un « mouvement insurrectionnel  de résistance populaire pour renverser le pouvoir du Professeur Faustin Archange Touadera ». Pour l’Huissier, le communiqué de presse du Professeur Akandji démontre à suffisance le degré de manœuvre d’incitation à la haine et à la violence contre le gouvernement légitime du président Faustin Archange Touadera. En conséquence, l’épingle pour incitation à la haine.

Dans un communiqué du parquet, on note que les propos du Professeur Jean François Akandji-Kombé ont été repris lors de la manifestation du samedi 5 novembre 2022 à Paris par le Professeur Gaston Mandata Nguerekata, président du Parti pour la Renaissance Centrafricaine (PARC). Dans ce communiqué, le parquet souligne que les deux ont violé la loi pénale du pays et des poursuites seront lancées contre eux.

Par ailleurs, la justice souligne que Petit Delphin Kotto, coordonnateur de la COSSIPAC a publié sur les réseaux sociaux un message audio, appelant tous les centrafricains à un mouvement insurrectionnel populaire le 1er juillet 2022 pour renverser le pouvoir du président Faustin Archange Touadera. Selon la citation directe lui concernant, le message lancé démontre à suffisance le degré de manœuvre d’incitation à la haine et à la violence. La justice veut le déclarer coupable d’un délit d’incitation à la haine.

De son côté, M. Serge Mbaikassi de nationalité centrafricaine résidant à Cotonou au Benin, a, selon la citation directe le concernant, dans une émission vidéo privée en ligne, porté des invectives avec des discours de haines et de la révolte contre les institutions de la République et le Président Touadera. La citation directe note encore que le prévenu a dans son message insidieusement fait un rapprochement aux leaders de certains partis politiques qu’il a appelé l’un d’eux à venir prendre le pouvoir le samedi 5 novembre 2022, puis par la même occasion dans une chanson d’artifice, il a incité les centrafricains de l’étranger à la haine, à la révolte et  à la désobéissance ait été suivi d’effet dans la ville de Bangui parce qu’il a été republier par des journaux puis envoyé également dans les téléphones des gens. Il a aussi tenu des propos injurieux et diffamatoire, portant atteinte à l’honneur et à la dignité du président Touadera. Le parquet est appelé à le déclarer coupable des délits d’offense au chef de l’Etat et d’incitation à la haine et à la révolte.

Pour Rodrigue Joseph Prudence Maité alias Kerembesse, l’Huissier note que dans un message audio en ligne, il a appelé tous les centrafricains résident en France comme lui et dans d’autres pays étrangers à un mouvement insurrectionnel populaire devant l’ambassade de la RCA à Paris, le samedi 5 novembre 2022 pour « renverser le pouvoir du président Faustin Archange Touadera et mettre en place un nouveau régime dit de transition ». L’Huissier note que cet appel qui a été suivi d’effet démontre à suffisance le degré de manœuvre d’incitation à la haine et à la violence. Il soutient qu’il soit condamné pour incitation à la haine.

Les réformes constitutionnelles, sources de ces tensions judiciaires

Ce feuilleton judiciaire qui s’ouvre intervient dans un contexte où une partie de l’opposition démocratique et de la société civile s’oppose farouchement au projet des réformes constitutionnelles engagées par le gouvernement.

Après la création du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) en juillet 2022 ainsi que du G16, on assiste à une opposition radicale à ce projet dont le gouvernement, les partis alliés et les organisations de la société civile ainsi que la majeure partie de la population soutiennent. On assiste alors à des messages violences, des discours de haine et d’incitation à la violence. Si du côté du pouvoir, des organisations appellent à s’en prendre physiquement aux leaders d’opposition démocratique, de l’autre côté, des messages sont lancés pour le renversement des institutions en place, en comptant sur la réorganisation des groupes armés dans certains zones reculées du pays.

Bien sûr que l’incitation à la haine et aux violences soient proscrites par la loi pénale du pays, ces poursuites sont vues comme une « chasse aux sorcières », une représailles systématique contre tous ceux qui tentent de s’opposer à ce projet de referendum constitutionnel.

Après la décision de la Cour Constitutionnelle du 23 septembre 2022 annulant le processus de réécriture de la nouvelle constitution, sa présidente Danièle Darlan a été mise à la retraite puis sautée de la tête de la Cour Constitutionnelle, le 24 octobre 2022 avec l’un de son collègue juge constitutionnel. 

Même si du côté de l’opposition démocratique réunie au sein du BRDC, les choses se sont un peu ralenties à Bangui ces derniers jours, les opposants à ce projet, résidents à l’Etranger dont la plus part en France ne tardent pas de lancer des messages parfois violents contre le régime de Bangui, afin d’obtenir un soulèvement populaire pour barrer la route à ce projet ou soit renverser les institutions en place.

Mais selon plusieurs observateurs, la population, par souci de consolider les acquis de la paix et de la stabilité dans le pays, est capable de se laisser faire pour que ce projet passe, sans pour autant céder aux appels à la violence lancés par les opposants. C’est effectivement sur cette fibre que le gouvernement joue son jeu en se basant sur le dicton qui dit que « qui dit mot consent ». Mais, rien ne prouve que la majorité silencieuse au sien de la population s’aligne derrière le pouvoir ni derrière l’opposition.

Ces tractations judiciaires interviennent après la convocation puis l’audition du Coordonnateur du BRDC Me Crépin Mboli-Goumba par la police pendant plusieurs heures, le 6 octobre dernier.

Fridolin Ngoulou