Depuis 2020, la population de Bocaranga dans la préfecture de Lim-Pendé au nord-ouest de la République Centrafricaine vit péniblement à cause des mines antipersonnel. Ce nouveau défi sécuritaire affecte pratiquement plusieurs régions du nord-ouest de la Centrafrique, qui sort difficilement de l’insécurité à cause des groupes armés qui introduisent un nouveau mode opératoire dans les combats.

Entre janvier et mars 2022, sept personnes, toutes civiles, ont été tuées et 29 blessées, dont 19 civils, dans 19 accidents impliquant des engins explosifs dans la région du nord-ouest du pays. Déjà en 2021, 44 accidents de ce type ont été enregistrés, tuant 30 personnes, dont 23 civils, et blessant 48, dont 30 civils.

Presque toute la région est affectée par les effets de ces engins explosifs.

Nous sommes à Bocaranga, une ville du nord-ouest de la Centrafrique, proche de la zone de trois frontière notamment la République Centrafricaine, le Tchad et le Cameroun. Cette zone est économique car son économie est basée sur l’agriculture et le commerce avec ces deux pays voisins.

Depuis 2013, Bocaranga et ses environs ont fait les frais des groupes armés qui y ont installé leurs base. En 2015, le mouvement rebelle 3R s’est installé d’abord dans le but de protéger les éleveurs devenus cibles des miliciens Antibalaka, un groupe d’autodéfense qui résistait aux exactions des rebelles de la Sélaka dont est issu les 3R, devenu plus tard signataire de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation, négocié à Khartoum et signé à Bangui le 6 février 2019.

Pour cause du non-respect de ces engagements, ce mouvement lance des attaques contre les civiles, provoquant ainsi les contre-offensives des forces armées Centrafricaine et les forces de la Minusca. Depuis cette opération, le phénomène des engins explosifs va alors voir le jour.

C’est ainsi que plusieurs axes sont touchés par ces engins, rendant très risqué la circulation des personnes et des biens dans cette zone. Cette région aujourd’hui minée a été depuis longtemps sous la coupe des groupes armés de 3R, soupçonné d’être responsable de la pose de ces engins explosifs. Les conséquences sont lourdes sur la population civile et les forces loyalistes ainsi que les casques bleus de la Minusca.

Les transporteurs désertent les axes…

Dix grands transporteurs opéraient dans la sous-préfecture de Bocaranga. Mais ce phénomène a contraint au moins neuf à quitter la ville pour Bangui. Mahamat Sallet, transporteur témoigne son calvaire. « Nous étions dix transporteurs à desservir la zone. A cause des engins explosifs, les autres ont fui la ville. Je suis resté mais mon camion a sauté deux fois sur les mines antipersonnel. La première fois, il y avait moins des dégâts. La seconde fois, il y avait deux morts et deux blessés dont mon fils. J’ai finalement perdu mon camion dont la valeur avoisine dix millions de FCFA », a-t-il témoigné tristement.

 Bachir, le fils de Mahamat Sallet, blessé suite à l’explosion d’un engin se relève peu à peu mais difficilement. Il se déplace encore avec les béquilles. Ce jeune élève en classe de terminal n’a pu poursuivre ses études cette année à cause de son handicap. « Je vis depuis le mois de mars 2022 avec cette fracture. Les mines antipersonnel constituent un danger permanent pour la population de Bocaranga et ses environs. Que le gouvernement et ses partenaires prennent des mesures pour déminer les axes », a déclaré Bachir.

Et les commerçants subissent les conséquences…

La seule axe encore praticable est celui de Bocaranga-Bouar. Mais les autres sont risqués. Le transport devient cher, les produits de première nécessité se font rares. Les commerçants utilisent les motos pour circuler mais en créant un piste de peur de sauter sur les mines sur la grande voie.

« Nous conducteurs des motos, prenons des risques chaque jour en empruntant ces axes dont les rebelles ont posé des mines. Eux-mêmes utilisent les motos comme nous ainsi que les éléments de l’Armée Nationale. C’est ce qui fait que les prix des produits ne baissent pas sur les marchés », a témoigné Jean Nestor, un conducteur de mototaxi à Bocaranga.

Le marché hebdomadaire de la ville se passe chaque vendredi. Ce jour-là, le marché est rempli mais, les commerçants se plaignent du fait que les autres axes ne sont plus praticables à véhicule. « Je viens de Bangui pour acheter le haricot et l’arachide. Si tous les axes étaient empruntable, le marché devrait véritablement remplir. Par peur de ces mines antipersonnel, les villageois ne peuvent plus sortir comme au paravent », a relevé Sonia, une commerçante de Bangui.

Personne et aucun secteur n’est épargné. Alors que la sécurité revient progressivement après le déploiement des forces armées centrafricaines  (FACA) et les forces de la Minusca, le nouveau défi reste les engins explosifs qui ont été posés par les groupes armés, pourtant son usage est formellement interdit par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, entrée en vigueur pour la RCA en 2003.

Aujourd’hui, les efforts sont consentis pour les opérations de déminage par le gouvernement et ses partenaires, mais le coût de ces opérations reste élever.  En attendant de trouver la solution à ce problème, la population doit encore subir les conséquences de ces engins explosifs.

Fridolin Ngoulou