24 mars 2013, 24 mars 2023, nous voilà aux 10ièmes années de chaos en Centrafrique. Le 24 mars 2013, ce jour-là, Bangui est tombée entre les mains de la nébuleuse Séléka, une rébellion constituée à majorité des mercenaires et dirigée par Michel Djotodia. Dix ans après, ils sont toujours là et le chaos continue.

Le dimanche 24 mars 2013 tôt le matin, il était impossible d’entendre les sons de cloches ni les cris appelant à la prière dans les mosquées. Les crépitements des armes lourdes et légères ont remplacé les paisibles bruits d’oiseaux et chants des coqs. Bangui est finalement tombée. Débandades générales des Forces Armées Centrafricaines (FACA). Retranchement des Forces de la mission africaine (MISCA), le Général d’Armée François Bozizé, au pouvoir il y a dix ans prend la fuite. Il laisse derrière lui un déluge comme il l’avait prédit lors de son dernier rassemblement au PK0 : « Après moi c’est le déluge ».

En effet, les rebelles de la Séléka ont pénétré, samedi 23 mars 2013, dans les faubourgs de la capitale Bangui après avoir fait sauter, la veille à Damara, le dernier verrou, la « ligne rouge » protégeant l’accès à la capitale. Cette ligne rouge était tenue par les forces de la mission africaine de soutien à la Centrafrique (MISCA), principalement l’armée tchadienne.

Dans la journée de samedi, des combats avaient opposés les rebelles aux soldats Sud-Africains appelés à la rescousse en janvier par le Président Bozizé lors de la précédente offensive rebelle. Il y aurait plusieurs morts et blessés parmi les Sud-Africains qui ont battu en retrait.

Les rebelles s’installent, le chaos s’installe !

Pas de surprise. Les rebelles se sont installés. Bienvenu le pillage, les exécutions sommaires, les enlèvements, en un mot la chasse aux sorcières. Michel Djotodia s’autoproclame Président de la transition, il confirme Nicolas Tiangaye, ancien opposant de François Bozizé comme Premier Ministre, Chef du gouvernement de transition.

Les autorités ne maitrisent plus rien, même pas leurs propres hommes à plus forte raison les mercenaires tchadiens, soudanais et nigériens à leur solde. La Centrafrique vit les neufs mois du calvaire, du chaos, à l’absence des « vrais hommes politiques » de l’opposition démocratique. Soit on conjugue avec la Séléka pour protéger sa tête, et beaucoup l’on fait, soit on prend le chemin de l’exil loin du peuple.

C’est dans la foulée que les gens découvriront l’Archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, le Pasteur Nicolas Guerekoyame Gbangou, président de l’Alliance des Evangéliques en Centrafrique (AEC), l’Imam Kobine Layama (paix à son âme), président du Comité Islamique Centrafricain pour leur courage, implication et franchise dans la gestion de la crise.

C’est dans ce chaos total, que des leaders de la société civile telles que Gervais Lakosso du Groupe de Travail de la Société Civile (GTSC), Dr Valérie Tanga, Mme Chantal Solange Touabena… se sont faits remarqués positivement auprès de la population mais très négativement dans le cercle de la Séléka.

Une frange des leaders de la classe politique s’est fait remarquer en tête Jean Serge Bokassa et son ancien Directeur de Cabinet Marcel Mokwapi. L’ancien Premier Ministre Martin Ziguele et l’opposant Joseph Bendounga après son limogeage du gouvernement ont bravé la peur, sont restés auprès du peuple, dénonçant régulièrement des exactions des rebelles. Certes, ils étaient aussi nombreux de loin à faire des déclarations.

Malgré les tentatives de désarmement organisé par le gouvernement de l’époque, la Centrafrique était devenue une poudrière. Les chefs de la Séléka se sont répartis dans les grandes régions du pays pour piller, exploiter et Installer un commandant en chef à Bambari dans la Ouaka en occurrence Ali Darassa pendant durant plusieurs années.

Une révolution citoyenne sur fond des exacerbations, récupérée par des politiques !

Le peuple a enduré neuf mois de chaos total. Pas d’armée nationale, les forces africaines sont restées impuissantes face aux exactions de la Séléka, le peuple livré aux griefs des hommes de la Séléka. C’est dans ce contexte que va naitre la milice « Anti-Balaka », qui avait comme principale objet la protection des civiles face aux violations massives des droits de l’homme causées par la Séléka.

Des violents combats ont opposé Anti-Balaka aux éléments de la Séléka dans plusieurs villes. Le mouvement Anti-Balaka commence à s’organiser et avoir des revendications politiques. Ce mouvement s’installe proche de Bangui et se généralise dans le pays.

Un 5 décembre 2013 vers une heure du matin, cette milice tente de prendre le pouvoir. C’est là où la politique a récupéré la situation. Un autre chaos s’installe dans un chaos. Un désordre pour gérer un désordre. Des représailles, exactions de tout genre sont commis par les deux camps et c’est la guerre civile.

Dans la foulée, l’ONU autorise l’Armée française sous la bannière de l’Opération Sangaris à intervenir. Le même jour du coup d’Etat manqué, l’opération Sangaris entre sur scène. Elle maitrise un peu la situation.

Sous la pression de la Communauté internationale, Michel Djotodia et son Premier Ministre, Chef du gouvernement Me Nicolas Tiangaye ont démissionné le vendredi 10 janvier 2014, lors du sommet extraordinaire de la Communauté Economique des États d’Afrique Centrale qui se tenait à N’Djamena.

Le président du Conseil National de Transition Alexandre Ferdinand Nguendet, l’un des soutiens de Djotodia assure l’intérim pendant 14 jours et organise une élection à l’issue de laquelle Catherine Samba-Panza a été élu Présidente de Transition. Elle gère un pays tombé dans un labyrinthe, un pays en lambeau qui connait plusieurs phases d’instabilités. Elle entame la restructuration de l’armée, l’installation des forces onusiennes avant d’organiser le référendum constitutionnelle et les élections groupées. Le Président Touadera est élu en 2016 et réélu plus tard en 2021 dans une nouvelle crise.

Ennemis hier, amis aujourd’hui !

Sans pour autant que la question de fond, qui est la sécurité soit résolue, nous quittons la transition avec beaucoup d’Accord de paix après la Consultation populaire à la base et le Dialogue National, mais surtout un grand espoir de revenir dans l’ordre constitutionnel. Hélas, le pays renoue avec les violences après le retrait des forces de la Sangaris. Les anciens rebelles de la Séléka, fragmentés en plusieurs mouvements ont progressivement occupé 80 % du territoire, en caporalisant tous les services de l’Etat, prenant en otage l’économie du pays pendant huit ans.

En 2020, les tombeurs de François Bozizé, signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation avec le gouvernement de Faustin Archange Touadera se sont coalisés avec les Anti-Balaka proches de François Bozizé pour créer la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC).

Cette nouvelle rébellion occupe vite des villes et tente de prendre Bangui le 13 janvier 2021. Repoussés par l’Armée nationale, les forces bilatérales russes et rwandaises mais aussi les forces de la Minusca, la CPC est aujourd’hui dispersée autour de plusieurs villes du pays reprises par l’Armée nationale après huit ans d’occupation par ces rebelles.

Malgré les multiples accords de paix, dix ans après la prise de pouvoir de Michel Djotodia, le calvaire de l’insécurité persiste encore malgré la montée en puissance de l’armée, un nombre record (12.000) des forces onusiennes, des alliés bilatéraux russes et rwandais. La Centrafrique continue à envoyer au monde un message négatif marqué par des tueries et autres exactions que ça soit du côté des rebelles que des forces nationales. Les dix ans sont passés comme si c’était hier. Que nous réserve les dix prochaines années ? Seul Dieu tout Puissant détient le mystère de l’avenir.

Fridolin Ngoulou