Le 06 février 2019 marque la signature de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR), négocié à Khartoum entre le Gouvernement et les 14 groupes armés. 06 février 2024, soit cinq ans après, la République centrafricaine (RCA) marche difficilement vers la paix tant attendue par la population centrafricaine.

Nous étions témoins oculaire des premières négociations en 2018 puis du dialogue politique dans la capitale soudanaise, Khartoum, quelques après le chaos dans ce pays hôte et voisin. 14 groupes armés ont discuté pendant deux semaines, avec des temps des tensions et d’apaisement, sous la conduite du Gouvernement, de l’Union africaine, de l’ONU, des pays voisins dans le but de chercher les solutions pour la paix et la réconciliation dans le pays. Finalement, un accord a été conclu, paraphé à Khartoum et signé le lendemain dans la capitale centrafricaine. L’espoir renaît mais le doute a toujours plané quant à la sincérité des engagements pris par les partis signataires. La société civile, les leaders politiques et religieux, observateurs des discussions n’y croyaient pas totalement. Ils n’ont pas été associés aux discussions mais participent aux séances plénières sans droit à la parole. Un accord critiqué avant sa signature.

Le Gouvernement et les groupes armés taillent chacun pour sa part des parts importants d’intérêt. C’est le principe des jeux, encouragé par les garants et facilitateurs.

Comme premières retombées, un nouveau Gouvernement a été ouvert aux responsables des groupes armés. Certains intègrent la Présidence de la République, le comité en charge de suivi, les esprits se sont calmés. Mais sur le terrain, des attaques se poursuivaient et attribuées à des bandits de grand chemin. L’Unité Spéciale Mixte de Sécurité (USMS) a été créée. Chaque groupe armé envoie la liste de ses hommes aptes pour le désarmement. Certains anciens combattants, un millier, intègrent les rangs des forces de défense et de sécurité.

D’autres points forts

De toutes les énergies déployées, l’APPR a été un début d’une solution à la crise profonde qui a affecté le pays depuis plusieurs décennies. C’était un accord de dernière chance pour les groupes armés qui écument le pays. C’est ainsi que sur les 14 groupes armés, neuf ont finalement dissout leurs groupes pour intégrer le processus du désarmement financé par les bailleurs.

Recommandations liées à la gestion de la transhumance ont été traduites dans les faits et les exécutions se poursuivent à nos jours. Plusieurs programmes et projets allant dans le sens d’une transhumance apaisée s’exécute dans le pays, accompagnés par la mise en place des comités locaux de la gestion de la transhumance tout comme les comités locaux de la paix.

L’une des recommandations phares a consisté à l’organisation des élections locales en cours de préparations, 35 ans après les dernières élections municipales dans le pays.

La loi sur le régime des partis politiques, la loi fixant les pensions des anciens chefs d’Etat sont aussi à mettre à l’actif de cet Accord.

Commission Vérité, Justice, Réparation et  Réconciliation (CVJRR) a été mise en place et très avancée dans sa mission, aux côtés de la Cour Pénale Spéciale dont son exécution a été accélérée par l’APPR.

En effet, beaucoup de chose ont progressé, des textes sont pris mais des faiblesses restent visibles dans la mise en œuvre de cet Accord.

Des faiblesses

La plus grande faiblesse de cet accord est l’arrivée de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) de l’ancien président François Bozizé en 2020. Cette rébellion a fédéré des membres des groupes signataires de cet Accord, les plus puissants pour tenter de renverser le régime de Faustin Archange Touadéra.  La contre-attaque de l’Armée avec l’appui des paramilitaires russes et forces spéciales rwandaises a permis de reprendre les 80% du territoire occupés par ces hommes armés et qui étaient l’objet de chantage de la part de ces rebelles.

La mise en œuvre du projet des USMS est lente. Après Bouar, ce projet peine à se concrétiser. L’espoir des groupes armés et de la population s’est effondré après que plusieurs candidats à cette unité aient repris les maquis.

On observe un silence autours de la mise en œuvre de certaines recommandations de cet Accord. Le comité n’est plus actif. Le Dialogue Républicain, organisé en 2021 entre les forces vives de la Nation a repris plusieurs recommandations non réalisées de l’APPR. Là encore, le comité, installé à la Présidence de la République peine à assurer le suivi des recommandations de ce dialogue.

En effet, en cinq ans, comme une voie tordue, périlleuse, épineuse et pleine d’obstacles, la recherche de la paix en RCA est parsemée d’embûches. Pourtant, l’espoir de la paix se lit sur le visage des Centrafricains qui espèrent en cette paix dans le pays à travers plusieurs instruments dont les dialogues.

Fridolin Ngoulou