Depuis près de deux mois, la feuille de gnetum (kôkô), très consommée par les centrafricains devient de plus en plus rare sur les marchés à Bangui. Cette rareté a fait augmenter les prix des bottes chez les grossistes. Une botte de kôkô qui se vendait à 150 francs CFA se vend aujourd’hui entre 300 à 500 francs. La rareté et la hausse des prix de cet aliment sur les marchés impactent déjà négativement sur le panier de la ménagère. Les commerçantes pointent du doigt accusateur les grossistes qui, selon elles, spéculent volontairement sur les prix. Les grossistes indiquent quant à eux, que pendant cette période des chenilles, les pigmés, principaux ravitailleurs de cette marchandise ont abandonné la cueillette de celle-ci et se sont concentrés sur le ramassage des chenilles. Ils évoquent aussi la pénurie du carburant comme l’une des causes.

Lundi 8 août 2022, il est 10 heures 30, nous sommes au marché Laurent Bois, situé à PK 9 route de Mbaïki, à la sortie sud de Bangui. Ici, les vendeuses de la feuille de gnetum (kôkô) sont venues de partout pour acheter leurs marchandises. Selon des témoignages recueillis sur place, pour acheter cette marchandise chez les grossistes est un parcours de combattant.

Ce qui nous décrie ici, Ornella Damachoua, commerçante au marché Pétévo dans le 6e arrondissement de Bangui. « Pendant cette période des chenilles, nous avons de la peine pour acheter nos marchandises. C’est depuis 5 heures du matin que je suis venue acheter mes marchandises. Je viens juste de les avoir. En plus d’être venue très tôt, je dois me bousculer avec d’autres commerçantes sur le grossiste. Je voudrai acheter pour 7000 mille, mais le grossiste m’a donné pour 5000 mille francs CFA afin de permettre aux autres d’en avoir aussi », a-t-elle expliqué.

Juste à côté de Ornella se trouve Cynthia Marlène Ngbaka, commerçante au marché Combattant dans le 8e arrondissement de Bangui. Très en colère, Cynthia raconte son mécontentement. « Ils nous vendent 3 bottes à 1000 avec un bonus 100 francs. Certains grossistes nous vendent 5 bottes à 1500 francs  avec un bonus de 150 francs. Parfois on ne génère pas de bénéfices sur nos marchandises. On se plaint toujours, mais ce n’est pas leur problème. C’est depuis plusieurs années que je vends la feuille de gnetum au marché combattant et c’est toujours comme ça. Nous ne vivons que de cela. Je ne peux pas changer de marchandises pour le moment ».

« Avant la période des chenilles j’achetais la feuille de gnetum une quantité pour 300 francs CFA chez les commerçantes au marché et cela me suffit de préparer la nourriture à la maison. Mais actuellement, je dois payer le double de ce que j’achetais auparavant. J’aime aussi consommer les chenilles avec la feuille de gnetum ». Bertille tient une gargote au quartier Malimaka, dans le 5e arrondissement de Bangui.

Accusés d’être à l’origine de la hausse des prix des bottes de la feuille de gnetum, les grossistes  expliquent quant à eux, que pendant cette période des chenilles, les pigmés, principaux ravitailleurs de cette marchandise ont abandonné la cueillette de celle-ci et se sont concentrés sur le ramassage des chenilles. De-Bonheur, allias De Bordeau, est l’un d’entre eux : « chaque année pendant les périodes des chenilles, il y a hausse de prix de botte là où nous achetons aussi. Une grande partie de nos fournisseurs priorisent actuellement le ramassage des chenilles. Ceux qui continuent de nous fournir nos marchandises spéculent aussi sur les prix. Il y a aussi la pénurie du carburant qui est l’une des causes. Nous payons presque le double de ce que nous avons l’habitude de payer pour transporter nos marchandises de soit Pk 55 ou Pissa à Bangui. Nous devons aussi mettre quelques choses sur les prix des bottes afin de nous permettre de générer aussi de bénéfice » ajoute-t-il.

Guillaume Wilfried Tamiyan, est grossiste au marché Laurent Bois. Il préfère réserver ses marchandises à ses potentielles clientes. Car, dit-il, celles-ci venaient toujours acheter leurs marchandises chez lui-même quand il n’en y a plein sur le marché. « Quand il y avait beaucoup de kôkô sur le marché, certaines commerçantes choisissaient les grossistes pour s’approvisionner en marchandise. Voilà aujourd’hui, elles viennent se plaindre et nous demander pourquoi nous privilégions nos clientes ».

Pendant la période des chenilles, les feuilles de coco vont avoir le temps de se régénérer car, coco est consommé par la population toute l’année.

Pétrus Namkoina