Deux semaines après l’organisation de la semaine nationale de la jeunesse, couplée avec la journée des martyrs le 18 janvier 2022 et la remise du trophée de paix au président de la République Faustin Archange Touadera par l’Union Panafricaine de la Jeunesse, des tensions divisent le Conseil National de la Jeunesse centrafricaine (CNJCA) et le ministère de la promotion de la jeunesse, des sports et de l’éducation civique. Pour cause, la justification des 32 millions alloués par le gouvernement via le trésor public.

On assiste à un jeu de Ping pong entre ces deux entités. Mais bien avant, la composition du comité d’organisation avait suscité des tensions. La CNJCA avait refusé de prendre part au comité d’organisation pour la simple raison que plusieurs têtes et entités ne plairaient pas à cette organisation nationale de la jeunesse. Mais après débats, la présidente du CNJCA, Pamela Audrey Derom alors présidente du comité d’organisation a fait marche arrière pour rejoindre ce comité.

Malgré ce retour, la semaine nationale de la jeunesse a été émaillée par des tensions de tout bord. Comme un effet domino, cette première crise de confiance a affecté la suite de l’organisation de cette semaine. Les activités prévues n’ont pas été bien menées, certaines purement et simplement écartées à l’exemple des conférences débats qui n’ont pas eu lieu faute de concorde dans le comité d’organisation.

Le conseil national de la jeunesse, travaille depuis sa création sous la couverture du ministère de la jeunesse, même disposant des textes de base. Il est une organisation de la jeunesse. C’est pourquoi, les jeunes n’avaient pas opté pour que cette organisation de la société civile devienne une institution avec un texte organique validé par l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle afin d’être autonome dans sa gestion.  Pour les jeunes, devenir une institution sera synonyme de faire du CNJCA une institution politique.

C’est ainsi que tous les fonds alloués par le gouvernement passe sous la gestion du ministère de la jeunesse, garant de la bonne gestion et responsable devant le trésor public ou l’inspection générale des finances et devant la Cour des comptes.

Selon les informations Oubangui Médias, pour l’organisation de la semaine nationale de la jeunesse de cette année, plusieurs entités de la jeunesse ont été conciliées pour que l’organisation soit unique. Les activités du CNJCA, celle de la fédération centrafricaine de football et l’activité de l’Union Panafricaine de la Jeunesse ont été condensées dans un seul document dont le budget s’est élevé à 60 millions de FCFA.

La gestion de ces activités a été placée sous l’autorité du directeur de cabinet du ministère de la jeunesse. C’est ainsi qu’il était responsabilisé pour encaisser des fonds.

Soupçons autours de la gestion et brouilles autours de la justification

D’entrée de jeu, la présidente du CNJCA  Pamela Audrey Derom a rappelé mardi dernier lors d’une conférence de presse qu’un comité de gestion a été mis en place pour gérer cette semaine  de la jeunesse dont elle fut la présidente. « Une somme de 46 millions de francs CFA a été décaissée au directeur du cabinet de la jeunesse en la personne de Héritier Doneng. Malheureusement, ce dernier n’a pas remis l’argent en espèce à la trésorière qui est censée gérer les finances », lance-t-elle.

En donnant des précisions, elle recadre en expliquant que sur les 46 millions de FCFA, 32 ont été encaissés par le directeur de cabinet. Les 14 autres millions étaient dédiés aux activités connexes pilotées par le ministère en charge de la réconciliation nationale et de l’action humanitaire.

Un jour après sa déclaration, Oubangui Médias rencontre Héritier Doneng, directeur de cabinet au ministère de la jeunesse. Sur ce point, il répond : « Le budget total s’élevait à 60 millions de FCFA. Mais, le ministère a reçu 32 millions de FCFA ».

Pour lui, cette semaine impliquait plusieurs ministères : Le ministère de la jeunesse, le ministère de la réconciliation nationale, le ministère de la justice, le ministère de l’hydraulique, le ministère des mines, le ministère de tourisme et le ministère de la communication. Ces ministères avaient aussi un budget à gérer.

« Dans ce financement, il y a un volet du budget qui doit être alloué à la fédération centrafricaine de football pour l’organisation de la grande finale de football, celui qui concerne la délégation de l’Union Panafricaine de la Jeunesse, celui dédié à la prise en charge des délégués de provinces…Donc, tout l’argent n’était pas à remettre à la présidente du CNJCA », a poursuivi le directeur de cabinet Héritier Doneng.

Pour ce dernier, la présidente du CNJCA a reçu  neuf millions de FCFA dédiés à l’organisation du séjour de la délégation de l’UPJ et 2.700.000 FCFA pour la délégation des jeunes de provinces.

« Sur les cinq délégués de l’UPJ, quatre sont venus. Donc, elle doit restituer l’argent des frais de voyage d’un membre absent. En ce qui concerne les délégués des provinces, nous avions prévus 40 personnes. Mais 27 sont arrivés et 13 étaient absents. En ce qui les concerne, le budget prévoit 68.000 FCFA pour chacun. Mais, ceux qui sont venus ont affirmé avoir perçu seulement 35.000 FCFA. Là aussi, il doit y avoir des reliquats », a expliqué Héritier Doneng.

Pamela Derom réplique : « Sur le fonds alloué à l’UPJ, le directeur de cabinet avait déjà défalqué pour le membre absent. Sur cette ligne, il nous reste 450.000 FCFA. Pour les délégués de province, ils étaient 29 dont 11 absents. Il était prévu une prise en charge pour trois jours seulement mais nous sommes passés au-delà car des délégués ont passé cinq jours. Ceux qui sont proche ont reçu un remboursement de transport à l’ordre de 35.000 FCFA. Mais, ceux qui sont loin ont reçu le double vu la distance qu’ils ont parcouru. Il y avait un cas d’un délégué accidenté. Nous l’avons aussi pris en charge ».

Alors, qui doit justifier devant qui ?

C’est la question de la gestion et surtout des justificatifs qui a suscité des tensions entre le CNJCA et le ministère de la jeunesse. En effet, chaque commission mise en place pour cette semaine est appelée à justifier les fonds chez qui l’argent a été donné. Mais cela ne semble pas le cas.

La présidente du comité d’organisation insiste à ce que tout se fasse dans le comité d’organisation. Le ministère soutient que toutes les commissions doivent déposer leurs rapports financiers au département, auprès de la gestionnaire qui s’occupe de cette activité. Une rencontre pourra être convoquée après pour tirer les choses au clair.

La balle est ouverte. Le CNJCA soutient que les fonds reçus pour la semaine nationale de la jeunesse proviennent des fonds spéciaux et non du budget du ministère de la jeunesse pour que celui-ci s’impose. Le ministère dit le contraire et soutient sa position de garant devant les institutions financières.

Au trésor public, qu’il s’agit des fonds spéciaux ou du budget du ministère, l’argent est sorti du trésor et doit être justifié au trésor. « Tout ce qui concerne la jeunesse, c’est le ministère qui est le garant. Dans la loi des finances, le ministère est le premier garant. Le deuxième garant c’est le directeur de cabinet. C’est lui qui a proposé le comité d’organisation en ce qui concerne l’activité de la jeunesse. C’est lui qui est venu décharger les fonds ici. Donc, c’est à lui de venir justifier au nom de son ministère. Nous ne connaissons pas le CNJCA ni les commissions », nous a confié sous l’anonymat un inspecteur des finances au trésor public.

Que faire dans ce cas ?

Logiquement, tous ceux qui ont perçu de l’argent pour la semaine nationale de la jeunesse doivent justifier les fonds auprès du ministère qui est jusque-là le garant devant le trésor public. Mais on assiste à un manque de confiance entre les organisations de la jeunesse et le ministère qui parraine toutes les actions de la jeunesse en Centrafrique.

Le gouvernement doit avoir s’il n’existe pas encore et faire respecter le manuel de procédure administratives et financières pour la gestion des entités affiliées aux ministères afin de définir clairement les responsabilités en cas des subventions des activités par le gouvernement.

Cet épisode vient compléter la longue liste en ce qui concerne le ministère de la jeunesse et des sports pour les gestions des fonds alloués aux compétitions internationales. Chaque fédération entretient une tension autour de la gestion des fonds. Qui doit encaisser ? Qui doit justifier ? Nous devons aller vers un seul interlocuteur afin d’éviter des tensions inutiles.

En attendant, il faut une confrontation pour lever les zones d’ombres entre le CNJCA et le ministère de la jeunesse. Le patron du ministère doit alors arbitrer afin de faire revenir le climat de confiance.

Fridolin Ngoulou