L’actualité politique de la République centrafricaine est marquée en 2022 par des tensions parfois extrêmes, malgré la tenue du Dialogue Républicain en mars 2022.

L’année 2022 qui s’achève n’a pas été du tout facile pour les centrafricains. Des tumultes politiques ont conduit le peuple du début à la fin de cette année, que l’on croyait apaiser après une année électorale marquée elle aussi, par des tensions politiques et l’attaque des rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) de l’ancien président François Bozizé, aujourd’hui en exil à Ndjamena au Tchad.

Le dialogue Républicain, un acte fort mais…

Le Dialogue Républicain a été organisé dans un contexte de crise post-électorale de 2020-2021. Il était une occasion pour permettre aux centrafricains de discuter des maux qui minent la vie du pays afin de trouver des solutions pour son décollage économique.

Ce dialogue n’a pas fait l’unanimité au sein de la classe politique. Une partie de l’opposition politique au pouvoir du Président Faustin Archange Touadera a boycotté ce grand rendez-vous au motif d’une présumé tentative d’atteinte à leur intégrité physique d’une part et d’autre part ces leaders réclamaient la présence du chef de la CPC l’ancien président François Bozizé aux tables des discussions et posaient aussi comme préalable que le dialogue ne devrait pas aborder les questions des relectures de la constitution dont l’idée commençait à émerger dans le cercle du pouvoir.

Malgré ce boycott, d’autres leaders de l’opposition y ont pris part ainsi que les principales organisations de la société civile.

Plusieurs centaine de recommandations ont été adoptées en plénière donnant lieu à la mise en place plus tard du comité de suivi de la mise en œuvre de ses recommandations. Loin de revenir sur ces recommandations, la mise en œuvre reste encore timidement observer par la population, qui avait fondé son espoir sur cette rencontre plus ou moins inclusive.

Le projet des réformes constitutionnelles, sources des tensions!

Quelques mois après le Dialogue Républicain, les proches du pouvoir ont entamé des manifestations pour susciter l’adhésion de la population au projet de réécriture de la constitution du 30 mars 2016. Porté par un député avec le soutien du Front Républicain d’Héritier Doneng, ce projet a été ensuite récupéré par le gouvernement avant que le chef de l’Etat ne puisse annoncer sa volonté de réformer la Constitution pour l’adapter aux réalités du pays, surtout la mise à l’écart des « institutions budgétivores ».

Dans la foulée et ce projet, depuis juillet 2022, l’opposition démocratique et une partie de la société civile dont les principaux responsables vivent pour la plupart à l’étranger vont lancer le Bloc des Républicains pour la Défense de la Constitution (BRDC) du 30 mars 2016. Une bataille politique rude s’installe et s’invite devant les juges constitutionnels.

La vie politique en 2022 va être mouvementée par les déclarations et manifestations des Pour et Contre ce projet des réformes constitutionnelles. C’est pourquoi, en invalidant les décrets pris par le Président de la République, créant et mettant en place le comité de réécriture de la nouvelle constitution, la Présidente de la Cour Constitutionnelle, Mme Darlan Danièle s’est butée à son tours à une mise à la retraite avant d’être limogée à la tête de cette Cour. Son 1er vice-président Jean Pierre Waboue prend la tête de cette institution, garant de la Constitution.

Un acte politique qui a déplu plusieurs acteurs de la vie politique, sur le plan national mais aussi international.

 Le feuilleton Darlan vient ralentir l’élan des combats pour la réécriture ou non de la nouvelle Constitution. L’opposition qui comptait sur cette dame de fer est fragilisée. Le pouvoir ralenti sa progression vers la concrétisation de ce projet ambitieux mais vu aussi comme dangereux pour l’avenir politique du pays, surtout de l’actuel locataire du palais de la Renaissance.

Sans occulter les crises internes au sein du parti au pouvoir autour de ce projet et même une crise interne de leadership au sein de l’opposition, les deux parties n’ont pas encore su aplanir complètement leurs divergences avant de passer aux prochaines étapes.

Des violences verbales, des intimidations ont accompagné ce long métrage que l’on peut fragmenter en plusieurs séries. Pour le moment, il nous semble que rien n’a encore commencé. Nous avons juste assisté à l’avant-première d’un épisode.

Une élection locale pleine de doute

Initialement prévues en 2022, les élections locales ont dû être reportées en juillet 2023. Pourtant, faisant aussi partie des recommandations phares du dialogue et du calendrier politique de l’année 2022, plusieurs faits dont la crise autour des réformes constitutionnelles sont venus stopper l’élan de la préparation de ces élections locales. L’Autorité Nationale des Elections a manqué des moyens pour l’organisation de ces élections. Les partenaires ont été réticents pour financer ces élections à cause du projet de référendum constitutionnel. La Minusca s’est désengagée de sécuriser le référendum. Les acteurs politiques sont restés concentrer sur le projet des réformes constitutionnelles et n’ont pas été prêts pour aller aux élections locales, véritables tremplin pour la démocratie à la base.

La tension politique a réveillé les groupes armés qui ont commencé à lancer des attaques sporadiques. C’étaient des bonnes raisons pour le report de ces élections qui n’ont pas été organisées depuis 36 ans.

2022, année de tension politique restera gravée dans la mémoire collective.

Malgré la démission de l’ancien premier ministre Henri-Marie Dondra, le président Touadera a pu maitriser une stabilité politique en ne cédant pas aux pressions de la formation d’un nouveau gouvernement après le dialogue de mars 2022.

Fridolin Ngoulou