La République centrafricaine traverse une crise complexe et profonde aux conséquences humanitaires et de protection graves depuis plusieurs années. Ces conflits politico-militaires ont eu des conséquences dramatiques sur les populations en engendrant le déplacement massif des populations, la déstructuration de l’appareil étatique, des services sociaux de base et en mettant sous le contrôle des groupes armés plus de la moitié du territoire.

Cette triste situation est reflétée dans le Plan de Réponse Humanitaire (HRP) 2021 qui note qu’en 2020, l’inaccessibilité aux services sociaux de base et l’impact socio-économique de la pandémie de la COVID-19 ont profondément érodé les capacités de survie physique et mentale de la population centrafricaine et causé une détérioration significative de leurs conditions de vie. La même source indique que plus de la moitié de la population a besoin d’une assistance humanitaire et 1,9 million de personnes sont dans une situation critique malgré les efforts des acteurs humanitaires.

Également, selon le rapport de la Commission sur les Mouvements de Population (CMP), au 30 novembre 2020 le nombre total des personnes déplacées internes en RCA était estimé à 630.834 personnes composé respectivement de 191.782 personnes sur les sites et 439.052 personnes dans les familles hôtes.

Depuis le début de la crise électorale en mi-décembre 2020, ce chiffre a augmenté de 105,300 et de 100,000 personnes supplémentaires constituées respectivement de réfugiés dans les pays voisins (RDC, Tchad, Cameroun et Congo) et déplacés internes dans le pays[1]. Ce contexte place la République centrafricaine, selon l’indice INFORM 2021[2] parmi les pays à risque très élevé avec un score de 7,8 et le classe au 5ème rang dans le monde en termes de niveau de risque.

La crise post-électorale constitue probablement le facteur de trop dans la situation de la RCA déjà marquée par les éléments de crise suscités.

Femmes et filles exposées

Dans ce contexte, les femmes et les filles sont davantage exposées et vulnérables au moment de ces déplacements, tout particulièrement aux violences sexuelles qui sont endémiques en RCA. Ainsi, le HNO[3] 2021 estime à 1,1 million de personnes le nombre de personne dans le besoin d’assistance et de réponse en violence basée sur le genre (VBG).

De même, dans son rapport de monitoring réalisé sur la période du 15 décembre 2020 au 15 janvier 2021, le HCR observe la recrudescence de l’insécurité due aux exactions commises sur la population civile par les éléments des groupes armés et les transhumants armés ; notamment le pillage, l’incendie des maisons, la violence sexuelle et le viol individuel ou collectif sur les femmes et les filles avec pour conséquence le déplacement à titre préventif des personnes.

Le rapport annuel de monitoring de protection 2020[4] du HCR mentionne que sur un total de 6236 incidents de protection recensés, 2918 (soit 47% du total) concernent les violences basées sur le genre. Ce rapport note des taux particulièrement forts dans la Ouaka et la Haute-Kotto où les VBG représentent respectivement 57% et 45%. Une augmentation de 17% par rapport à l’année 2019 des cas de VBG a été relevée par le rapport suscité.

L’ONG internationale DRC[5] note que dans la quasi-totalité des villages ciblés (province de l’Ouham Pende) par la cartographie des risques, (99%), les violences basées sur le genre sont extrêmement répandues et de nature systématique. Interrogées sur l’existence de cas de viols dans leur localité, 73% des personnes affirment qu’il y a eu plus de 4 cas ou une augmentation des cas et qu’il n’existe pas de système de protection communautaire.

Parmi ces 73%, 43% affirment que les survivantes sont stigmatisées. Selon le même rapport, au cours de l’année 2020, un total de 1 850 incidents de VBG ont été rapportés à DRC, qui ont eu lieu en majorité dans l’Ouham Pende (78%) et dans l’Ouham (19%), principales zones d’intervention de DRC au cours de l’année 2020 en Protection.

D’après le rapport annuel de la Ligne Verte 4040[6], au cours de l’année 2020,  un total de 279 incidents de Violences Basées sur le Genre a été  rapporté. Le viol reste l’incident le plus rapporté avec 86%. 52% des incidents rapportés ont eu lieu à Bangui et ses environs contre 48% en province. Les préfectures en province les plus touchées sont l’Ombella M’Poko (22%), la Ouaka (6%) et la Nana-Gribizi (5%) avec le viol comme principal incident. A Bangui, les arrondissements les plus touchés sont le 5ème, le 4ème et le 6ème.

Le rapport d’évaluation des besoins liés à la crise électorale/post-électorale réalisé par Médecins Sans Frontières Espagne en décembre 2020 particulièrement sur l’axe Kaga-Bandoro Dekoa, va dans le même sens que celui du HCR en révélant des gaps importants entre autres, dans le volet réponse au viol et autres violences sexuelles qui ont fortement augmenté dans la zone susmentionnée.

Bien que la RCA se soit doté en 2019 d’une Stratégie Nationale de Lutte Contre les Violences Basées sur le Genre (VBG), le mariage d’enfants et les Mutilations Génitales Féminines, le nombre de cas de violences basées demeure toujours élevé année après année comme le montre les statistiques du Système de Gestion de l’Information sur les violences basées sur le genre (GBVIMS) qui montrent qu’en 2020, 9 216 cas de VBG ont été collectés au niveau des services dont 24% de violence sexuelles (VS) et ceci dans seulement 29 sous-préfectures sur un total de 73.

Malheureusement, l’absence des institutions judiciaires[7] et sécuritaires et l’effritement des mécanismes traditionnels de gestions des conflits exposent davantage les couches les plus vulnérables (femmes et filles) à plus de violences y compris les viols et agressions sexuelles.

Un déficit de financement

Parmi les défis notoires et de longue date à la réponse aux VBG en RCA, les acteurs relèvent un déficit criard de financement, l’absence d’un personnel qualifié et motivé ; des locaux et des équipements insuffisants ou délabrés; une disponibilité et une accessibilité limitées aux bénéficiaires ; une réponse psychosociale souffrant de l’insuffisance de centres spécialisés et de compétences dans la prise en charge ; le nombre très limité des abris pour assurer la sécurité des personnes survivantes; l’insuffisance de l’assistance en moyens de subsistance et l’insuffisance de la réponse judiciaire. Par ailleurs, les données sur les VBG sont insuffisamment collectées dans le pays.

En ce qui concerne la réponse immédiate aux VBG, en lien avec la crise électorale qui a engendré à son tour la généralisation de l’insécurité, elle a eu comme impact la réduction substantielle depuis 15 décembre 2020 de la capacité de réponse des acteurs. La forte présence des hommes en armes sur l’ensemble du territoire a contraint de nombreux acteurs à suspendre ou à réduire fortement leurs activités sur le terrain. Cela pose un sérieux problème d’accès aux services de prise en charge des victimes et pour la collecte des données. 

UNFPA dans ce contexte apporte son appui aux acteurs à travers la coordination du sous cluster VBG, la coordination de la collecte des données à travers le mécanisme de gestion de l’information sur la violence basée sur le genre (GBVIMS) et en soutenant les activités de réponse d’ONG directement opérationnelles sur le terrain.

UNFPA met également à disposition des milliers de kits de dignité pour les femmes et les filles en situation de vulnérabilité. Les formations sanitaires et certains partenaires reçoivent de la part de UNFPA des kits de prise en charge de viols et des kits de santé de la reproduction gratuitement.

Elle organise enfin des activités de renforcement des capacités des membres du sous cluster VBG et des services techniques du gouvernement afin de les aider à être plus performants dans la réponse à apporter aux survivant(e)s.

UNFPA