Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, avait nommé le 6 février 2019,  le diplomate sénégalais Mankeur Ndiaye à la tête de la Minusca. Après trois années passées, celui-ci ne pourra plus continuer à piloter la mission onusienne en Centrafrique. Mankeur Ndiaye partira sur quelle notes ?

Mankeur Ndiaye avait succédé à Parfait Onanga-Anyanga, du Gabon, qui dirigeait la Minusca depuis août 2015. Ayant passé quatre ans, il avait aussi fait l’objet des critiques avant son départ. La nomination de Mankeur Ndiaye était un soulagement pour beaucoup des centrafricains qui critiquaient la passivité des forces onusiennes face à la montée en puissance des groupes armés.

Cette nomination était tombée le 6 février 2019, le jour même de la signature de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation Nationale (APPR), négocié à Khartoum et signé à Bangui sous l’égide de l’Union Africaine.

Mankeur Ndiaye se présentait comme un bon manager qui pourra faire revenir la confiance entre la mission onusienne et la population centrafricaine pour qui, elle est appelée à assurer sa protection face aux groupes armés qui se sont reconstitués entre 2014-2018 et qui occupaient 80 % du territoire.

La mise en œuvre de cet accord reste très mitigée suite au départ de six groupes armés pour constituer la Coalition des Patriotes pour la Paix (CPC) de l’ancien président François Bozizé. Cette rébellion, en sus de la présence des hommes de la Minusca  qui clament un « mandat robuste », ont pris le contrôle de la quasi-totalité des villes de province avant de lancer une offensive sur Bangui la capitale, le 13 janvier 2021. La constitution de cette rébellion, la prise de plusieurs villes ont été perçues comme une faiblesse de la part de la Minusca dont le mandat était de maintenir la paix et la sécurité enfin d’organiser les élections apaisées de fin 2020.

Ces rebelles ont boycotté les élections. Pour la première fois, les élections législatives se sont organisées à mi-temps étalant ainsi sur plusieurs mois.

 En effet, la Minusca compte plus de 12.000 hommes qui sont pourvus d’équipements nécessaires pour faire face aux menaces contre la population civile, placée au cœur de son mandat. De l’autre côté, l’armée centrafricaine est restée sous embargo et ne dispose pas des moyens pour défendre l’intégrité du territoire. Et en fin, les rebelles malgré cet embargo se sont ravitaillés, se sont reconstitués, se sont bien entrainés avant de lancer des assauts sur plusieurs villes.

Naissance d’un sentiment anti-Minusca et des tensions avec les autorités

Ce qu’il faut aussi retenir du passage de Mankeur Ndiaye à la tête de la Minusca est la multiplication du sentiment anti-Minusca. Très critiquée pour sa passivité face aux groupes armés, la Minusca a été cible d’un certain nombre d’organisation des jeunes. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on lise des articles attaquant la Minusca. A cela, il faut ajouter des manifestations anti-Minusca devant sa représentation ou au centre-ville par des groupes de personnes même minoritaires.

Des campagnes de désinformation, des discours de haine ont émaillé le quotidien de cette mission multidimensionnelle de l’ONU en Centrafrique. La Minusca est visée par cette campagne mais aussi à cause de multiples cas d’accident mortels, provoqués par le personnel de la mission sur tout le territoire national.

A cela, il faut encore ajouter les tensions récurrentes entre le patron de la Minusca et les autorités nationales.  Notamment des tensions avec la Présidence de la République ou soit avec le ministère des affaires étrangères. Une fusillade sur un convoi de la Minusca qui a causé le 1er novembre 2021 un accident mortel d’une fille de 12 ans, proche de la résidence du Président de la République alors en voyage, avait soulevé un bas de fer  entre le Minusca et les autorités centrafricaines.

La Minusca est accusé de « préparer un coup d’Etat », la Minusca onusienne accuse la garde présidentielle d’ouvrir le feu délibérément sur son convoi occasionnant au moins six blessés. Cet incident a fait déborder la vase d’une tension qui n’attendait qu’une occasion pour s’exploser. Depuis ce jour, les campagnes se sont multipliées contre le patron de la Minusca ainsi que toute la Mission onusienne en Centrafrique.

Bien que la mission onusienne ait contribuée à la paix et à la stabilisation, le travail des forces de la Minusca dont le bilan est mitigé a étouffé les efforts consentis par cette mission en Centrafrique.

Combat de la libération du territoire par les alliées

Ce qu’il faut retenir est la participation de certains contingents de la Minusca au combat de libération du territoire. Après l’attaque du 13 janvier 2021, le gouvernement a organisé une riposte pour contrôler toutes les villes occupées par ces groupes armés, contraignant ainsi les leaders de ces groupes armés en exil. Certains contingents de la Minusca ont activement pris part à ce combat de libération, en apportant des appuis aériens ou en participants directement au combat.

En ce jour, les forces de la Minusca sont en première ligne pour les opérations de déminage. Les groupes armés avaient introduits des mines antipersonnel et autres engins explosifs dans les combats. Ces mines ont fait plusieurs dégâts sur les convois des forces loyalistes, les forces de la Minusca et sur la population civile. Les opérations de déminage sont saluées afin de faciliter la libre circulation et l’accès humanitaire.

L’appui aux FSI, à la justice et à l’organisation des élections malgré le boycott n’ont pas été en défaveur de la Centrafrique.  

Le départ de Mankeur Ndiaye a été prévu pour fin février 2022. Celui-ci a demandé un rallongement d’un mois, afin de participer à la présentation le 22 février prochain du rapport du secrétaire général des Nations-Unies sur la situation de la Centrafrique devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Ce rapport qu’il présentera portera sur « la situation sécuritaire, le respect du cessez-le-feu, le processus politique, la mise en œuvre de l’APPR, y compris les efforts déployés par la MINUSCA pour appuyer le cessez-le-feu et le désarmement, la démobilisation, la réintégration et le rapatriement, et l’évolution de la situation des droits humains et du droit international humanitaire ainsi que la promotion et la protection de ces droits et la protection des civils.

S’il faut affecter une note à Mankeur Ndiaye pour les trois années passées à la tête de la Minusca, elle ne sera pas au-dessus de la moyenne.

Fridolin Ngoulou