Quelques jours après sa prise de fonction, Housainou Taal représentant et directeur pays du Programme Alimentaire Mondial (PAM) a accepté de se confier à l’Oubangui Médias sur la situation de l’insécurité alimentaire à Zemio, une sous-préfecture du Haut-Mbomou. Il s’est rendu dans cette ville le 19 août dernier, afin de prendre part à la célébration de la journée de l’aide humanitaire. Housainou Taal parle des interventions du PAM en RCA ainsi que la situation de l’insécurité alimentaire à Zemio.

Oubangui Médias : Bonjour monsieur le Représentant, vous venez de prendre fonction comme Représentant et Directeur Pays du PAM en RCA. Que fait vraiment le PAM en RCA ?

Housainou Taal: Bonjour. Avant de répondre à votre question, permettez-moi de remercier très sincèrement les hautes autorités de la République centrafricaine d’avoir marqué leur accord afin que je représente le PAM en RCA. J’exprime ma gratitude également pour l’accueil et les échanges fructueux que j’ai eus jusqu’alors, avec le Premier Ministre, ministre du Plan Felix Moloua et d’autres membres du Gouvernement. Notre plan stratégique répond fort bien à la vision du Gouvernement pour relever les défis liés à la sécurité alimentaire. Et c’est avec enthousiasme que mon équipe et moi allons continuer de répondre aux crises, mais aussi (et c’est important de le relever), renforcer la résilience des communautés à travers des systèmes alimentaires intégrés.

Le PAM est aux cotés des populations vulnérables de la RCA et de manière continue depuis 1968, c’est-à-dire 55 ans et accompagne le Gouvernement dans ses efforts de lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Nous nous concentrons sur des interventions vitales pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des personnes les plus vulnérables touchées par les crises, tout en nous attaquant aux causes profondes de la vulnérabilité et en renforçant les capacités et les systèmes pour la prévention et la résilience aux chocs futurs, y compris les chocs climatiques.

Par ailleurs, le PAM gère également des services complémentaires comme les services aériens humanitaires des Nations Unies, UNHAS, avec 34 destinations desservies ; les services de gestion de l’information et de coordination et faciliter l’accès à des capacités de services logistiques supplémentaires à la communauté humanitaire et aux partenaires ; les services de support informatique et les services logistiques bilatéraux aux partenaires pour la chaîne d’approvisionnement nationale pour les programmes de santé (paludisme, tuberculose, VIH/SIDA, COVID19…) et d’autres produits et services nécessaires ; les services de données et de télécommunications à la demande au Gouvernement, aux partenaires humanitaires et de développement et aux populations assistées.

Le PAM travaille en étroite collaboration avec les agences sœurs des Nations Unies, le Gouvernement, les Organisations Non Gouvernementales tant nationales qu’internationales, le secteur privé et les partenaires humanitaires et de développement de manière générale.

Oubangui Médias : Comment le PAM compte-t-il se déployer face à la situation humanitaire plutôt préoccupante de la RCA ?

Housainou Taal: La raison d’être du PAM est d’apporter son expertise technique à tout pays où la sécurité alimentaire des populations n’est pas assurée. Dans le but d’accompagner de façon plus cohérente, stratégique et impactante les populations vulnérables de la RCA, le PAM met en œuvre depuis le mois de mars de cette année, un nouveau plan stratégique de pays. Celui-ci vise justement à intégrer davantage sa réponse aux crises dans les activités de relèvement précoce et de construction de la résilience, afin de mieux accompagner certaines des personnes vulnérables hors des situations de crise vers une assistance qui les amène à devenir autosuffisants.

Cette démarche s’appuie sur cinq (05) piliers : l’accès inconditionnel à la nourriture pendant et après les crises ; l’amélioration de la nutrition, la santé et l’éducation ; le renforcement de la résilience des communautés ; le renforcement des capacités institutionnelles nationales et des partenaires ; et le soutien aux acteurs de l’aide humanitaire et de développement.


Oubangui Médias : Mais quels sont les défis qui ralentissent les interventions du PAM en RCA ?


Housainou Taal: Ils sont de trois (03) ordres essentiellement: l’insécurité, l’accès, et le financement. Je ne m’étendrai pas sur les deux premiers, puisque vous les connaissez bien. L’insuffisance des ressources est un grand défi à surmonter, tant il nous limite dans la mise en œuvre de nos activités. Tenez, à ce jour (pratiquement trois quart de l’année), le bureau du PAM en RCA n’est financé qu’à hauteur de 36 % seulement pour cette année 2023.  Ce qui est très insuffisant face aux besoins croissants et vitaux en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Nous avons besoin de 51 000 000 000 FCFA (89, 9 millions USD) d’Aout 2023 à janvier 2024. Nous saisissons cette occasion pour lancer un appel à une plus grande mobilisation de nos généreux donateurs que la situation humanitaire précaire de la RCA n’a cessé d’interpeler. La détresse de ces enfants, femmes et hommes nous commande la plus grande des attentions. Vous le voyez, la situation est critique, ces personnes ayant besoin d’aide pour être en mesure de manger, ne serait-ce qu’un repas par jour !

Oubangui Médias : Vous avez participé aux activités de la célébration de la journée mondiale de l’aide humanitaire à Zemio. Dites-nous, quelle est la situation de la sécurité alimentaire dans cette localité ?

Housainou Taal : La situation alimentaire actuelle de la zone est préoccupante. En effet, selon l’analyse du cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) réalisé en avril 2023, 20 % de la population de la Sous-préfecture de Zemio est en phase 4 (urgence alimentaire) pour la période d’avril 2023 à août 2023, et la même situation risque de se poursuivre jusqu’en avril 2024. En nombre de personnes pas moins de 13.000 ont besoin urgent d’assistance alimentaire dont 4 300 personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Si rien n’est fait, la situation pourrait être plus grave !


Oubangui Médias : Alors que fait le PAM ?

Housainou Taal : Le PAM se déploie, pour « sauver des vies, et changer les vies », comme le dit notre slogan. Ici à Zemio, et au vu de la situation d’urgence et de la vulnérabilité, nous assistons les ménages les plus vulnérables avec des distributions gratuites de deux manières : par la distribution des vivres, ou par l’assistance en transferts monétaires notamment le cash, à travers notre partenaire COOPI. Depuis le début de cette année, c’est cette deuxième modalité que nous appliquons. En fonction de la taille des ménages vulnérables ciblés, ils reçoivent entre 20 000 et 36 000 FCFA par mois, pour se procurer des produits alimentaires et de bien-être.

Aujourd’hui, sur ce site, nous allons distribuer la somme de XAF 24, 860,700 (41 223,792 USD) à 3 600 personnes. Ce sont des réfugiés, des personnes déplacées internes, des populations hôtes, ou des retournés.

De janvier à aout 2023, le PAM a distribué 56 500 000 XAF (près de 93 600 USD) à 96 600 de ces personnes vulnérables. 

Oubangui Médias : Comment pouvez-vous expliquer le fait que 36.000 FCFA puisse offrir un bien-être à la Population ? Est-ce la meilleure solution ?

Housainou Taal: Je voudrais juste préciser que le montant distribué a été défini après des études de marché et est destiné à couvrir uniquement les besoins alimentaires de base pour un ménage. Nous savons que les populations que nous assistons ont aussi d’autres types de besoins (santé, éducation, abris, etc.) que d’autres acteurs comblent et sont invités à combler. Dans le fonctionnement du PAM, la distribution gratuite de vivres ou de cash est destinée principalement à sauver des vies. Après cette phase, d’autres types de programmes que nous mettons aussi en œuvre sont destinés à renforcer la résilience c’est-à-dire la capacité des ménages à faire face aux chocs par leurs propres moyens. Ces activités en matière de la résilience comprennent entre autres le renforcement des capacités des ménages assistés par des formations ou des dotations en matériels de production et aussi la création d’actifs productifs pour accroitre les productions agricoles. D’autres interventions visant le renforcement du capital humain comme les repas scolaires et le traitement et la prévention de la malnutrition sont aussi mises en place.

Oubangui Médias : Monsieur le Directeur-pays, quels sont les défis du PAM à Zemio ?

Housainou Taal: Les défis du PAM à Zemio sont ceux que nous rencontrons sur quasiment l’ensemble de nos opérations en RCA. Ils sont trois (O3) : l’insécurité, les difficultés d’acheminement des vivres dues aux mauvais états des routes ou à l’insécurité, et bien sûr, l’insuffisance des ressources financières. Voyez-vous, la faiblesse des financements nous limite, notamment dans la mise en œuvre des nombreuses autres activités planifiées, dont celles liées à la nutrition (enfants et femmes allaitantes), ou encore à la résilience des communautés (soutien aux petits agriculteurs etc.)

Cette année, ces contraintes financières et d’accès humanitaires n’ont pas permis le pré positionnement des vivres avant la saison pluvieuse par exemple.

Oubangui Médias : Monsieur le Directeur-pays, nous vous remercions

Housainou Taal: C’est à moi de vous remercier. Merci

Interview réalisée par Fridolin Ngoulou