La crise militaro-politique qu’a traversé la République Centrafricaine et celle de la pandémie du Covid-19 ont plongé le pays dans un déficit économique. La situation va jusqu’à provoquer l’entrée en récession de la RCA. Cependant, le secteur agropastoral est l’un des leviers qui peuvent contribuer à la relance économique grâce à la sécurité et à la cohésion sociale. Un secret mis en pratique par la population de Bouar. En mission dans la localité, Oubangui Médias propose un reportage sur ce sujet.

La ville de Bouar est l’une des villes économiques du pays, en raison de sa proximité avec le Cameroun et donc passage obligé de toutes les marchandises qui viennent de Douala. Dommage, elle a été aussi la cible des attaques des groupes rebelles du fait que la ville  abrite la plus grande base militaire du pays après celle de Bangui. Ces attaques ont fragilisé l’économie et surtout ont créé la psychose au sein de la population. Une situation qui a été un défi pour le gouvernement centrafricain, les autorités locales et l’ensemble de la population qui se sont tous mobilisés pour ramener la paix et rehausser l’économie. 

Située à 450 kilomètres de Bangui et à l’ouest du pays, la ville de Bouar, chef-lieu de la préfecture de la Nana-Mambéré a été secouée par plusieurs crises militaro-politiques. Si nous remontons un peu l’histoire, nous pouvons commencer en 2013 par les rebelles de la coalition Séléka dirigée par Michel Djotodia contre l’ancien président François Bozizé. L’avènement de la Séléka au pouvoir, sa chute, le phénomène Anti-Balaka ont encore fait naitre un autre groupe rebelle dans la localité en 2015, les  3R du défunt Abbas Sidiki.

En 2016, malgré la crise militaire, le pays a organisé les élections groupées donnant la chance à Faustin Archange Touadera d’accéder à la magistrature suprême. Durant son premier quinquennat, le président Touadera a fait feu de tout bois pour remédier à cette crise avec sa politique de « la main tendue ». La signature de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation entre le gouvernement et les groupes rebelles à Khartoum au Soudan demeure une preuve indélébile de la tentative des solutions.  

Triste est de constater que la crise a perduré avec la création de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), dirigée par l’ancien président François Bozizé après son retour d’exil. Cette coalition a été lancée dans la foulée des scrutins groupés de 2020. Contre vents et marrées, les centrafricains ont encore porté leur choix sur Faustin Archange Touadera, faisant de lui, le président de la République Centrafricaine pour un second mandat. La situation se dégénère ; plusieurs villes ont été attaquées dont celle de Bouar.

La ville de Bouar abrite la plus grande base militaire de la RCA. Pour ce faire, les rebelles ont tendance à l’attaquer dès que l’opportunité se présente. L’objectif est de récupérer la base et les matérielles de guerre. Si la ville de Bouar tombe, ceci va raisonner comme un signal fort pour les rebelles. Heureusement, à chaque fois, l’armée nationale arrive à chasser les rebelles. Toutefois, dans leur fuite, les rebelles envahissent les villages. Une situation qui crée la psychose au milieu de la population.

L’impact des rebelles sur l’activité économique

La présence des rebelles a impacté négativement sur l’activité économique dans la sous-préfecture de Bouar, comme a déploré le sous-préfet Jean Norbert Neide. « L’agropastoral est l’activité économique dominante dans la préfecture de la Nana-Mambéré surtout avec la grande commune d’élevage de Niem-Yéléwa. Mais, les rebelles attaquent souvent les éleveurs et les agriculteurs. Par conséquent, les éleveurs et les agriculteurs ne pouvaient pas vaquer à leurs occupations », a expliqué l’autorité administrative avec regret.

Toutefois, Jean Norbert Neide a ajouté d’autres activités économiques dans sa sous-préfecture. « Nous pouvons ajouter à l’agropastoral, l’activité commercial et le transport. La ville de Bouar conduit directement à la frontière centrafricano-camerounaise. C’est la voie qui alimente Bangui et aussi favorise l’exportation des bois. Malheureusement, les transporteurs et les commerçants sont aussi les cibles des rebelles », souligne-t-il. 

Au fur et à mesure, les Forces Armées Centrafricaines, appuyées par les soldats de la Minusca, des alliés russes et rwandais de leur côté ont lancé des contre offensives pour libérer la zone afin de permettre la reprise des activités économiques dans la région. Ces actes de bravoure ont porté du fruit en favorisant la reconquête du pays. C’est dans cette lancé que la préfecture de la Nana-Mambéré et en particulier la ville de Bouar a été libérée.

Un souffle nouveau pour Bouar

La reprise des activités économiques fait souffler un vent nouveau sur Bouar. La population vaque librement à ses occupations et la libre circulation des biens et des personnes est garantie surtout avec les militaires qui sécurisent les convois des camions Bangui-Garoua Mboulaï.

« Je suis heureux que la paix et la sécurité sont maintenant revenues à Bouar et ses environs. Cela me permet d’aller à la frontière acheter des marchandises et venir les revendre à Bouar et dans les villages périphériques », a témoigné Moussa, un commerçant habitant le quartier Haoussa à Bouar.

Même son de cloche chez Raphael Namkoïna qui n’a pas hésité à apprécier positivement les actions du gouvernement, en témoignant en ces termes: « Je tiens à féliciter le gouvernement centrafricain et l’ensemble des partenaires qui se sont mobilisés pour reconquérir le territoire. Aujourd’hui, je me rends librement au champ. Et, nos amis peulhs qui sont dans la région ont repris correctement leur activité pastorale. Ce sont des indices de la relance économique surtout que la communauté chrétienne et musulmane vivent en parfaite collaboration ». 

Au village Kella Goffi, les habitants se sont mobilisés pour créer des groupements agricoles. Une manière de maximiser leurs efforts afin d’avoir des rendements conséquents. Cependant, ils appellent le gouvernement à les aider dans cette initiative. « Souvent ce sont les ONG qui nous accordent des apports. Alors, nous sollicitons des appuis du gouvernement dans le cadre de formation sur l’agropastorale, l’octroi des semences, les matérielles de travail et des insecticides afin de protéger les produits champêtres »,  a lancé Mathieu Kora, chef de groupe du village Kella Goffi.

La République Centrafricaine dispose des innombrables atouts pour favoriser le secteur agropastoral.  15 millions de terre arables sont disponibles pour les activités agricoles.

Sous d’autres cieux, à l’exemple du Burkina Faso, ce secteur constitue le vecteur de la croissance économique. Même si le gouvernement fait face à plusieurs défis, il est indispensable qu’il mette un accent sur ledit secteur en mécanisant l’agriculture et en créant des conditions favorables aux pâturages.

Avec la politique actuelle du président Faustin Archange Touadera et surtout avec l’appui des partenaires, tout est possible pour atteindre cet objectif si la volonté est réellement manifeste au-delà des discours. 

Brice Ledoux Saramalet