Depuis 2008, la Centrafrique enregistre déjà trois augmentations des prix des produits pétroliers. Ces augmentations se font au détriment du peuple qui paie les conséquences.  Oubangui Médias rentre un peu dans l’histoire pour comprendre les raisons de ces augmentations.

Augmentation sur proposition de FMI en 2008

Lors de la Conférence de haut niveau sur la Sécurité Alimentaire Mondiale, les défis du changement climatique et des bioénergies, tenue au siège de la FOA à Rome du 3 au 5 juin 2008, le ministre d’Etat au développement rural (paix à son âge) a rendu public la déclaration du président François Bozizé de l’époque en ces termes : « Aussi, vous parlerai-je essentiellement du cas de la République Centrafricaine, pays enclavé, pauvre parmi les plus pauvres, durement frappé par la hausse du prix du pétrole. Autrefois, dernière tâche blanche au cœur de l’Afrique, aujourd’hui son éloignement de la mer rend la RCA l’une des destinations les plus chères au monde aussi bien pour le transport passagers que pour le fret, avec les effets que l’on sait sur les prix des produits de première nécessité. Depuis le début de cette année, la Centrafrique a connu une inflation importante sur les produits de première nécessité tels que le riz, la farine, le ciment, l’huile, le sucre, le lait…).

En effet, les prix de produits pétroliers étaient augmentés comme suit : 780 FCFA pour le super, 750 pour le gasoil et 580 pour le pétrole lampant.

Le directeur général de la Société centrafricaine de stockage des produits pétroliers (SOCASP), M. Maturin Dimbélé avait expliqué que le gouvernement centrafricain ne peut plus continuer à payer l’écart entre les prix réels et les prix à la pompe aux marqueteurs, qui s’est élevé pour le mois d’avril à 970 006.026 FCFA pour les produits pétroliers en provenance de Douala par voie routière. Il a ajouté que c’est depuis le mois de janvier que le gouvernement consent ce sacrifice, et qu’il est dans l’obligation d’augmenter les prix des hydrocarbures, n’étant plus en mesure de poursuivre son effort. « Il sera mis en place un comité de réflexion en charge d’observer pendant cette période les prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux avant de fixer le taux et voir les mesures d’accompagnement». Sa déclaration a été publiée par l’Agence Centrafrique Presse le 12 avril 20008.


Sur proposition du FMI en 2010, une nouvelle augmentation de 10% !

Dans un article de la Radio Ndeke Luka mise en ligne le 11 novembre 2011, les experts du Fonds Monétaire International (FMI) avaient estimé que cette hausse de 10% peut apporter jusqu’à 30 milliards de francs CFA à l’Etat centrafricain.

L’article note que lors de l’augmentation du prix des produits pétroliers, Eddy Hervé Nguérégaye, Directeur général de l’Agence de Stabilisation et des Régulations des Prix des Produits Pétroliers (ASRP), avait souhaité que les prix à la pompe soient supportés par les consommateurs, alors que c’était le gouvernement qui subventionnait toujours ces prix en faveur des consommateurs, même si le prix du baril de ces produits augmentent ou non sur le marché international..

En conséquence, selon la dernière augmentation d’avril 2010, l’essence était passé de 780 F CFA (1,18 euros) à 810 F CFA (1,13 euros), le gasoil est remonté de 750 F CFA (1,14 euros) à 800 F CFA (1,21 euros) et le pétrole lampant croît de 580 F CFA (0,88 euros) à 600 F CFA (0,91 euros).

« Dans la foulée, les conducteurs des taxis et taxi-bus de Centrafrique étaient entrés en grève et ont observé un arrêt de travail, pour protester contre cette nouvelle augmentation du prix des produits pétroliers, la deuxième en une année sur l’ensemble du territoire centrafricain. Une hausse toujours demandé par le FMI », peut-on lire dans cet article.

2023, le gouvernement ne peut plus supporter la subvention

Même si le gouvernement actuel n’a pas cité le FMI, le mouvement d’augmentation des prix de produits pétroliers serait à nouveau une exigence de ce partenaire, qui d’ailleurs a suspendu les aides budgétaires à la Centrafrique en posant plusieurs conditions.

Dans un communiqué, le Congo Brazzaville a clairement indiqué que la demande d’augmentation des prix des produits pétroliers vient du FMI qui demande aux Etats de lâcher les subventions des produits pétroliers.

En Centrafrique, le ministre de l’Energie et de l’Hydraulique Arthur Bertrand Piri a souligné que : « Les recettes mobilisées sur la vente des hydrocarbures varient entre un milliard 800 millions de FCFA et deux milliards de FCFA par mois. Mais depuis le déclenchement de cette crise, l’État ne mobilise plus ces ressources financières »

« Deuxièmement, l’État continue à subventionner les prix à la pompe. Concrètement, sur un litre de Super que quelqu’un achète à la pompe, l’État débourse près de 500 FCFA. Sur un litre de pétrole lampant acheté à la pompe, l’État débourse un peu plus de 600 FCFA et sur un litre de gasoil à la pompe, l’Etat débourse un peu plus de 500 FCFA. Donc, il y a deux problèmes. L’État ne perçoit plus les recettes sur la vente du carburant mais c’est l’Etat par contre qui subventionne. Aujourd’hui depuis 2019, l’État ne bénéficie plus des aides budgétaires et le gouvernement est en difficulté. Que faut-il faire ? L’État doit continuer à payer régulièrement le salaire, les pensions, les bourses. L’État doit continuer à faire fonctionner les services de l’administration, les services sociaux dont les  hôpitaux, les écoles. C’est pourquoi, nous avons juste rétabli les vrais prix des produits pétroliers dans le pays qui sont homologués : 1300 FCFA pour le Super, 1150 FCFA pour le pétrole lampant et 1450 FCFA pour le gasoil », ajoute le membre du gouvernement.

Quelles leçons tirées ?

La principale leçon à tirer de ces augmentations est que les gouvernements sacrifient toujours les consommateurs pour sauver leur caisse et répondre aux exigences des institutions financières internationales qui ne viennent pas gérer les conséquences de ces crises sociales.

En 2010, le gouvernement arrête de subventionner les prix des produits pétroliers. Mais après le changement du pouvoir par la force, le gouvernement a repris la subvention sans que les prix ne soient revus à la baisse. Nous comprenons que les marqueteurs ont profité du changement pour maintenir les prix et avoir à nouveau les subventions de l’Etat jusqu’à ce jour.

Aussi, il faut souligner que les raisons d’augmentation ces prix semblent être les mêmes. Soit c’est l’augmentation du prix de baril sur le marché international, soit elle est dictée par les conjonctures économiques qui rendent les caisses de l’Etat vide. En 2008 comme en 2010, l’Etat était en difficulté et faisait face à des crises économiques. Même schéma pour 2023 où le gouvernement a plusieurs fois alerté que la caisse de l’Etat est vide et que le pays fait à une tension de trésorerie.

Cependant, les gouvernements n’ont jamais songé une solution durable à ces crises qui affectent la caisse de l’Etat. Alors qu’en 2008 la vie était chère, 15 ans après, le gouvernement continue en 2023 de faire face à l’inflation des produits de première nécessité, même les produits alimentaires qui proviennent de l’intérieur du pays.

Nous avons l’impression que les années passent, mais les problèmes demeurent les mêmes. Quelques acteurs d’hier sont encore aujourd’hui aux affaires et continuent de tenir le même langage. La vie devient chère mais le salaire des fonctionnaires de grandit pas pour faire face aux inflations dans le pays. Les consommateurs centrafricains, par manque d’une structure efficace continue de subir en silence. Mais attention ! Un peuple patient, résilient voire pacifique est très dangereux.

Le gouvernement doit faire une rétrospection de ces séries de crises de carburant afin de chercher des solutions durables et arrêter de continuer à sacrifier le bas peuple qui vit avec moins d’un dollar par jour.

Fridolin Ngoulou