Vendredi 02 juillet 2021, il est 12 heures 27 à notre horloge. L’heure à laquelle nous sommes arrivés devant la Brigade criminelle de Bangui. Là où se trouve la Direction des Services de Police Judiciaire (DSPJ).

Ici, c’est un véritable parcours de combattant. Plus de 500 personnes sont en fil indien devant cette institution sous un soleil de plomb. Ceci dans l’optique de remplir la formalité pour enfin entrer en possession de leur Carte Nationale d’Identité (CNI).

Antoinette Makanda, une mère d’une cinquante d’année, habillée dans une robe appelée communément « Kaba » en sângö, portant un foulard de tête fait en pagne, est aussi dans la queue, assise sur un morceau de bois.  Au premier regard, on peut lire dans ses yeux une fatigue accablante et une douleur qui ne dit pas son nom.

Au bout de notre micro, avec un ton sec et colérique, elle dévoile son amertume : « Mon fils, regarde-moi ta mère. Je suis une vielle retraitée. Je suis venue me faire inscrire pour avoir ma carte me permettant de toucher ma pension à la banque mais cela n’est pas du tout facile. Cela fait déjà plus d’une semaine que je fais le va-et-vient entre ma maison et la DSPJ, mais je n’y arrive pas à avoir gain de cause », se plaint –t-elle.

Pour cette mère, ceux qui sont braves viennent très tôt le matin pour occuper les premières places et les fatigués se retrouvent loin derrière. « Tu vois cette foule, on va enregistrer moins de 50 personnes aujourd’hui, tu peux me croire. Parfois, quand il reste quelques personnes devant, il est déjà 15h, on nous dira qu’il est l’heure de boucler et que l’on doit revenir le lendemain. On doit dire également que certaines personnes passent par le moyen de la corruption ou par le biais d’un parent pour avoir un accès facile au service », regrette cette dame.

Au moment où cette dame parlait presque en sanglotant, plusieurs personnes dans le rang élèvent la voie et on peut noter dans leur dire : « Monsieur le journaliste, on souffre avec cet unique service », « allez dire au gouvernement de  décentraliser le service au niveau de nos arrondissements pour nous faciliter la tâche » ou encore « n’est-ce-pas que Al madina nous prend en otage ? Le gouvernement doit vite agir pour faciliter l’accès au service qui établit la carte nationale d’identité. Ils veulent monopoliser le service à la DSPJ pour développer la corruption  ».

Nous avons tenté d’entrer en contact avec un responsable du service en charge  d’établissement de CNI mais nos efforts sont restés vains.

Les conséquences lors des rafles à Bangui 

Certains arrondissements de Bangui ont été encerclés le mardi 29 juin 2021 par les éléments de la police et de la gendarmerie. Il est question de procéder à un contrôle de Carte Nationale d’Identité (CNI). Ce moment de contrôle intervient en plus du couvre-feu,  du fait qu’on ne cesse d’enregistrer ces derniers temps à Bangui, de nombreux cas de braquages à main armée.  Plusieurs jeunes majeurs ne disposant pas de ladite pièce sont tombés dans le piège et arrêtés par les forces de sécurité intérieure (FSI).

Certains centrafricains vivants dans la capitale n’apprécient pas positivement cette rafle. Pour ces derniers, après la crise militaro-politique qui a secoué le pays, il est difficile d’avoir accès au service qui établit la Carte Nationale d’Identité. Plusieurs personnes possèdent seulement la carte d’électeur.

Rodrigue Ouabango, âgé de 26 ans est étudiant et habite le quartier Combattant dans le 8em arrondissement de Bangui. Il raconte: «  Effectivement, notre secteur a été la cible de la rafle effectuée par les policiers et les gendarmes, mardi passé. Ils ont couvert l’environnement dès 3h du matin. Et, vers 5 heures du matin, au moment où l’on s’apprêtait pour vaquer à nos occupations, le contrôle a commencé. Plusieurs jeunes de notre quartier sont arrêtés par les éléments de FSI puisqu’ils ne disposent pas de Carte Nationale d’Identité  ».

« C’est logique de procéder au contrôle mais le gouvernement doit savoir que plusieurs  personnes ont perdu leurs papiers administratifs durant la crise que traverse le pays. Pour ce faire, il doit mettre en place une politique de décentralisation de service d’établissement de la Carte Nationale d’Identité car, depuis la reprise de ce service par la société Al madina group, seule la direction des services de police judiciaire, située dans l’enceinte de la Brigade criminelle, a habilité pour délivrer cette carte et du coup, c’est très difficile de servir tout le monde dans un laps de temps », regrette cet étudiant.

Rappelons que, cette affaire de carte nationale d’identité a tant coulé l’encre et la salive . Ceci, du fait que le prix de la CNI a été fixé à 4500f CFA par les députés et validé par la loi finance de 2020 .

Cependant, il est regrettable de constater que la société Al madina avec la complicité de certains responsables de ce service continuent d’exiger aux centrafricains de payer cela à 6750f CFA. Les demandeurs voient cela comme une forme de corruption, de racket ou encore une manière de défier les institutions républicaines.

Brice Ledoux Saramalet