Introduction :

Après l’acquisition des indépendances des pays africains, les actualités qui ont marqué ce continent étaient tellement riches, entre autres les différents mouvements qui ont permis à un rapprochement fondamental, voire la mise en place des institutions républicaines, le tripatouillage constitutionnel, puis les coups d’État militaires. 

Au regard de ces dérives totalitaires, il me paraît essentiel de s’interroger, si le tripatouillage constitutionnel est devenu un mode de gouvernance en Afrique, et plus particulièrement en République centrafricaine où les coups d’État sont devenus un moyen de désignation des autorités politiques ?

En effet, la moralisation de la vie politique est un ensemble de pratique institutionnelle qui repose sur la justice sociale. C’est pourquoi, l’application des valeurs démocratiques dépendront de l’interprétation rationnelle du contrat social. La mise en œuvre de l’alternance a semblé jusqu’alors plutôt bien servir à une stratégie de limitation de mandats présentiels afin d’éviter la monopolisation du pouvoir public. Le constat de non-respect des règles du jeu démocratique dans les années 90 seront à l’origine des nouvelles revendications politiques et sociales.

De ce fait, les constitutions africaines qui agonisaient sous la violence des armes et de la dictature politique vont pouvoir instaurer des nouvelles règles de gouvernance. Pour éviter la pérennité de ces actes de violences, les tributaires du pouvoir public et les représentants de l’opposition démocratique, la société civile ont trouvé un consensus d’aller la constitutionnalisation des normes juridiques permettant désormais au juge de régularité de trancher les litiges qui opposent les citoyens au sein de la cité.

C’est pourquoi, les institutions politiques sont tenues de protéger le caractère sacré de la norme   constitutionnelle pour éviter de basculer vers l’autocratie.

A-Le présidentialisme totalitaire institutionnalisé

Les constitutions africaines dites post 1990 qui ont permis la revalorisation des institutions et l’accessibilité au pluralisme politique continuent de prouver à quel point la trajectoire constitutionnelle des états africains reste dominée par des régimes autoritaires. Cependant, la non-limitation du mandat présidentiel débouche sur des crises de gouvernance.

A titre d’illustration, le constat de la politique centrafricaine dans les années quatre-vingt-dix a été marqué par le grand bouleversement sociopolitique et économique. Les conséquences de ces mouvements ont permis la chute de certains régimes totalitaires, issus des partis uniques.

L’avènement du renouveau démocratique est jalonné par la restauration du multipartisme et la résurgence des élections libres et compétitives. Les mouvements contestataires des régimes de parti unique se sont réunis au sein d’immenses conférences nationales regroupant « paysans, travailleurs de tous ordres, cadres de l’administration, partis et sensibilités politiques, associations de développement, Organisations non Gouvernementales, représentants de cultes, sans oublier des personnalités ayant exercé sur le plan national ou international des fonctions de premier plan ».

Si la question de déplafonnement du mandat présidentiel est une pratique courante en République centrafricaine permettant aux dictateurs d’imposer leur pouvoir, ceci explique rationnellement que la démocratie dans ce pays africain ne respecte plus la volonté souveraine du peuple.

Par voie de conséquence, le constat d’une inadéquation entre la norme et la pratique invite à s’inquiéter sur le flou du constitutionnalisme.

Vu les multiples violations de la constitution, on peut se permettre de s’interroger sur la démocratie africaine plus particulièrement en République centrafricaine : peut-elle rendre exécutoire les textes constitutionnels qui sont les gardiens juridiques des mandats présidentiels ?

Fondamentalement parlant, la démocratie est l’incarnation de l’abandon de tout recours à la force au profit du dialogue dans les compétitions politiques, le renouvellement des élites dirigeantes et la résolution des problèmes sociaux.

Les coups d’État ont repris, les conflits armés perdurent bien que le vent de la démocratie continue de souffler en Afrique. Alors d’emblée, rien qu’à la lecture de la vie institutionnelle de ce pays marqué par plusieurs coups d’États, il sera inadmissible d’admettre que la loi fondamentale centrafricaine est respectée dans sa quasi-totalité. C’est pour cette raison que, la limitation du mandat présidentiel n’est qu’une fiction constitutionnelle.

B-Le troisième mandat face à la démocratie de la rue

Dans sa doctrine opérationnelle, la culture de coup d’État met en collusion la légitimité populaire et la manipulation opportuniste. De ce fait, pour combattre les régimes totalitaires et le fléau des coups d’État constitutionnels et militaires qui ravagent le continent africain, l’Union Africaine s’est dotée d’un arsenal juridique normatif (soft law et hard law).  Cet arsenal s’est mis en place dans la deuxième moitié des années 90 étant comme la réponse de l’OUA puis de l’UA contre la pratique des coups d’État.

En effet, les transitions démocratiques africaines sont confrontées à de nombreuses difficultés impactant surtout la qualité du processus de la démocratie enclenchée. Les manipulations opportunistes des règles démocratiques sont soumises à une variabilité constante. 

On constate que dans les pratiques récurrentes relatives aux mécanismes d’ouverture politique qui ont permis de faire la marche vers la démocratie permettent de légitimer de nombreux gouvernants, dont l’image est négativement marquée par une nouvelle configuration dictatoriale. C’est pourquoi, les soldats ont fait des intrusions violentes dans l’arène politique avec des conséquences diverses.

Les États africains sont entrés dans un cycle de troubles politiques incessant par l’incursion des militaires dans la vie politique.  La puissance de feu de l’armée et notamment la relation qui règne entre avec les autorités civiles et les détenteurs du pouvoir public constitue les caractéristiques du mauvais fonctionnement des États africains. La désobéissance hiérarchique et la mutinerie, sur le plan politique, les intimidations, la théorie du complot, ont permis de renforcer le climat de la dictature en Afrique. 

L’armée qui traditionnellement a une mission de défense des valeurs républicaines a transformé son activité à des coups d’État par la puissance des armes dans l’intérêt de rendre plus attractif le débat, il est important de se questionner, si le coup d’État militaire est différent des coups d’État constitutionnels ? 

L’émanation d’un nouveau paradigme de la démocratie de la rue en Afrique qui n’est autre que la contestation populaire est une réponse appropriée aux multiples pratiques récurrentes des coups d’État sur le continent africain.  

Pour lutter contre le phénomène de galvaudage constitutionnel, la nouvelle Société civile africaine se lance comme défi de combattre la dictature par les mouvements citoyens à l’exemple du Collectif « Touche pas à ma Constitution », le Mouvement Balai citoyen, Y en a marre, G-16 et autres… sans exclure la démocratisation des débats politiques par les réseaux sociaux, ce qui démontre à quel point l’Afrique est en train de se diriger incontestablement vers un cycle révolutionnaire. 

Malgré la leçon chaotique du 3èmemandat tirée par le Professeur Alpha KONDÉ en Guinée Conakry, son collègue le Professeur Faustin-Archange TOUADÉRA de la République centrafricaine en train de déployer toute une stratégie lui permettant d’obtenir un 3èmemandat. Le Président Macky SALL du Sénégal affiche également sa volonté de briguer un 3èmemandat, certainement, la leçon de la maturité démocratique infligée par le peuple sénégalais à l’ex-président Abdoulaye WADE servira de nouveau à ce peuple de barrer la route ce macabre projet.

En tout état de cause, la Constitution n’est pas l’ennemi de la démocratie, mais ce sont les « princes africains » qui se sont transformés en ennemis de la démocratie. Dans ce cas, il appartiendra désormais au peuple souverain de déloger pacifiquement les dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir par la théorie de la démocratie de la rue.

Dr Godfroy-Luther GONDJE-DJANAYANG

Enseignant-Chercheur à l’Université Toulouse 1 Capitole

Expert-Analyste en gestion des crises militaro-politiques.