L’Opposition Centrafricaine a annoncé en bloc et individuellement son retrait du Comité d’Organisation du Dialogue Républicain, suite à la note circulaire du président de l’Assemblée Nationale pour la mise en place d’un comité pouvant statuer sur la levée d’immunité parlementaire de trois opposants.

Le 27 octobre dernier, le président de l’Assemblée Nationale a demandé la mise en place de la Commission Ad-hoc chargée de l’examen de la question de la levée de l’immunité parlementaire des députés de l’opposition Martin Ziguele du MLPC, Anicet Georges Dologuele de l’URCA et Aurélien Simplice Zinghas.

Cette demande de la levée de l’immunité sollicitée par la justice pour entendre ces députés dans l’affaire de la rébellion de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) de l’ancien président François Bozizé, dont leurs noms seraient cités dans les précédentes auditions des présumés auteurs et complices  n’est qu’un rebondissement.

Mettre en place une commission ad hoc, pour examiner la levée de l’immunité n’est pas de facto une levée de cette immunité. C’est un processus. Mais pourquoi une fuite en avant ? Le pouvoir cherche-t-il à nuire à ces hommes politiques en lieu et place des principaux auteurs bien connus comme Bozizé et sa suite ?

En effet, l’opposition démocratique estime que ce rebondissement est la volonté du pouvoir d’éliminer de l’échiquier politique nationale toute voix discordante, d’assassiner la démocratie et de saboter le dialogue en préparation, comme nous pouvons lire dans le communiqué du parti MLPC de Martin Ziguele.

Ce retrait qui intervient alors que le gouvernement est en phase de la mobilisation des ressources financières pour la tenue de ce dialogue pourrait avoir un impact auprès la communauté internationale dont plusieurs Etats et organisations ont réaffirmé la semaine dernière au chef de l’Etat leur engagement à mettre la main dans la poche pour la réussite de ce dialogue.

A cela, il faut ajouter le rallongement de ce processus, le temps que prendra l’opposition pour revenir dans ce comité d’organisation.

Diverses réactions des Centrafricains

L’annonce du retrait de l’opposition a suscité une vive réaction, parfois contradictoire de la part des observateurs centrafricains de la vie politique. Une première classe proteste contre le rebondissement dans cette affaire, soulignant que le pays est en phase d’un dialogue pouvant aider à apaiser la tension politique dans le pays. Pour ceux-là, c’est une erreur tactique que le gouvernement est en train de commettre au lendemain de ce dialogue dont le format a été difficilement accepté par l’opposition qui souhaitait la présence des groupes armés dont François Bozizé au tour de la table.

Par ailleurs, nombreux sont ceux-là qui soutiennent que le dialogue n’exclue pas la justice. Déjà, l’une des thématiques à ce dialogue s’intitule : Bonne Gouvernance, Justice, Etat de droit, Renforcement démocratique et institutionnel. Ces observateurs pensent que protester contre une procédure judiciaire au nom du dialogue en cours n’est que fuite en avant de ses responsabilités ou non dans l’affaire de coup de force manqué de François Bozizé.

Si ces députés ne se reprochent de rien, alors ils ne devraient pas fuir la justice de leur pays. Être auditionné pour une affaire qui ne les lie pas directement ne doit pas en fait poser de problème pour ces démocrates. Plusieurs personnalités ont été auditionnées dans cette affaire de la CPC et s’en sont sorties sans être inquiétées.

Brandir le dialogue pour échapper à la justice n’est que légalisation de l’impunité.

Depuis presque 13 ans, le pays a connu 16 dialogues qui ont consacré l’impunité. Les présumés auteurs des violations des droits de l’Homme et des crimes de sang ainsi que des crimes économiques ne sont jamais inquiétés et évoluent du dialogue en dialogue pour échapper à la justice.

En Centrafrique, on organise le dialogue pour deux objectifs : Echapper à la justice et partager les postes ministériels. Aucun dialogue n’a jamais été organisé pour traiter des questions de fond du développement économique et social du pays. Ce qui est regrettable pour l’avenir de ce pays qui enregistre un cycle permanant des conflits et d’instabilité politique. Cela semble être une stratégie pour maintenir le pays dans le chaos car, on ne dialogue pas pour l’avenir du pays mais pour l’intérêt personnel et pour l’intérêt de ses patrons, ces mains invisibles qui instiguent le pays aux violences.

Nombreux observateurs soutiennent que le cas des trois députés ne ressemble pas à ceux des rebelles qui réclament aujourd’hui leur participation au dialogue afin de consacrer cette impunité. Alors soit la justice fait son travail ou soit le bon sens guide les autorités centrafricaines pour prendre des décisions responsables afin de faciliter la tenue de ce dialogue dans des bonnes conditions tout en sachant que le dialogue en lui-même n’empêchera pas la justice à faire son travail.

Nous pensons que les participants à ce dialogue, les 450 identifiés confirmeront la position de la masse contre l’impunité, comme cela fût le cas lors du Forum de Bangui de 2015 dont les recommandations en ce qui concerne la justice se mettent petit à petit en œuvrent.

Fridolin Ngoulou