Par Odilon Maurice OUAKPO

Doctorant en droit public économique à l’UCAC (Yaoundé) Diplômé en Relations Internationales et

Diplomatie, Lyon III

Pour rappel, Irenerio Seminatore arguait que « La guerre naît d’une situation politique, découle d’une décision politique et demeure un acte politique puisque c’est l’Etat qui crée l’ennemi et il lui appartient de le désigner ». C’est un appel à une prise de conscience qui n’est pas trop superfétatoire aux yeux de Robert Kolb qui affirmait que « La conscience exacte des problèmes posés et des solutions possibles, est le premier pas décisif vers toute solution ». D’ores et déjà, quelle définition de la politique conviendrait-elle à cette analyse ?

 Il existe en effet, une flopée d’approches qui irriguent le sujet, ce d’autant plus que le mot politique, sitôt qu’il est employé dans une langue donnée, n’a pas forcément la même signification que lui donnerait une autre langue. L’anglais par exemple recourt à « Policy » et « politics » pour en faire l’évocation. Dans la langue de Shakespeare, Marcel Merle note que « La politics désigne le jeu qui met aux prises les acteurs soucieux d’exercer, de conquérir ou d’influencer le pouvoir. Dans une autre forme, on peut dire que la policy a trait aux activités politiques et la politics à la stratégie des acteurs ».

Partant de cette approche, on s’aperçoit que le mérite de la langue anglaise est d’être parvenue à distinguer les activités politiques des stratégies politiques. Le bémol est que les stratégies priment sur les activités qui n’en sont d’ailleurs que les possibilités de réalisation. On peut même dire qu’il n’existe pas de politique, encore moins, de gouvernance sans stratégies. On y recourt soit pour ordonner la société au niveau interne soit pour défendre ses intérêts extra muros. Et à ce titre, toute politique qui se mène au-delà des frontières, prend le nom de la « politique extérieure » ou « politique étrangère ». Dario Battistella affirmait que la politique étrangère est l’instrument par lequel un Etat s’emploie à créer son osmose politique internationale, d’y conserver les situations qui lui sont favorables et d’y modifier celles qui lui sont défavorables.

En réalité et même si dans les faits, les Etats ne procèdent pas de la même façon, lorsqu’ils doivent défendre leurs intérêts au-delà des frontières, c’est par le canal de la politique étrangère dont la diplomatie reste le référentiel. C’est son instrumentum par excellence. Les sociétés antiquisantes et médiévales n’en étaient d’ailleurs pas dépourvues. Théophile Funck-Brentano et Albert Sorel postulent que « Science des rapports, des intérêts de puissance à puissance, la diplomatie est la science de la constitution sociale et politique des Etats et l’art d’en concilier les devoirs, les droits et les intérêts ».

 Au-delà de l’aspect scientifique, le deuxième versant qui proclame la diplomatie comme un art, est d’une grande utilité à notre analyse à ce qu’il rejoint l’idée de la politique en tant que stratégies, idées dont nous avons fait mention ci haut. Si le conflit centrafricain est d’ordre politique, c’est qu’il est à l’image du mal être de la politique étrangère du pays. C’est aussi le reflet de la façon dont la diplomatie est comprise et menée par tous les régimes qui se sont succédé ces trente dernières années. C’est dire tout au plus que le conflit centrafricain actuel est non seulement politique mais aussi diplomatique.

En effet, des premières mutineries qui ont secoué le pays à partir de 1996 jusqu’à la crise actuelle, la politique extérieure de la République Centrafricaine a été toujours extravertie. Elle a longtemps consisté à prendre appui sur l’extérieur. Les villes telles que Syrte, Brazzaville, Libreville, Ndjaména, Malabo Naïrobi, Rome, Khartoum ont abrité au moins une fois, les pourparlers qui avaient pour finalité d’abréger les conflits de ces temps-là. Les figures de proue données en exemple, sont les feux Pierre Buyoya du Burundi, Mouammar Kadhafi de la Libye, Omar Bongo du Gabon, Idriss Déby du Tchad et l’actuel Président du Congo Brazzaville Dénis Sasosu Nguésso etc. Le constat est que toutes ces personnalités à l’exception du Président du Congo Brazzaville sont mortes sans avoir réussi à enterrer définitivement la hache de guerre en République Centrafricaine.

Et même lorsque sous l’effet d’une alchimie géographique, on décide que les pourparlers aient lieu en Centrafrique tels le cas du Dialogue Politique Inclusif (DPI) de 2008, du Forum de Bangui en 2015 et de l’Accord Politique de Paix et de Réconciliation en République Centrafricaine (APPR-RCA) en 2018 et du Dialogue Politique Républicain (DPR), avec une dose d’atticisme, on notera que c’est toujours sous l’influence de l’extérieure que ces bons offices se déroulent. Le florilège des tentatives de résolution de conflits qui sont survenus dans le pays, a longtemps pris appui sur le multilatéralisme. Le déploiement de la MISSAB, de la MISCA, de la Sangaris, de la MINUSCA en est une parfaite illustration. En revanche, l’irruption de la Russie dans ce conflit doit être analysée sous le prisme du réalisme. Mais pour être complète, les contemporanéistes recommandent que la diplomatie, soit à la fois la conjonction du bilatéralisme et du multilatéralisme.

Somme toute, le conflit centrafricain tel qu’il se déroule actuellement sous nos yeux, est le pan de ce que les spécialistes des relations internationales appellent le ‘‘retour du jeu de puissances’’ où le courant classique croise le fer avec le courant moderniste de la diplomatie (I). Au cœur de ce jeu, diplomatie et action militaire dansent le tango de l’influence tel que le mentionnent ces lignes d’Irenerio Seminatore : « Puisque tout acteur étatique demeure en son fond, une unité combattante qui ambitionne un gain en influence, autorité, prestige ou ressource, la pluralité des objectifs d’un acteur international justifie la définition de la politique étrangère comme unité du verbe diplomatique et de l’action militaire ». Par conséquent, le retour du jeu de puissance, par-delà tout, a d’énormes implications (II) qu’il faudra scruter si notre ambition est de voir la RCA se mettre au bout du compte, sur le chemin du développement.

La diplomatie à couteau tiré entre le classicisme et le modernisme.

La tendance depuis le début du XXIe siècle penche en faveur de la mondialisation et de la globalisation et le phénomène emporterait aussi avec lui, le domaine de la diplomatie. Alain Plantey est resté mesuré sur la question. Selon lui : « La diplomatie est désormais une sorte de jeu, un lego à géométrie variable ». Cette position est facilement vérifiable dans le contexte du conflit centrafricain avec d’un côté, l’irruption de la Russie (B) qui, en plus de la représentation diplomatique, se donne d’entretenir une relation diplomatique, mieux bilatérale avec le Gouvernement de la Centrafrique et de l’autre, concourt à l’édulcoration des rapports diplomatiques entre les Autorités Françaises et Centrafricaines (A).

C’est dans cette perspective qu’on peut proposer une clé de lecture du conflit centrafricain en relation avec les principes de la diplomatie. En effet, l’on résume la diplomatie en quatre principes : le renseignement, la négociation, la représentation et le commerce. Cela apparaît clairement dans l’article 3 de la Convention de Viennes sur les relations diplomatiques et consulaires en ces termes : « Les fonctions d’une mission diplomatique consistent à : a) représenter l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire ; b) protéger dans l’Etat accréditaire, les intérêts de l’Etat accréditant et de ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international ; c) négocier avec le Gouvernement de l’Etat accréditaire ; d) s’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des évènements dans l’Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet au Gouvernement de l’Etat accréditant ; e) promouvoir des relations amicales entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire »

La France entre embuscade et perte d’influence….

Le conflit qui se déroule en Centrafrique n’est pas seulement une affaire des groupes armés qui se donnent de croiser le fer avec le Gouvernement en place. Au-dedans de cette guerre asymétrique où la coalition des groupes armés affronte celle des forces loyalistes, la Russie et l’Occident via la France mènent une lutte acharnée, faisant feu de tout bois. De cette position, on peut valablement affirmer que la France tout comme la Russie, n’est pas aussi neutre dans ce conflit qui tend à s’éterniser.  L’implication de la France dans le conflit centrafricain, à la différence de celle de la Russie, n’est cependant pas, la résultante d’une irruption. Elle doit néanmoins être analysée sous le prisme de la diplomatie.

Il faudra dès l’abord, commencer par s’intéresser à la présence française en Centrafrique via la représentation diplomatique. C’est une lapalissade de dire que la République Centrafricaine perpétue les relations historiques issues de la colonisation avec la France sans compter les relations diplomatiques qu’entretiennent les deux pays depuis l’indépendance en 1960. En application de la Convention de Nations Unies sur les relations diplomatiques et selon la pratique, les nonces devraient avoir les pas sur tous les diplomates accréditées dans un Etat donné. Pourtant, en Centrafrique, c’est l’ambassade de France qui, jusqu’à l’irruption de la Russie, avait le pas sur toutes les représentations diplomatiques accrédités dans le pays.

C’est une position qui pouvait se justifier par l’existence d’un accord de défense qui ferait en sorte que la France passe du statut de Puissance colonisatrice à celui de Puissance protectrice. Il reste que dans les faits, la mise en exergue de l’accord de défense est fonction des rapports entre le régime de Bangui et la Métropole. En 2008, la France en a fait usage pour repousser un groupe de rebelles qui menaçaient de marcher sur Bangui mais refuse d’y recourir en 2012 et 2013 parce que selon François Hollande, le temps où la France soutenait des régimes contre des populations était révolu. Et le même François Hollande, face à l’avalanche des atrocités qui se commettaient en 2014, déclarera plus tard ‘‘qu’on ne peut pas laisser en place des gens qui n’ont rien fait ou qui ont laissé faire’’. C’est plus qu’une vérité qui dit tout sur la politique étrangère de la France en Centrafrique.

S’agissant de la protection des intérêts français en Centrafrique et des négociations, certaines officines pour faire fine bouche, expliquent que la France a plus d’intérêts au niveau du golfe de l’Afrique qu’en RCA. Ce qui n’est pas aussi consistant pour convaincre. En 2012 quand débutait la crise, AREVA fermait ses portes à Bakouma sous prétexte que le prix de l’uranium avait chuté sur le marché international. Or, AREVA, sous la présidence d’Anne Lauvergeon, a acquis les mines de Bakouma dans un contexte dantesque en les rachetant entre les mains d’l’UraMin. Pour sauver se sauver la face devant l’opinion nationale, François Bozizé a justifié le chancellement de son pouvoir par ses péripéties avec le Gouvernement Français, s’agissant du site pétrolier de Boromata lesquelles péripéties l’ont poussé à se tourner vers la Chine. Il en est de même pour la cimenterie de Nzila concédée aux indiens. François Bozizé a justifié les troubles politiques auxquels il faisait face par le fait qu’il ait décidé de se tourner vers d’autres partenaires que la France.

Quant aux points sur les renseignements et l’influence, il faut lire entre les lignes de la Résolution 2127 de l’Assemblée Générale de l’ONU pour le décoder. Le 05 décembre 2013, le groupe d’autodéfense Anti-balaka lance une attaque meurtrière sur la ville de Bangui. L’ambassadeur Français Serge Mucetti qui était en poste, une année plutôt, se voit relever de ses fonctions pour n’avoir pas vu venir cette attaque et la signaler au Quai d’Orsay et à Elysée. Il fut remplacé par Charles Malinas qui durera tout le temps de la Transition. Curieux que la France n’ait pas prévu cette attaque parce que nombre Ongs françaises avaient alerté François Hollande quelques jours plutôt sur le risque de la somalisation de la République Centrafricaine.

Concours de circonstance, le Conseil de Sécurité de l’ONU décide de l’envoi d’une mission africaine et de l’Opération Sangaris en Centrafrique consacrée par les points 49 et 50 de la Résolution 2127 AGNU. Au lieu de six mois convenus, la Force Française, forte de mille six cents hommes qui devrait servir d’appui aux soldats de la MISCA, restera plus longtemps que prévu. Lorsque Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye respectivement Président et Premier Ministre de Transition, ont été démis de leurs fonctions, l’ambassadeur français Charles Malinas a pesé de son poids pour avoir le contrôle des élections. Des critères d’éligibilité extrêmement rigides ont été définis afin d’écarter des candidats impénitents. Catherine Samba-Panza était jugée très proche de Malinas et du Quai d’Orsay. D’où la présence de Laurant Fabius à son investiture le 24 janvier 2014.

Il est tout de même important de souligner un point très crucial de la diplomatie dans cette analyse. En intervenant en 2013, à la demande de l’ONU, la France sous la bannière du multilatéralisme, a cru qu’il est de son devoir de rétablir la paix, l’ordre et la sécurité dans son pré-carré. Et pourtant et jusqu’ici, elle n’est jamais partie de la Centrafrique, car lorsque la coalition Séléka marchait sur Bangui, il existait des soldats Français de l’Opération Boali dans le pays. C’est à cette force que l’Opération Sangaris a succédé. Et lorsque Faustin Archange Touadéra accédait au pouvoir en 2016, tous les groupes armés disposaient de tout leur arsenal de guerre. C’est dans ces conditions que les autorités françaises ont décidé de retirer la Sangaris de la Centrafrique parce que les coûts des opérations étaient énormes. Ce fut donc, une mauvaise trajectoire prise par la diplomatie française parce que la Russie présente en Afrique, une dizaine d’années déjà, pratiquait la chasse à l’affût. 

L’irruption de la Russie dans le conflit centrafricain

Il paraît que beaucoup sont surpris de la présence russe en Centrafrique. Les analystes français ne l’auraient pas prévue selon certaines indiscrétions. Mais en réalité, l’irruption de la Fédération de la Russie ne peut surprendre que ceux qui n’ont pas une grande maîtrise des dédales des relations internationales et précisément de la diplomatie. C’est sous le prisme du réalisme qu’elle s’est faite et elle a l’air de s’implanter durablement dans le temps et dans l’espace. « La Russie a une histoire millénaire et pratiquement elle a toujours eu le privilège de pratiquer une politique extérieure indépendante. Nous n’avons pas l’intention aujourd’hui de faillir à cette tradition. En même temps nous voyons que le monde a changé et nous évaluons avec réalisme nos propres possibilités et notre propre potentiel »

Pour mieux comprendre, Jean-Baptiste Duroselle se propose de faire un dépassement de la pensée de Plantey en tentant une comparaison entre un jeu et un conflit. D’après Duroselle, on peut échapper au jeu par évasion, on ne peut échapper au conflit que par sa solution. Le jeu présente donc un caractère artificiel et le conflit un caractère essentiel. L’enjeu du conflit est nécessairement plus complexe que l’enjeu de n’importe quel jeu. L’enjeu d’un jeu est toujours de nature simple tandis que l’enjeu du conflit est toujours complexe, même pour des conflits les plus simples. Il englobe des intérêts matériels et des idées, des éléments de prestiges. Par-dessus tout, il contient sous une forme ou sous une autre, ce qu’on appelle confusément « la volonté de puissance » laquelle ne va pas directement exister dans le jeu du fait que le jeu même est artificiel.

Cette péricope de Duroselle définit et en même temps caricature le réalisme dont il est question. Elle met en évidence l’égrégore de la volonté de puissance qui anime les Etats et qui se manifeste par la poursuite des biens matériels, des prestiges, de la domination idéologique et la multiplication des stratégies pour paraître influent et de plus en plus influent sur la scène internationale. Il est à ce propos intéressant de remarquer que l’irruption de la Fédération de la Russie dans le conflit centrafricain résulte de la combinaison de ces quatre principes. A commencer par la représentation, elle y dispose d’une ambassade et ce, depuis l’indépendance. C’est fort de cette présence que la Russie a contribué à la construction à Bangui du Centre de la mère et de l’enfant sous l’ex-empereur Jean Bédel Bokassa.

C’est aussi à l’ambassade de la Russie que l’ancien Premier Firmin Ngrébada qui fut aussi Directeur de Cabinet du Président Faustin Archange Touadéra a dû se réfugier au moment où la coalition Séléka renversait le Général François Bozizé en 2013. Il a été accueilli par Serguei Lobanov qui officiait comme ambassadeur à cette époque. Mais une chose est de disposer d’une représentation diplomatique dans un pays et une autre est d’entretenir véritablement des relations diplomatiques avec ce dernier. Ceci permet de poser la question de savoir pourquoi la Russie a attendu tout ce temps pour entrevoir des relations privilégiées avec la Centrafrique ? Ce n’est qu’après qu’on pourra poser la question du comment.

En effet, la chute du mur de Berlin et la déflagration de l’ancien bloc soviétique, en sifflant la fin de la guerre froide, ont fait à perdre l’ex URSS la suprématie dont elle jouissait sur la scène internationale. La Russie s’était donc résolue à se recroqueviller sur elle-même. C’est pourquoi la politique étrangère de la Russie s’est suffi aux seules représentations diplomatiques. Tel en a été le cas en République Centrafricaine.

Il a donc fallu l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir au début de l’an 2000 pour qu’une nouvelle trajectoire soit entrevue pour la politique étrangère de la Russie. Michel Raimbaud l’écrira en ces termes : « En relevant la diplomatie, en redynamisant l’armée rouge et son armement nucléaire, en misant sur le Gaz et le pétrole, Poutine entend redonner à la Russie, la place inconditionnelle qu’occupe l’URSS sur la scène internationale ». A partir de cette trajectoire, la Russie est rentrée dans la phase du renseignement et de la négociation en décidant de jeter son dévolu sur l’Etat centrafricain.

 En août 2014, Michael Bogdanov Vice-Ministre des Affaires Etrangères en charge du Moyen Orient et de l’Afrique se sont rencontrés à Moscou. En 2016, les autorités françaises se sont résolues à retirer la Sangaris, la force française qui était déployée en 2013 aux côtés des soldats de l’UA puis de l’ONU. Exploitant la situation, la Fédération de la Russie lance une deuxième rencontre, cette fois-ci en octobre 2017 entre le Président Centrafricain Faustin Archange Touadéra et le ministre des Affaires Etrangères russe Serguei Lavrov. Pendant que ces négociations se poursuivaient, un bateau russe qui transportait des armes en direction de la Centrafrique, a été intercepté au port de Tunis par la garde tunisienne.

La Russie a dû donc contourner cet obstacle en obtenant du Conseil de Sécurité des Nations Unies dont elle est membre, un assouplissement de l’embargo sur les armes en destination de la Centrafrique. A partir de la fin d’année 2017, la Fédération de la Russie va livrer des armes entre autres des pistolets, des fusils de précision, des mitrailleuses, des kalashnikov, des fusils d’assaut, des lance-roquettes, des missiles solaires à la Centrafrique. Au début de l’année 2018, des chars de guerre seront livrés.

A titre de compensation, le 04 avril 2018, le Gouvernement Centrafricain a concédé à Lobaye Invest quatre (4) permis d’exploitation artisanale semi-mécanisée sous les n° 180, 181, 182, 183_18 localisées dans les secteurs de Bangassou, Ouadda, Bria et Sam-Ouandja. La durée d’exploitation est de trois ans renouvelables. Les permis portent sur l’exploitation de l’or et du diamant. La même Lobaye Invest a obtenu du Gouvernement centrafricain plusieurs autres permis de recherche d’or à Yawa, d’exploitation de diamant à Yawa-Boda, une autorisation de reconnaissance minière dans la région de Pama.

Sous la pression des Russes, le Gouvernement est amené à procéder à la révision du code minier centralisant dorénavant l’exportation des ressources minières entre les mains d’une société paraétatique sous contrôle russe, dépouillant au passage les coopératives de toute activité connexe. D’autres sociétés comme Sewa security spécialisée dans le domaine de la sécurité et CAPEX et PETROLEX intervenant dans le domaine des hydrocarbures ont vu le jour plus tard. Il faudra ajouter la relecture du code minier s’est heurté à la résistance de la Communauté Internationale notamment la Banque Mondiale qui reste le premier partenaire de la République Centrafricaine, en ce qui concerne la gestion, l’exploitation et la protection des ressources naturelles. A ce titre, la Banque Mondiale fait la promotion de la diversité et la protection égale de tous les investisseurs. 

Pa-ailleurs, pour sécuriser ses intérêts, la Russe déploie ses tentacules sur deux axes. D’abord, par l’envoi d’un certain nombre d’instructeurs pour initier les FACAs au maniement des armes russes. Un bureau militaire russe a été créé et logé au ministère de la Défense avant d’être relocalisé pour servir cette cause. En plus de la présence militaire, la Russie a investi le milieu médiatique centrafricain en injectant suffisamment d’argent pour que la presse locale soigne l’image du pouvoir de Bangui. Elle a bien réussi le coup sur deux terrains parce que d’une part, Vladimir Titorenko et Valery Zakarov à l’époque respectivement ambassadeur et conseiller militaire du Président Touadéra, étaient des férus de la presse et des réseaux sociaux. D’autre part, nombre hommes de médias en Centrafrique vivent dans la précarité. Avec les moyens financiers mis en jeu, une bonne affaire était conclue. Le retour de la manivelle, c’est la montée des intox au niveau national et institutionnel.

Mais là où on les attendait moins, les Russes vont opérer une immixtion dans les affaires intérieures de la République Centrafricaine, un véritable jeu d’influence. Ils tentent fin 2017 un rapprochement entre le Gouvernement et les groupes armés qui foisonnent dans le pays. Après deux rencontres au Soudan, ils ont réussi le pari des pourparlers de Khartoum assortis d’un accord dit ‘‘Accord Politique de Paix et de Réconciliation en RCA’’. Très vite, l’APPR-RCA va montrer ses limites avec la création en décembre 2020 de la CPC (Coalition des Patriotes pour le Changement) qui avait pour objectifs le boycott des élections de 2020 et le renversement du régime de Bangui. Face à la menace, les Russes ont mis en jeu de gros moyens militaires pour repousser les combattants de la CPC qui sont venus jusqu’à la porte de Bangui en janvier 2021 et profiter de l’occasion pour reprendre les villes qui étaient sous contrôle des rebelles.

 Le jeu d’influence a permis aussi à la Russie de disposer du serveur de l’ANE durant les dernières élections générales, de récupérer entre les mains des Français, la tour de contrôle de l’aéroport de Bangui M’poko, de contrôler la douane centrafricaine sous prétexte de la sécurisation des recettes fiscales. On peut souligner comme Duroselle que dans l’irruption de la Russie en République Centrafricaine : tous les agents des relations internationales sont utilisés dans leur plénitude. Les militaires de très haut rang prennent le pas sur tous les autres, car il faut soutenir le moral des troupes, imaginer les meilleures tactiques possibles. Mais les diplomates doivent aussi redoubler d’effort que possible, gagner des alliés, en faire perdre à l’adversaire, essayer de désagréger la coalition ennemie, nouer le travail quotidien de l’information, de la quête de ressources. Les propagandistes doivent à la fois justifier la cause du pays, le présenter comme certain de la victoire, saper le moral de l’adversaire, bref utiliser l’arme complémentaire de la guerre psychologique.

A partir de cet instant et particulièrement des évènements en Centrafrique et du rayonnement que cela a donné sur le plan régional et international, il n’est plus possible de douter du jeu de puissance provoqué par la nouvelle trajectoire de la politique étrangère russe en Afrique subsaharienne. Pierre Binette l’exprimera en ces termes : « Conformément aux principes du réalisme politique, le renforcement de l’Etat par la recherche de la puissance est une condition essentielle au maintien de l’indépendance de la Russie et la défense de ses intérêts nationaux. Cela est d’autant plus important dans un contexte où les Etats concurrents de la Russie, qu’ils soient de l’Ouest ou de l’Est, cherchent à l’isoler et contrecarrer sa recherche de puissance et d’indépendance ».

Les implications du retour de jeu de puissances

En réalité, la décortication des faits diplomatiques permet de remarquer que le conflit centrafricain, se déroule sous la forme d’une guerre froide entre la France et la Russie. Les médias servent bien de lieux de passe d’armes entre les différentes chancelleries de ces deux pays et la médiatisation de ce duel entraine de fortes implications tant à l’intérieur (A) de la Centrafrique qu’au-delà de ses frontières (B).

Les implications du duel franco-russe à l’intérieur des frontières centrafricaines

D’entrée de jeu, il convient de souligner que le duel franco-russe s’inscrit dans ce qu’on appelle en relations internationales, le jeu de puissance et dans ce cas précis, nous vivons le retour du jeu de puissances en Afrique subsaharienne. Ce n’est pas un phénomène nouveau en diplomatie. Le moins que l’on puisse dire tout au plus, c’est que le duel franco-russe a conduit à la bipolarisation de la société centrafricaine. Jadis, l’Hexagone était le seul centre décisionnel de la politique intérieure et extérieure du pays. Qu’on soit du pouvoir, qu’on soit de l’opposition, qu’on appartienne à la société civile, qu’on provienne des groupes armés, si l’on n’est pas adoubé par la France, on n’y peut rien.

Mais depuis l’irruption de la Russie dans le conflit en Centrafrique, les cartes ont été rabattues divisant par-là, la société centrafricaine en deux. D’un côté, il y les pro-russes et de l’autre, les pro-français. On pourrait en avoir un troisième qui est celui de la majorité silencieuse. Le clan des pro-russes, c’est d’abord, le régime du Président Touadéra avec tous ses caciques dont quelques groupes armés signataires de l’APPR-RCA, c’est-à-dire ceux qui acceptent la présence russe et font bon ménage avec la politique du Président Touadéra. Dans la majorité présidentielle, le problème de la Centrafrique, c’est la France, l’opposition et les groupes armés. Ce qui n’est pas forcément vrai, parce qu’une telle assertion conduit à une sorte de déresponsabilisation des autorités vis-à-vis de leurs charges. Et même si cela était vrai, la Russie n’est pas forcément la solution.

Le deuxième camp est celui des pro-français qui, parient sur le soutien de la France pour pouvoir renverser la pyramide. C’est une tâche combien difficile dans la mesure où la France, même sans la présence russe, avait déjà mauvaise presse aux yeux de l’opinion nationale. Qui plus est, ceux qui sont dans l’opposition, ont dans un passé relativement récent, eu à tenir les gouvernails du pouvoir sans grand succès. Il reste que sans être pro-français, on peut ne pas être d’accord avec la présence russe, car le problème peut être la France mais la solution n’est pas forcément la Russie.

Or, du fait de la présence russe, toute personne qui ne partage pas les lignes politiques du Président Touadéra, est d’office fourguée au rang des opposants et toute personne qui s’élève contre la présence russe, doit subir le bannissement. Tout porte à croire que le Centrafricain est en quête perpétuelle d’un certain paternalisme pour se mettre sur la voie du développement. Mais ici, cette quête n’est pas autonome car sous couvert du bilatéralisme, elle est mue par la présence russe et uniquement tournée vers elle. C’est donc un leurre de prétendre défendre les intérêts des populations dans le partenariat avec la Russie qui ne saurait traiter d’égale à égale avec la République Centrafricaine.

En réalité, les pro-russes sont aussi à plaindre tout autant que les pro-français. Dans le monde des relations internationales, il n’y a que les intérêts qui poussent les uns et les autres à être ensemble. Sitôt que les intérêts sont atteints, les alliances de circonstance se disloquent. Pour vaincre les rebellions, le Gouvernement s’est payé le service des hommes de Poutine dont on dit appartenir au groupe Wagner. Malgré les appareils sophistiqués dont ils disposent, ils n’ont pas pu défaire pour de vrai tous ces groupes armés. Il n’y a jamais eu d’affrontements réels sur le terrain.

En d’autres termes, si la France n’a pas défait les rebellions, la Russie n’en a pas fait mieux parce que les rebellions dans les Etats fragiles servent les intérêts de tout le monde : Pouvoirs en place, opposition, société civile, communauté internationale, même les groupes religieux. Toujours à propos des rebellions en Centrafrique, parce que la Russie a aidé le Gouvernement à réduire les poches de résistance de ces derniers, elle a droit au retour sur investissement. On le voit avec les contrats miniers tous azimuts qui ont été octroyés aux entreprises russes tout comme aux investisseurs Rwandais qui participent à la sécurisation du régime de Bangui aux côtés des combattants de Wagner. On dira bien : « L’ouvrier mérite son salaire ».

Comme la France jadis, elle lorgne les matières premières de tous les Etats à qui elle vend chère l’illusion de libération et de la révolution politique qui n’est en réalité que la marque d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom. Comme la France qui avait envahi tous les secteurs clés de l’administration, la Russie a placé partout des hommes qui ne travailleraient que pour Wagner. Il faudra donc reconnaître que la République Centrafricaine a sous-traité sa souveraineté avec les hommes de Wagner. Et parce que la Centrafrique a ainsi bradé sa souveraineté, elle tombe dans le piège de l’infantilisme politique. La conclusion à tirer est que sans le soutien de l’étranger, elle n’aura pas été capable avec sa propre armée d’assurer sa propre sécurité. Et le temps que la République Centrafricaine s’appuie sur le soutien de l’extérieur, sa sécurité est garantie, sitôt que cet appui s’effrite, le chaos s’installe. Ce qui est un véritable camouflet pour les autorités centrafricaines et tous les partisans du panafricanisme, car on ne peut pas lutter contre la présence militaire française en Afrique et jeter des fleurs à l’appui militaire de la Russie, même si l’on estime qu’elle marque une différence avec la présence militaire française en Afrique. 

Pour rester dans la dynamique de la diplomatie, l’on pourra se demander à quel type de politique étrangère nous avons affaire sous l’égide des autorités centrafricaines depuis la rencontre avec la Russie ? Et en quoi consiste-t-elle réellement ? Dans la logique de Marcel Merle, si l’on considère les activités politiques, la distinction de l’interne et de l’externe apparaît de plus en plus difficile à tracer. Sous l’influence de plusieurs facteurs qui combinent leurs effets, (progrès techniques et libération des échanges notamment), les frontières s’estompent de plus en plus entre le domaine de la politique intérieure et celui de la politique extérieure. La finalité de la diplomatie, c’est le renforcement de la souveraineté, la satisfaction des intérêts du peuple.

Or, dans l’espace CEMAC, en dehors du Tchad et de la Guinée Equatoriale, les représentations diplomatiques de la Centrafrique ne sont pas pourvues d’ambassadeurs. Même au Rwanda, la Centrafrique n’a pas d’ambassade. Dans les pays Africains de taille tels que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria, les ambassades centrafricaines sont soit vides soit elles n’existent pas alors qu’un pays comme la République Centrafricaine a besoin de la diplomatie pour vaincre son enclavement. C’est la preuve que la politique étrangère de la RCA penche plus pour la mise en valeur de l’extérieur aux dépens de l’intérieur. Et cela pourrait s’apparenter à une sorte de politique étrangère téléguidée. Pour Marcel Merle : « L’externe est utilisé aussi bien comme menace et comme contrainte pour contenir la poussée des revendications internes que lieu de projection des remèdes et des ambitions destinées à satisfaire ces revendications ».

Cette approche est savamment entretenue dans l’intérêt des nouveaux maîtres de la République Centrafricaine car lorsque la politique étrangère se préoccupe de l’intérieur, elle donne l’occasion au peuple, souverain primaire d’exiger à ceux qui exercent le pouvoir en son nom de lui rendre compte. Aujourd’hui, ni le pouvoir de Bangui ni ses nouveaux partenaires, les Russes et les Rwandais n’en ont pas besoin dans un pays qui vit une crise de démocratie. Or, selon Pascal Boniface : « Le développement de la démocratie dépend principalement de trois facteurs : 1) Le niveau d’alphabétisation qui donne accès à l’information. Il est plus difficile d’émettre des revendications quand on est illettré. 2) Le niveau économique. On ne se rebelle quand on cherche seulement à survivre. 3) L’histoire nationale, la mémoire collective d’un peuple ». 

Cela est plus qu’inquiétant pour la République Centrafricaine qui a d’innombrables ressources naturelles mais qui manque cruellement d’infrastructures qui pourraient booster son économie. Cela est encore plus qu’inquiétant parce que lorsque les Gouvernants ne sont pas assujettis au devoir de reddition de comptes, la gestion du pouvoir n’est donc que vacuité. Ce n’est plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. C’est plutôt la domination des Gouvernants sur les Gouvernés. A prolonger la pensée, on s’apercevra que les partenaires du Centrafrique ne peuvent qu’assurer la sécurité du territoire mais le développement économique du pays est de la responsabilité des autorités politiques. Même si des conventions économiques ont été signées, c’est pour honorer la lourde facture des prestations sécuritaires fournies. Ces conventions sont qualifiées de « butins de guerre » déguisés.

Quoiqu’il en soit, au-delà de ces quelques réalités qui paraissent inquiétantes au niveau national, le retour de la Russie en Afrique subsaharienne a véritablement trouvé un point d’encrage en République Centrafricaine à partir de laquelle son rayonnement devra s’étendre à d’autres pays.

Les implications du duel franco-russe au-delà des frontières de la République Centrafricaine

En termes d’implications extra muros, la présence russe a permis de mettre en lumière les leurres de la sécurité collective au niveau sous-régional, régional voire international sans oublier qu’elle a aussi favorisé le rééquilibrage des relations entre les six Etats de la CEMAC et devrait inspirer d’autres Etats sur le continent.

De prime abord, l’on devra se pencher sur la question de la sécurité collective. Si la création des Accords de Coopération Régionale (ACR) a été encouragée par l’ONU, c’est parce qu’ils devraient permettre le maintien de la paix et de la sécurité d’une part, et de favoriser le développement économique de ces régions, d’autre part. Qu’est-ce qu’on a remarqué au niveau de l’Afrique Centrale ? L’adhésion de la République Centrafricaine à la CEMAC et la CEEAC ont donné des contre-témoignages au cours des trois dernières décennies à commencer par les premières mutineries de 1996. Tout porte à croire que dans la zone CEMAC et CEEAC, l’enclavement de la République Centrafrique s’accentue selon les cas ci-après cités.

En 2011, elle a perdu la présidence de la Commission de la CEMAC à cause de la turpitude du Cameroun qui devrait lui passer le flambeau mais qui s’obstinait à défendre le bilan sombre de son candidat arrivé en fin de mandat. Il y a eu aussi les agissements du Tchad qui voulait avoir le poste qui était pourtant tournant selon l’ordre alphabétique des Etats.

En 2012, avec le déclenchement de la crise politique, la CEEAC a dépêché la MICOPAX (FOMAC), la force militaire de la sous-région pour rétablir l’ordre en République Centrafricaine. Elle s’est plutôt révélée une force d’interposition. Qui plus est, la ligne rouge qu’elle était censée protéger au niveau de la ville de Damara, a été violemment par la coalition Séléka qui s’emparera du pouvoir en mars 2013.

En janvier 2014 à Ndjaména, Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye respectivement Président et Premier Ministre de Transition ont été contraints à la démission devant les Présidents de la sous-région. Le parlement centrafricain a été convoqué dans la Capitale Tchadienne pour constater ladite démission. Même Catherine Samba-Panza qui a été élue Présidente de Transition après Michel Djotodia, a été mise au couloir à Malabo au cours d’une réunion des Chefs d’Etat de la sous-région.

Aussi, on ne peut manquer d’évoquer les maints cas de fermetures des frontières unilatéralement décidées par des pays comme le Tchad ou le Cameroun du fait de l’insécurité qui régnait en République Centrafricaine. Or, un pays comme le Tchad a été toujours été accusé de collision avec les groupes armés qui sévissent en Centrafrique et qui se servent de ses frontières comme base-arrière pour leurs opérations en Centrafrique. C’est encore au Tchad que les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) de l’ancien Président et Général François Bozizé ont été accueillis comme exilés politiques.

En réalité, la sécurité collective est un véritablement mirage en Afrique Centrale. Elle ne vaut que pour un Etat faible comme la RCA car au Gabon, au Cameroun, en Guinée Equatoriale, au Congo Brazzaville et au Tchad, la sécurité et la défense du territoire sont de la responsabilité de l’Etat qui l’exerce comme un pan de sa souveraineté. Durant les trois dernières décennies, les autres Etats de la CEEAC ont connu des crises mais jamais ils n’ont été autant menacés comme en Centrafrique. Les menaces terroristes au Cameroun, le Coup d’Etat manqué au Gabon ou en Guinée Equatoriale, les attaques des groupes rebelles au Tchad n’ont pas touché le centre névralgique du pouvoir comme en Centrafrique. C’est pourquoi les forces de la MICOPAX ou bien de la FOMAC n’ont servi que pour les opérations de sécurisation de la République Centrafricaine.

Puis vint le temps du rééquilibrage des forces grâce à l’implication des forces bilatérales aux côtés des Forces Armées Centrafricaines (FACAs). Même si les rebelles n’ont pas été totalement anéantis après les contre-offensives qu’ils ont subies, il n’en demeure pas moins que la présence russe a été telle que les soutiens extérieurs dont les groupes armés bénéficiaient, ne sont plus visibles. Les nouveaux maîtres de Bangui ont provoqué un rééquilibrage des rapports de forces le jour où poursuivant dans le nord, des éléments de la CPC au niveau des trois frontières, ils ont affronté l’armée tchadienne sur le territoire tchadien. L’incident s’est déroulé à la fin du mois de mai 2021.

Quelques instants après, un autre incident a éclaté au mois d’octobre 2021 entre les forces bilatérales opérant en Centrafrique et l’armée tchadienne poussant les autorités des deux pays à multiplier les efforts diplomatiques pour juguler le conflit. Plus tard et en marge de la rencontre des Présidents Africains à Bruxelles avec les dirigeants de l’Union Européenne (UE), les Présidents Tchadien et Centrafricain se sont longuement parlé et ils ne pourraient ne pas évoquer le cas des leaders de la CPC en cabale au Tchad. Le fruit des efforts diplomatiques entre les deux pays, a été l’arrestation et le transfèrement du chef Anti-balaka Maxime Mokom à la CPI par Ndjaména.

 En effet, le 24 février 2022, les services de l’Agence Nationale de Sécurité (ANS) du Tchad ont arrêté le chef de guerre Centrafricain Maxime Mokom à la frontière et le remettre à la CPI alors que c’est avec la bénédiction de Ndjaména que les rebelles Centrafricains résident au Tchad depuis plusieurs mois déjà. Les sources diplomatiques soutiennent que Maxime Mokom n’aurait pas respecté l’accord avec les autorités tchadiennes. Selon la Feuille de route de Luanda, les rebelles Centrafricains en exil au Tchad ne devraient pas se livrer à des manœuvres militaires en attendant le dénouement des négociations avec les autorités de Bangui. Ce à quoi le Tchad s’est donné de veiller.

On en déduit que même si le régime de Ndjaména est protégé par Paris, le Tchad en l’état actuel, n’a plus les forces de faire et de défaire des hommes politiques en Centrafrique. A la fin du mois de février, selon une communication téléphonique interceptée par les autorités Tchadiennes, des membres de l’opposition ont tenté de rentrer en contact avec les hommes de Wagner en Centrafrique en vue de provoquer un changement de régime. Cette information a provoqué un tohu-bohu politique au Tchad et dans les pays sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans le conflit centrafricain. Entre temps, les Russes sont en action avec grande pompe au Mali et on devrait entendre parler d’eux bientôt au Burkina-Faso et en Guinée Conakry.

Bibliographie

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Théophile Funck-Brentano et Albert Sorel déclaration faite en 1877, citée par Laurence Bodel et Stanislas Jeanson in Introduction. Une histoire Globale de la diplomatie, Armand Colin 2014, n°5