Le District sanitaire Bocaranga-Koui dans la préfecture de Lim-Pende se donne pour sauver la vie des habitants de cette région. Souvent avec les moyens de bord à cause de nombreux défis, cet hôpital doit faire des miracles pour remplir sa mission qui consiste à sauver des vies.  Dr Osias Guerevicko, Médecin Chef de ce district sanitaire,  s’est confié aux journalistes en mission dans la région. Il fait l’état de prise en charge des pathologies récurrentes dans la région avant de brosser les difficultés auxquelles cet hôpital fait face, dans un contexte où la mobilité est réduite à cause des engins explosifs que les groupes armés posent sur les axes.

Oubangui Médias : L’hôpital de district de Bocaranga-Koui fait la prise en charge de plusieurs maladies dont le paludisme en cette période de Pic. Comment organisez-vous pour faire face à cette pandémie qui touche beaucoup les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes?

Osias Guerevicko : Merci pour cette occasion que nous accorder. Nous avons deux  bureaux de consultations en plus d’un service de la pédiatrie avec une capacité de 35 lits. C’est au niveau du service de triage que nous orientons les malades qui viennent vers nous. Si c’est du palu grave, le patient est orienté à la pédiatrie hospitalière et nous allons faire une prise en charge correcte. Mais si c’est un palu simple, nous faisons un traitement en ambulatoire c’est-à-dire à titre externe.

Oubangui Médias : Mais pour certains enfants qui développement l’IRA (Infections Respiratoire Aigu) ou de l’anémie. Avez-vous des moyens nécessaires pour la prise en charge de ces cas-là ?

Osias Guerevicko : En ce qui concerne l’anémie liée au palu, nous prenons en charge en faisant une transfusion. Malheureusement, nous ne disposons pas d’une banque de sang. Nous faisons parfois une transfusion directe. Nous sensibilisons les parents, nous prenons leur sang au laboratoire pour le test et si c’est compatible avec le patient, nous prélevons le sang du parent pour transfuser.

Oubangui Médias : Donc faites-vous avec les moyens de bord ?

Osias Guerevicko : Nous faisons avec les moyens de bord. Parfois, on n’arrive pas à trouver le donneur et c’est difficile à gérer et de voir un cas qu’on pouvait sauver et à cause du manque d’une banque de sang, nous regardons un malade succomber.

Mais en ce qui concerne les cas des infections respiratoires, nous disposons à la pédiatrie des concentrateurs d’oxygène qui peuvent aider les malades. Là encore, les difficultés se trouvent au niveau du générateur. Parfois nous manquons de carburant car nous n’avons pas la capacité d’alimenter le générateur sur 48h ou 72h sans interruption afin de permettre aux concentrateurs d’oxygènes de fonctionner.

Heureusement avec l’ONG CUAM (Médecins avec Afrique) qui vient de commencer il y a quelques mois avec l’appui du fonds humanitaire. C’est cette ONG qui est en train de nous aider au niveau de la pédiatrie hospitalière avec leur générateur, le carburant et aussi la gratuité des soins au profit des enfants de 0 à 15 ans. Ceux qui sont traités en ambulatoire ne bénéficient pas de cette gratuité des soins.

Oubangui Médias : Vous êtes l’un des centres de référencement pour les habitants de la région. Avez-vous des moyens telles que les ambulances et autres pour sauver des vies ?

Osias Guerevicko : Nous avons une ambulance qui n’est plus opérationnelle depuis presque une année. Cela complique le référencement des patients. Si nous avons des cas, les parents se battent pour évacuer le patient. Mais, nous avons un partenariat avec le CICR qui nous appui dans le référencement de cas liés aux blessures par balles ou engins explosifs. Ces cas dont nous n’avons pas les capacités de gérer ici sont transférés dans un hôpital de référence par ce partenaire. C’est dans ce sens que CICR peut nous aider pour évacuer le malade et le ramener après rétablissement. Les autres cas, c’est aux parents de gérer pour le moment ou la bonne volonté de certaines personnes ou des acteurs humanitaires qui sont dans la région.

Oubangui Médias : Et si vous aviez tous ces moyens roulants, pourriez –vous circuler librement dans les périphéries à cause de l’insécurité et des engins explosifs?

Osias Guerevicko : L’impact des engins explosifs touche beaucoup de plan. Le plan économique, car le mouvement de la population est réduit et donc le commerce dans la zone prend un coup. Les gens ont peur de circuler sur les axes de peur de sauter sur un engin et de perdre leurs vies. Comme cela réduit le mouvement de la population, il réduit aussi le système de référencement. Imaginez par exemple s’il y a une rumeur d’un engin explosif à 30 Km alors que s’il y a un patient à 60 Km et qui devrait être référé. Du coup, cela crée la peur et empêche le patient à chercher des soins pour sauver sa vie. Au niveau de l’hôpital, depuis les histoires des engins explosifs, nous avons déjà reçu au moins trois victimes. C’est un phénomène inquiétant pour la population et pour nous personnel de santé.

Oubangui Médias : Docteur, une prise en charge correcte renvoie au plateau technique. Est-ce qu’aujourd’hui votre hôpital dispose d’un plateau technique à la hauteur des enjeux des maladies que vous devez prendre en charge ici ?

Osias Guerevicko : Le plateau technique n’est pas au point. Comme je disais, nous ne disposons pas d’une banque de sang. C’est déjà compliqué. En plus, nous n’avons pas la radiographie et c’est ce qui fait que pour ce cas, nous orientons les patients à Bouar juste faire la radiographie, en parcourant plus de 140 km. Même au niveau du bloc opératoire, nous ne faisons que les chirurgies d’urgence et les autres cas, il faut transférer vers un autre centre, soit à Bouar, soit à Bangui et sur les frais des parents.

Oubangui Médias : Si nous voyons la densité de la population au niveau de votre district sanitaire, le ratio est-il équilibré entre la population et le personnel soignant?

Osias Guerevicko : Nous avons du personnel. Les infirmiers secouristes qui ont été formés par le district et qui sont en train d’appuyer la zone. Mais pour tout l’hôpital, nous n’avons que quatre personnels qualifiés pour une population d’environ 80.000 habitants au centre de Bocaranga.  Quatre personnels qui ont été formés dans une institution étatique ou privée et que l’Etat valide le diplôme. C’est insuffisant et l’hôpital est obligé de fonctionner avec des volontaires secouristes qui sacrifient leurs vies pour sauver celles des autres. Heureusement, cela se passe bien car nous avons affaires à des infirmiers secouristes qui ont une certaine expérience.

Oubangui Médias : Dr Osias Guerevicko, merci de nous avoir accordé cette interview

Osias  Guerevicko : C’est à moi de vous remercier d’avoir pensé à notre travail ici à Bocaranga.

Interviews réalisée  par Fridolin Ngoulou