Arrêté, inculpé et libéré, le cas Hassan Bouba fragilise la justice et met en cause la lutte contre l’impunité que prône le président de la République Faustin Archange Touadera.

Contre toute attente, le ministre de l’élevage et de la santé animale Hassan Bouba, l’ancien numéro 2 de l’UPC de Ali Darass a été arrêté suite à un mandat d’arrêt émis par la Cour Pénale Spéciale (CPS), une juridiction mixte instituée en 2015 pour juger les crimes graves en Centrafrique depuis 2003. Inculpé et placé en détention, il retournera chez lui sous escorte des forces de l’ordre. Une indignation pour le peuple centrafricain qui attend que la justice soit faite.

Ce dernier est accusé des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Mais l’espoir des centrafricains de voir enfin Hassan Bouba devant la justice s’est effondré une semaine après son arrestation. Lui que les rapports de Nations-Unies attribuent la responsabilité ainsi que son chef Ali Darass du massacre de plus de 1.200 personnes entre 2016 et 2019, est vu par les autorités comme une pièce maitresse pour le retour de la paix. Hélas, une contradiction qui ne dit pas son nom dans ce pays de tous les paradoxes et des records négatifs.

Des sources du pouvoir et proches de l’armée ont confié à Oubangui Médias que le ministre Hassan Bouba, depuis plusieurs mois, s’est donné pour tâche de faciliter la désertion de plusieurs combattants de l’UPC, qui sévissent encore dans plusieurs villes du pays. Ils sortent presque chaque semaine dans la Ouaka, la Basse Kotto et une partie de la Haute-Kotto, ces combattants qui se désolidarisent de leur chef Ali Darass, qui a intégré la Coalition des Patriotes pour le Changement de François Bozizé et qui refuse de signer le cessez-le-feu.

Une source militaire a lâché même que son arrestation, « poussée par la CPS et les mains invisibles visait à fragiliser le plan de l’armée » car Hassan Bouba a facilité la sortie de plusieurs centaines des rebelles de l’UPC.  « Son arrestation est un coup de frein pour cette opération que nous avons commencée », nous a dit cette source qui voit en CPS un instrument qui ne s’aligne pas derrière l’agenda des autorités nationales mais qui protège un certain nombre des chefs rebelles au détriment des autres.

Cette affaire qui semble être très politique n’a pas été commentée par le gouvernement mais très critiquée par l’opinion nationale et internationale. Ce jeu dangereux pour l’indépendance de la justice ne fait que montrer une image négative de la Centrafrique, alors que le président Faustin Archange Touadera a fait de la lutte contre l’impunité la colonne vertébrale de son nouveau mandat. Cette phrase très appréciée par les observateurs des droits de l’Homme nationaux et internationaux est aujourd’hui à sa première contradiction publique avec la réalité.

Hassan Bouba qui a sur sa conscience plusieurs victimes innocentes ne pourra pas se dédouaner en facilitant juste la  désertion des rebelles membres de l’UPC. Libéré ce bourreau du peuple centrafricain propulsé ministre de la République est un mauvais signe que les autorités donnent au peuple centrafricain qui attend la justice pour réparer les cœurs brisés et amorcer une véritable réconciliation nationale, gage du développement du pays.

 Quel avenir pour la CPS ?

La CPS est aujourd’hui devant un fait accompli. Elle est fragilisée. L’espoir en cette juridiction vole à l’éclat. Ceci renforce les thèses selon lesquelles, la crise centrafricaine est entretenue du haut en bas et la justice n’épargnera personne, même ceux qui tiennent le pouvoir.

La peur de la justice pousse aujourd’hui plusieurs personnes à éviter à tout prix que la machine judiciaire redémarre normalement. Aussi, des mains invisibles qui soutiennent les forces négatives font tout pour ralentir cette justice afin d’éviter la manifestation de la vérité.

Finalement, la CPS, dont sa machine reste très lourde a encore du chemin pour se positionner.

Par cet acte, la justice centrafricaine est à rude épreuve et seul le président Touadera, garant de la constitution, premier magistrat centrafricain pourra peser de son poids pour que Hassan Bouba soit jugé conformément aux faits qui lui sont reprochés afin de sonner la cloche de la lutte contre l’impunité. Sans cela, l’impunité zéro ne sera qu’un vain mot.

Fridolin Ngoulou