Plusieurs semaines après l’annonce de la volonté du gouvernement à aller vers une nouvelle constitution, en tenant compte de la demande de la population à travers les manifestations et meeting, d’une part et les actions menées par l’opposition contre ce projet d’autre part, l’église catholique à travers la Conférence Episcopale pourra sortir de son silence très prochainement. C’est ce qu’a annoncé au début de la semaine, le cardinal Dieudonné Nzapainga.
Le message du Cardinal Dieudonné Nzapainga : « Si j’ai un message particulier c’est d’inviter à préserver la paix à tout prix. Quand on n’a pas connu la guerre, on ne mesure pas l’importance de préserver la paix. Mais quand on a connu la guerre, et qu’on a dormi sous les herbes, qu’on a bu l’eau sale et qu’on n’avait plus rien à manger, qu’on ne pouvait plus aller à l’école, se faire soigner et qu’on mourrait comme des bêtes, cela doit froisser le cœur en disant, il est temps de préserver la paix.
Nous, en tant que leaders religieux, les évêques, il y a une concertation en cour et bientôt, le privilège sera donné au président de la Conférence épiscopale de donner la communication et tout le monde saura la position de l’église catholique par rapport au sujet de la modification ou non de la Constitution. Nous observons, nous analysons et nous écoutons.
Nous aurons aussi à nous prononcer car nous faisons partie de cette population. Nous voulons simplement dire aux uns et aux autres que cela ne sert à rien d’attiser la haine, rien ne sert aussi de faire monter la pression, rien ne sert de se diviser. A la fin, nous sommes des centrafricains. Nous devons continuer à garder ce que le Père Fondateur Barthelemy Boganda nous a laissé. « Tout être humain est un être humain » (ZO KWE ZO) et je dois l’accepter, pas seulement penser au pouvoir que j’ai ou que je vais conquérir mais je dois penser à la population.
Nous avions vu des gens embarquer dans les avions, partir à l’étranger, d’autres se sont réfugiés dans les ambassades, mais les pauvres étaient restés ici pour porter les blessés, pour enterrer les cadavres. Je ne veux plus de ça. C’est pourquoi, je lance cet appel à l’apaisement, à la retenue pour construire un nouveau pays, la République Centrafricaine ».
Que nous inspirent déjà ces mots forts ?
En quelques lignes déjà, le Cardinal Dieudonné Nzapalainga a passé l’essentiel du message attendu des religieux : Nous devons préserver la paix, chèrement acquis après une longue crise qui a ébranlé le tissu social du pays. Que le projet de la Constitution passe ou ne passe pas, cela doit se faire dans la paix, la cohésion nationale et le pays doit à tout prix, selon les propos du Cardinal, préserver la paix.
Préserver la paix semble être un acte difficile mais fort si l’on aime bien ce pays. Un camp doit se laisser humilier, sans attiser à la haine, aux inciter violences, sans créer une nouvelle crise, au nom de la paix qui doit être préservée.
Mais qui acceptera de perdre ?
L’opposition prévient déjà qu’on « ramassera ce pays en lambeau » si le pouvoir s’entête à faire passer la loi constitutionnelle. C’est une position déjà de vas-t-en guerre que les avertis cherchent à éviter. Le pouvoir en place ne se laissera pas faire car des milliers de personnes qui réclament aujourd’hui une nouvelle constitution pourront se retourner contre lui. Et aussi, ces milliers de personnes ne pourront non plus laisser en sécurité les membres de l’opposition, à moins que les gens partent comme d’habitude en exil. Le juste milieu est même difficile. Donc, voilà le sens de la déclaration d’annonce du Cardinal qui vise déjà à préparer les esprits des uns et des autres à faire prévaloir la paix.
La vérité dans ce combat politique est que chacun soutient son intérêt au détriment du peuple. En cas de désordre encore dans ce pays, comme l’a rappelé le Cardinal, les gens, qu’ils soient du pouvoir et de l’opposition pourront s’envoler pour laisser les pauvres mourir une fois de plus.
Voilà aussi pourquoi il est important que ce combat se mène sur le terrain purement démocratique. Chacun doit battre campagne en faveur de sa position, et le peuple qui veut préserver la paix se prononcera par la voie des urnes, dans l’apaisement afin de sauver le peu qui reste encore de ce pays.
Le Cardinal Dieudonné Nzapalainga et ses frères leaders de la plate-forme des confessions religieuses étaient en première ligne auprès de la population, lors des atrocités des rebelles de la Séléka durant les 9 mois au pouvoir en 2013 et lors de la transition de Catherine Samba Panza de 2014 à 2015. Cette expérience malheureuse ne doit plus se reproduire.
Après 5 coups d’Etat depuis l’indépendance en 1960, nous sommes à la sixième République pour huit (8) constitution. Depuis plus de 25 ans, le pays ne connaît plus la paix. La population est constituée en majorité de moins de 18 ans. Cela signifie que plus de la moitié de la population n’a jamais connu la paix. Il existe des facteurs exogènes qui ont contribué à favoriser cela. Cependant, lorsqu’on examine les causes profondes, elles sont essentiellement endogènes. Notre propre responsabilité ne peut être dégagée.
En attendant, la Cour Constitutionnelle doit se prononcer sur la requête de l’opposition, visant le décret qui a créé le comité de rédaction d’une Nouvelle Constitution.
Fridolin Ngoulou
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