Jordan est un jeune garçon qui va bientôt avoir 18 ans. Il habite le village Nzila dans la Commune de Bimbo 1. Jordan ne fréquente plus l’école depuis le début de l’année 2023 parce qu’il n’a pas d’acte de naissance lui permettant de se présenter aux examens sanctionnant la fin du cycle du fondamental 1. Oubangui Médias s’est intéressé à son cas.

Né le 8 juillet 2005 à Bangui, dans le 2e arrondissement, Jordan est un jeune très éveillé et brillant. Mais il est déçu en apprenant qu’il n’a pas d’acte de naissance au moment où il doit constituer/faire ses dossiers pour le concours d’entrée en classe de 6e et le premier diplôme, le Certificat d’Etude Fondamentale 1 (CF1). Il est donc contraint d’arrêter les études en classe de CM2.

Jordan et sa cadette Déborah, elle qui va avoir 15 ans en septembre prochain sont des orphelins de mère depuis presque 15 ans. Leur papa ne s’est pas remarié et a préféré que son père héberge ses deux enfants. Actuellement chez son grand père, Jordan vadrouille dans les quartiers de la ville, joue souvent au football amateur ou travaille dans une briqueterie (fabrique de briques). Jadis, il n’avait pas d’autres occupations en dehors de l’école qu’il a abandonnée.

Alors que l’acte de naissance est un premier document de reconnaissance du citoyen, ceci n’est pas le cas pour Jordan qui regrette : «Je suis en classe de CM2 à l’école Nzila. A l’approche des examens, nous devrions déposer le dossier. L’acte de naissance est obligatoire. J’ai demandé à mon père, je n’ai pas de réponse. J’ai demandé à mon grand-père chez qui j’habite, il n’en a pas. Finalement, les dossiers ont été clôturés sans ma candidature. C’est ainsi que mon parcours scolaire a été arrêté », a témoigné Jordan avec la mine triste.

Le grand-père de Jordan, un gardien de nuit ne sait quoi dire en notre présence. « J’ai demandé à son papa mais je n’ai pas reçu de réponse. J’ai compris qu’il n’avait pas fait l’acte de naissance de son enfant. Moi aussi, je ne sais quoi faire actuellement qu’il est grand et tend vers l’âge majeure », a lâché le grand-père avant de reconnaitre que : « L’acte de naissance est le document premier d’un citoyen. Donc, Jordan n’est pas encore un citoyen ? C’est regrettable ».

Le père de Jordan qui habite à une dizaine de kilomètre de Nzila, notamment dans le 2e arrondissement de Bangui tient un kiosque borne fontaine appartenant à un particulier au quartier Sapeke (Langbachi). Il n’a pu voulu nous recevoir. Nous avons compris qu’il n’a pas d’argument pour justifier ce manquement et cette violation du droit fondamental d’un enfant. Mais, il a expliqué à l’un des membres de sa famille qu’il n’avait pas de moyen pour payer les frais de délivrance de l’acte de naissance à la Mairie et qu’il ne voulait pas « faire le faux document dans le quartier ». Et après, il aurait « complétement oublié ».

Pour Jordan, s’il a un acte de naissance, il sera prêt à reprendre le chemin de l’école, car, il veut devenir un grand opérateur économique du pays. « Je voudrais être un grand commerçant mais il faut que je sache lire, écrire et faire la comptabilité. C’est mon ambition première car je peux changer », a-t-il relevé à l’Oubangui Médias.

Comment faire dans ce cas ?

Non enregistré à la naissance, un enfant court le risque d’être exclu de la société. Ainsi l’article 7 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant énonce-t-il que : « L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom et à une nationalité, et le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Les Etats veilleront à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l’enfant se trouverait apatride.». L’article 101 du Code la Famille Centrafricain stipule que : « l’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l’état-civil ».

 « Lorsqu’une naissance n’a pas été déclarée dans le délai légal, l’Officier de l’état civil ne peut le relater dans un registre qu’en vertu d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande instance du ressort dans lequel est né l’enfant. Mention sommaire est faite en marge à la date de la naissance… » Art 134 du Code de la famille. C’est ainsi que l’acte de naissance est rédigé immédiatement et signé du déclarant et de l’Officier d’état civil. De nos jours, le délai de déclaration de naissance est passé de 30 jours à 180 jours, l’enregistrement et la délivrance de l’acte de naissance dans le délai prescrit par la loi sont gratuites. selon l’article 18 extrait de la loi N° 20-014 du 27 juillet 2020 portant code de Protection de l’Enfant en RCA : «Tout enfant a le droit d’être enregistré à l’état civil dans les 180 jours qui suivent sa naissance. La déclaration et l’obtention de l’acte de naissance sont gratuites sur l’ensemble du territoire et dans les représentations diplomatiques et consulaires de la RCA.» 

Le Code de la Famille définit les déclarants en son article 137 : « les déclarations de naissance sont faites par le père, la mère, l’un des ascendants ou des plus proches parents ou toute autre personne ayant assisté à la naissance, ou lorsque la mère est accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle est accouchée. En ce qui concerne les accouchement auxquels ont assisté les médecins et sages-femmes, ceux-ci doivent dans le délai fixé à l’article 134 faire parvenir à l’Officier de l’État-Civil du lieu de l’accouchement, une attestation comportant les renseignements prévus à l’article précédent.»

Le manque de moyen et surtout l’ignorance pousse de nombreux parents à ne pas déclarer la naissance de leurs enfants ni de rattraper avec un jugement supplétif d’acte de naissance pour enfin constituer ce document important dans la vie. La sensibilisation à tous les niveaux semble être le moyen approprié pour inciter ceux qui n’ont pas d’acte de naissance ou qui l’auraient perdu de chercher à disposer à nouveau ce document.

Fridolin Ngoulou