De l’hôpital Amitié en passant par le Centre Hospitalier Universitaire Communautaire et l’Hôpital Maman Domitien à Bimbo, le constat est presque identique. Les médecins spécialistes viennent deux ou trois fois dans la semaine et limitent le nombre des malades qu’ils doivent consulter à 15 ou 20 au maximum. Cette situation serait à l’origine du taux élevés de la mortalité infantile et des femmes enceintes. Oubangui Médias a enquêté sur ce sujet.

 En dépit du manque cruel des produits pharmaceutiques dans des hôpitaux en RCA, le pays fait face à un énorme problème des médecins spécialistes. Ces spécialistes sont comptés sur les bouts de doigt et doivent se multiplier pour couvrir les besoins croissant dans le pays. 

Selon notre constat de l’Oubangui Médias, à l’hôpital Communautaire tout comme à Domitien à Bimbo l’on note quelques gynécologues qui consultent deux fois par semaine. Un comportement décrié par certaines femmes enceintes que nous avons rencontrées dans ces hôpitaux de la capitale.

Ce lundi 22 janvier 2024, nous avons constaté une longue queue des femmes devant le bureau de l’un des gynécologues de l’hôpital Communautaire, et malgré tout, le nombre de celles qu’il doit consulter est limité à 20 patientes.

L’une d’entre elle qui est venue en retard n’a pas eu la chance d’être figurée parmi celles qui doivent-être consultées. Elle n’a pas caché son indignation contre ce qu’elle qualifie du mépris envers les femmes enceintes : « J’habite Pk 14 sur la route de Damara. Avec les tracasseries routières, lorsque j’étais arrivée il y avait déjà du monde et je ne pouvais supporter. Alors cette consultation est très capitale pour nous les femmes enceintes puisque nous devons connaitre l’évolution de l’enfant et de savoir si l’enfant  s’est bien positionné. Mais là, on me dit que le nombre est limité et que je dois revenir dans deux jours », témoigne avec regret cette jeune femme enceinte sous couvert de l’anonymat.

Selon nos informations, certains médecins préfèrent envoyer certaines malades dans leurs cliniques. Interrogé, le Directeur de l’hôpital Communautaire Abel Hassay n’a pas souhaité se prononcer sur cette affaire sous prétexte qu’il  est occupé.

Dans une clinique privée où Oubangui Médias s’est rendu, là encore, le médecin spécialiste consulte deux fois dans la semaine : Le mardi et le jeudi. Un patient témoigne : « J’étais passé voire le médecin à l’Hôpital, il avait limité le nombre et m’a renvoyer dans sa clinique. Mais une fois ici, c’est le même constat. Il consulte deux fois par semaine. Pour l’avoir, il faut prendre le numéro à la veille. Depuis 10heures du matin je suis là. Je ne suis pas encore reçu à 15h »

Une présence de plus en plus dans l’enseignement supérieur

Au ministère de la santé et de la population, on regrette ces faits qui paralysent le bon fonctionnement du système sanitaire en RCA. Une source bien introduite a indiqué que cette absence récurrente se justifie par le fait que ces spécialistes interviennent aussi à l’Université de Bangui. Et toujours selon la source, cette situation va être réduite dans les jours à venir puisque le gouvernement s’attelle pour y remédier.

« Presque tous les Professeurs en santé, ces spécialistes ont été réservés dans l’enseignement supérieur et ceci est un handicap pour le secteur de la santé. Ils sont de moins en moins actifs dans les hôpitaux et les cliniques privés mais de plus en plus dans l’enseignement supérieur. Semble-t-il que là que ça paie mieux. Le ministère de la santé a plusieurs fois remonté ce problème mais pas encore de changement », a confié à l’Oubangui Médias cette source.

En effet, ces médecins spécialistes passent maintenant plus de temps dans l’enseignement que les soins de santé.

L’apport des partenaires humanitaires

Depuis le début de la crise dans le pays, les humanitaires recrutent des médecins spécialités d’une part et font venir des médecins expatriés pour soulager la souffrance de la population. De plus en plus, les hôpitaux de province sont dotés des spécialités et matériels adéquats pour prendre en charge des patients.

Il aussi important de souligner que malgré l’élaboration d’un plan stratégique de réponse humanitaire par le gouvernement et les acteurs humanitaires en RCA, l’accès aux soins de qualité demeure un défi. Ce plan a été financé à 82% par des partenaires de la RCA à hauteur de 465 millions de dollars américain en 2023 afin de faire face aux besoins de la population dans les différents secteurs.

Face à ce défi, ces partenaires humanitaires ont apporté une assistance non négligeable dans le domaine de la santé.

Dans le rapport détaillé de ce plan de réponse humanitaire, les partenaires du Cluster Santé, ont indiqué que plus 865 178 personnes au cours de l’année 2023, parmi lesquelles 216 293 femmes en âge de reproduction dont 42 074 femmes enceintes, 149 676 enfants de moins de 5 ans (dont 76 335 filles 73 341 garçons) et 33 093 femmes enceintes et femmes allaitantes ont été appuyés. Ces personnes ciblées ont bénéficié de soins curatifs, préventifs et promotionnels tandis que 216 293 personnes sont ciblées dans le cadre de soins de santé sexuelle et reproductive. Pour les soins préventifs, 134 033 enfants de 6 à 59 mois (68 357 filles et 65 676 garçons) sont ciblés par les activités de vaccination d’urgence contre la rougeole.

L’objet de cet appui est d’offrir des soins de qualité gratuitement à la population centrafricaine et surtout des personnes vulnérables, aussi promouvoir la pratiques familiales essentiels avec la formation des relais et compris la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et enfin combler les lacunes en santé mentale dans le pays ou la moitié de la population centrafricaine a besoin d’une assistance humanitaire dont la précarité du système sanitaire du pays selon un rapport de OCHA en 2023.

A noter aussi que l’Université de Bangui notamment la Faculté des Sciences et de la santé forme depuis plusieurs années des médecins généralistes. Il important que le gouvernement puisse octroyer des bourses étrangères aux médecins afin de faire la spécialité et revenir porter mains forte au pays.

La RCA dispose d’un Plan national de développement sanitaire troisième génération (PNDS III) 2023-2026. Ce plan a été lancé le 9 juin 2023 par le chef de l’Etat à l’occasion de la cérémonie d’inauguration du nouveau bâtiment qui abrite désormais le ministère de la Santé. Dans ce plan, il est prévu la formation des spécialistes en santé et le renforcement des structures sanitaires des moyens conséquents.

Mais, le gouvernement doit mobiliser près de trois milliards de dollar américain pour financer ses ambitions.

Mais avant la mise en œuvre de ce plan qui nécessite d’énormes financement, le gouvernement doit rappeler à l’ordre ces médecins qui ont prêté serment de sauver des vies humaines en apportant des soins adéquats à la population en besoin. La maladie n’attend pas l’agenda d’un médecin pour évoluer.                                     

 Christian-Stève SINGA 

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