Presque tous les bailleurs ont suspendu leur aide budgétaire à la République Centrafricaine (RCA) depuis 2020. Les coins de voile se lève sur les réelles motivations.
De la France en passant par l’Union Européenne, le FMI, la Banque Mondiale… ces partenaires ont suspendu leur aide directe à la RCA depuis 2020, quelques mois avant les élections qui se sont déroulées sous tension à cause des offensives lancées par les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) de François Bozizé, réunissant au moins sept groupes armés signataires de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation Nationale (APPR).
Si au départ la France évoquait comme raison la campagne organisée de désinformation contre son ambassade à Bangui et le harcèlement de ses ressortissants, l’Union Européenne et les autres partenaires n’ont pas officiellement présenté les en-dessous de la suspension de l’aide budgétaire, qui représente au moins 31% du budget de l’Etat, selon la Banque mondiale.
De la transparence budgétaire, nous glissons véritablement vers là où se pose de problème : Avoir l’œil sur le budget alloué et géré pour cause de la défense et de la sécurité.
Ce qui se cache derrière les positions des bailleurs est la présente russe. Instructeurs, alliés, mercenaires, paramilitaires, Wagner, chacun sait les présenter à sa manière. Sauf que la communauté internationale lie les russes en RCA à un groupe privé et ne peuvent pas donner de l’argent au pays pour payer le travail fait par ce groupe privé. C’est véritablement les motivations qui ont poussé les partenaires à suspendre leur aide budgétaire. Chacun reste diplomatique dans ses interventions. Mais après avoir échangé avec plusieurs diplomates, il est clair que la question des russes est au centre de ce blocage.
Présence russe, que dit le gouvernement ?
Depuis le déploiement sur autorisation du conseil de sécurité des Nations-Unies d’instructeurs russes aux côtés de Forces Armées Centrafricaines (FACA), le gouvernement tient à un accord de défense signé avec la Fédération de Russie. Quand les rebelles de la CPC ont attaqué Bangui, le gouvernement soutient que le Président de la République avait lancé un appel à l’aide pour des interventions militaires au côté des FACA afin de faire face à des menaces. Mais, seul le Rwanda et la Russie ont répondu afin de renforcer leurs présences pour protecteur la population et les institutions. Le Rwanda déploie les forces spéciales et la Russie renforce la présence des instructeurs ainsi que la logistique. En fin de compte, les rebelles ont été repoussés.
Lors d’une conférence de presse samedi 7 mai 2022 à Bangui, le ministre de la défense nationale Claude Rameau Bireau avait mis quiconque en défi de sortir un accord signé avec un Wagner. Pour lui, l’accord de défense a été signé avec Russie qui au retour a installé une cellule de défense pour coordonner les actions des instructeurs aux côtés des FACA.
Mais sur le terrain, ce qui est embarrassant est que certains centrafricains mènent des campagnes avec des tee-shirts et insignes où on peut lire Wagner. Est-ce ironique quand bien même que certains porteurs de tenu s’affichent avec les insignes Wagner ? Difficile de comprendre.
Alors, c’est qui est certain et reconnu par des Centrafricains puis rapporté par des membres du gouvernement à chaque rencontre avec la presse, est que la Russie a aidé le pays aujourd’hui à frapper les capacités de nuisance des rebelles et à reconquérir tout le territoire. Elle sera encore là pour assister à la montée en puissance des FACA.
Un choix difficile pour le Président Touadera:
Le Président de la République, Chef de l’Etat Faustin Archange Touadera est aujourd’hui devant un dilemme. Céder à la pression des partenaires en ce qui concerne la présence russe pour bénéficier de leurs appuis budgétaires ou maintenir sa position, la présence russe et se priver des ressources supplémentaires pour son budget. Le Président Touadera doit faire un arbitrage et un choix difficile ou bien, il doit trouver un juste millier.
Selon le ministre des Finances et du Budget Hervé Ndoba, l’appui budgétaire représente dans le budget de 2022 au total 69 milliards de FCFA. Comment l’Etat pourra faire pour combler ce gap ? C’est là où interviennent la mobilisation des ressources domestiques, la réduction des dépenses fallacieuses, la lutte contre le détournement de denier public ainsi que la corruption. Toutefois, le ministre des Finances salue le financement des projets par les partenaires techniques et financiers. Sur ce point, aucun problème ne se pose car l’exécution des projets se fait en coordination avec les bailleurs. Le gouvernement continue de bénéficier des appuis dans le cadre des projets de développement.
Nous savons que ce qui met le gouvernement en difficulté est la question des russes qui seraient payés sur le budget de l’Etat ou en échange des ressources minières. Les partenaires trouvent que argent ne doit pas servir à payer les « mercenaires », d’où cette position qu’ils ne veulent dire haut pour la compréhension de tous, surtout des Centrafricains lambda.
Alors, quelle est la position du peuple dans tout ce combat géopolitique ?
Il est clair que si le peuple est consulté, les tendances pourront changer. Mais bien avant cela, quelques faits attirent notre attention. L’Assemblée Nationale avait adressé une lettre de satisfecit au représentent des instructeurs russes pour le travail fait afin d’instaurer la sécurité et récupérer le territoire occupé depuis 2012 par les rebelles. Aussi, le Dialogue Républicain qui a parlé de tout et de rien, bien que quelques participants avaient demandé que le gouvernement surveille les actions des instructeurs afin d’éviter les violations des droits de l’Homme, d’autres ont plaidé pour le renforcement de la collaboration avec la Russie dans le domaine socioéconomique. Mais, aucune recommandation n’a été faite sur la présence des forces russes.
Par ailleurs, l’unique recommandation qui va avec les actions militaires et de « reconquérir et sécuriser la RCA par des solutions militaires ». Une recommandation pour inviter toutes les forces loyalistes à utiliser la force pour mettre fin au phénomène des groupes armés et rebellions dans le pays.
C’est là où le peuple doit abriter en étant responsable de son destin. La grande majorité du peuple centrafricain, qui reste silencieuse en dehors des débats politiques et géopolitiques semble avoir sa propre préoccupation. L’une de ses préoccupations est de mettre hors état de nuire les groupes armés qui écument le pays depuis 2012 et que l’Armée retrouve sa capacité pour assurer la défense et la protection du territoire, afin de favoriser la libre circulation des biens, des personnes. Une préoccupation partagée par l’ensemble des partenaires de la RCA mais la faisabilité et avec quel partenaire divise aujourd’hui la communauté internationale en Centrafrique.
Fridolin Ngoulou
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