CONFÉRENCE DE PRESSE AFFAIRE DES EXCUSIONS DU SYNAES

Par Docteur Arnaud YALIKI

INTRODUCTION

 Mes chers compatriotes, 

 Vous avez été pris à témoin d’une soi-disant décision du Bureau Exécutif du Syndicat Autonome des Enseignants du Supérieur, le SYNAES, en date du 12 janvier 2022, signée par son Secrétaire Exécutif, et qui prononce mon exclusion ainsi que celui du collègue Jules Yanganda du Syndicat, prétendument au motif, je cite, « d’activités à caractère subversif tendant à saborder les efforts du Gouvernement » et « d’actes de nature à discréditer le mouvement ».

 Comme vous le savez, cette décision s’inscrit dans le cadre du récent mouvement social des Enseignants-chercheurs, et fait suite aux négociations entreprises par le syndicat avec le Gouvernement, selon une méthode et des modalités pour le moins discutables. 

 Je tiens avant toute chose à rappeler ici que le citoyen centrafricain et l’enseignant-chercheur de l’Université de Bangui que je suis, s’honore de respecter la loi de la République et les règlements de l’Université. 

 De la même manière, membre du SYNAES, je me fais un point d’honneur de me plier à toute décision qui est conforme à nos Statuts et à notre Règlement intérieur.

 Mais, encore faudrait-il, j’y insiste, que la décision en question réponde à cette condition, c’est-à-dire qu’elle soit conforme aux textes qui régissent notre collectif syndical. 

 Or tel n’est manifestement pas le cas ici. La soi-disant décision du 12 janvier est un tissu de violations caractérisées de nos textes de base. Plus encore, les violations en question sont des violations graves et même grossières. 

Ces violations caractérisées, graves et grossières se situent à 3 niveaux : au niveau de la procédure (I), au niveau des motifs de poursuite disciplinaire (II) et, enfin, au niveau de la sanction elle-même (III).

SUR LA PROCÉDURE

 Nous sommes ici en matière disciplinaire. 

Or, il faut savoir, premièrement, qu’en cette matière les textes doivent être appliqués strictement. Cela veut dire que l’instance disciplinaire doit suivre scrupuleusement ce qui est prévu par les textes. Si cette instance s’en écarte, ne serait-ce qu’un petit peu, elle entache sa décision d’illégalité. 

 Dans le cas d’espèce, le texte de référence est le Règlement intérieur du SYNAES, et le chapitre pertinent est le chapitre V, intitulé « De la discipline et des sanctions », qui comprend les articles 26 à 30. Les instances disciplinaires, quant à elles, sont, aux termes de l’article 29 du Règlement intérieur, le Secrétariat Exécutif en première instance et le Congrès en dernière instance.

Il faut savoir aussi que la procédure disciplinaire est accusatoire, en ce sens qu’elle consiste à porter une accusation contre une personne, comme cela se fait en matière pénale. La norme est alors que toute personne accusée dispose des droits de la défense, et doit par conséquent se voir donner la possibilité de contester les accusations portées contre elle.

 C’est précisément ce que prévoit expressément le Règlement intérieur du SYNAES en son article 29, en ces termes : « Les auteurs des faits et manquements énumérés dans les Statuts et Règlement intérieur sont tenus, avant toutes sanctions, de s’expliquer sur les faits reprochés, soit par écrit suite à un questionnaire, soit publiquement devant le Secrétariat Exécutif ».

Le fait est qu’aucune des prescriptions de cet article n’a été suivie en l’espèce :

Le Secrétariat Exécutif ne m’a adressé aucun questionnaire ;

Le Secrétariat Exécutif ne m’a à aucun moment convoqué pour audition ;

A fortiori, le Secrétariat Exécutif n’a pas organisé l’audition publique exigée par le Règlement intérieur (sinon vous auriez été les premiers informés).

 Il y a ainsi, chacun en conviendra, une violation flagrante des droits de la défense, élément essentiel de la procédure disciplinaire, et donc violation de l’article 29 du Règlement intérieur.

 Mais ce n’est pas tout.

 Il n’y a pas seulement, dans cette affaire, le fait que l’instance compétente, à savoir le Secrétariat Exécutif, n’a pas assumé le rôle qui lui incombait selon le Règlement intérieur. Il y a aussi qu’une instance non prévue par les Statuts et le Règlement intérieur, et étrangère au SYNAES, s’est arrogé le pouvoir de me convoquer et de m’auditionner.

Le 11 janvier 2022, j’ai ainsi été convoqué par la Vice Rectrice qui assure l’intérim du Recteur, et ai été sommé de m’expliquer devant un groupe composé de tous les membres du SYNAES (excepté le conseiller juridique), Dr. Jean Kokidé, Pr. Augustin Kongatoua et Bertrand Kenguetona, respectivement secrétaire général de l’Université de Bangui, doyen de la Faculté de Droit et directeur des affaires académiques et de la coopération. Ce que j’ai fait.

Je passe les remarques désobligeantes (menaces, insultes et violences verbales y compris) qui m’ont été faites à cette occasion, qui n’avaient rien à voir avec l’action syndicale ou avec la vie du syndicat. Il suffit ici de noter que cet organe (le staff rectoral) qui m’a entendu est radicalement incompétent parce que non prévu par le Règlement intérieur, et que, de surcroît, cet organe ad hoc manifeste d’une grave immixtion politico-administrative dans les affaires syndicales. 

Il n’y a alors pas seulement illégalité. Il y a aussi faute grave des autorités du syndicat qui ont pu orchestrer ou approuver pareille immixtion.

SUR LES MOTIFS DE POURSUITE DISCIPLINAIRE

 En matière disciplinaire, des poursuites ne peuvent être engagées que pour les motifs énumérés dans le texte de référence. Sur ce point, le Règlement intérieur du SYNAES est très clair et précis. Il distingue entre les infractions du 1er degré, constitutifs de haute trahison, et les infractions du 2e degré, étant précisé que seules les infractions du 1er degré sont sanctionnées par l’exclusion. Ces infractions sont exclusivement les suivantes, aux termes de l’article 27 du Règlement intérieur :

Campagnes d’obédience politique au sein du SYNAES

Sollicitations, mendicités, escroqueries au nom du Syndicat ;

Détournement de biens matériels et financiers du Syndicat ;

Utilisation des logos ou du nom du Syndicat à des fins personnels.

 Dans la mesure où la décision prise par le Bureau Exécutif est l’exclusion, force est d’en déduire que les agissements reprochés relèvent du groupe des infractions du 1er degré. 

 Or que constate-t-on ?

Primo, que le 1er motif invoqué, à savoir « activités à caractère subversif tendant à saborder les efforts du Gouvernement » ne figure pas du tout parmi les motifs prévus par l’article 27 du Règlement intérieur ;

Deuxio, que le 2e motif invoqué, à savoir « actes de nature à discréditer le mouvement », est non seulement étranger à l’article 27, mais fait partie des motifs prévus, comme il est spécifié dans la décision elle-même, par l’article 30 en tant qu’infractions de 2e degré ;

Tertio, que la décision du 12 janvier ne caractérise nullement les infractions en question. Autrement dit, elle ne précise pas en quoi il y aurait eu en l’espèce « activités à caractère subversif tendant à saborder les efforts du Gouvernement », et en quoi consisteraient concrètement les « actes de nature à discréditer le mouvement » !

 Il suit de ce qui précède que les motifs invoqués sont inopérants, et ne sont, en tout état de cause, pas de nature à justifier la sanction prononcée, c’est-à-dire l’exclusion.

SUR LA SANCTION PRONONCÉE

 La sanction prononcée est l’exclusion du syndicat.  Ainsi qu’il a été relevé plus haut, cette sanction est réservée aux infractions du 1er degré, limitativement énumérés par l’article 27 du Règlement intérieur. 

Est, dès lors, forcément illégale la sanction d’exclusion qui est prise pour réprimer des agissements qui ne sont pas érigés en infraction par le Règlement intérieur (cas des « activités à caractère subversif tendant à saborder les efforts du Gouvernement »).

 De la même manière, est illégale une sanction qui, dans le Règlement intérieur, est sans rapport avec l’infraction invoquée. C’est précisément le cas des prétendus « actes de nature à discréditer le mouvement », qui constituent des infractions du 2e degré selon l’article 30 du Règlement intérieur. En effet, il résulte de l’article 28 du Règlement intérieur que les infractions du 2e degré ne peuvent donner lieu qu’à l’une des sanctions suivantes : avertissement par écrit, blâme simple, mise à pied de 8 jours, suspension temporaire de 3 mois à 1 an. Autrement dit, une infraction du 2e degré ne saurait en aucune manière être sanctionnée par l’exclusion.

 À cela s’ajoute le fait qu’une sanction, quelle qu’elle soit, prononcée en violation des droits de la défense est de toutes les manières illégale. 

CONCLUSION

 Comme vous pouvez, chers compatriotes, le constater, la décision du Bureau Exécutif du SYNAES en date du 12 janvier 2022 n’est qu’un tissu de violation des textes fondamentaux de notre syndicat. Elles le sont au point que cette décision ne peut qu’être objectivement considérée comme frappée d’inexistence juridique.

La conséquence est que cette décision est nulle et non avenue en elle-même, et donc de nul effet. Comprenez par-là que quoique le Bureau Exécutif ait cru pouvoir décider dans ces conditions, je reste et demeure, nous restons et demeurons, membre (s) à part entière du SYNAES. Ceci étant, je me réserve le droit de procéder à l’une ou l’autre des actions suivantes, ou même aux deux à la fois : 

Saisir, conformément à l’article 29 du Règlement intérieur, le Congrès du SYNAES, non seulement pour que soit examiné le cas de la sanction prononcée contre moi, mais aussi pour qu’il soit statué par l’organe souverain de notre syndicat sur les agissements du Bureau qui ont compromis la neutralité et l’indépendance du SYNAES ;

Saisir le juge compétent pour qu’il soit constaté, je dis bien « constaté », l’inexistence juridique de la décision du 12 janvier. 

Quoiqu’il en soit, je demeure la tête haute, et fier de défendre les intérêts matériels et moraux de notre collectif syndical, plutôt que les intérêts de telle ou telle personne, ou encore les intérêts politique de tel ou tel parti ou gouvernement.

Fait à Bangui le 18 janvier  2022