Une vive tension ne cesse de monter dans la localité de Landja et Kodjo à Bimbo 5. Le Collectif des occupants traditionnels et populations autochtones de la cité Landja, a saisi l’assemblée nationale pour solliciter une intervention d’urgence. Cette affaire « d’expropriation » risque de tourner à une crise sociale dans la localité.

Il s’agit de contentieux qui oppose les occupants traditionnels et populations autochtones au ministère de l’urbanisme et les services des cadastres. Cette affaire remonte au 2018. Selon le mémorandum dont Oubangui Médias a obtenu copie, en 2018, les sieurs Alexandre Pamphile Maleyombo, Directeur de Cabinet au ministère de l’Urbanisme et Jean Claude Nibayom, ex-directeur général de l’Urbanisme auraient mis en place deux sociétés à savoir Laico-Environnement et Toposed, crées dans le cadre d’un projet « fictif » d’aménagement et de viabilisation du site de Ouango Fleuve.

« C’est alors qu’il ont commencé à recenser les propriétaires des terrains et des champs de manioc dans la circonscription de Bimbo 5 pour leur indemnisation. Curieusement le 10 janvier 2018, les sieurs Alexandre Pamphile Maleyombo et Jean Claude Nibayom sont descendus à Landja pour informer la population de la position du Ministère de les déposséder de leurs terres sans indemnisation », rappelle le Collectif dans le Mémorandum.

Selon le Collectif, des réunions ont été organisées avec les propriétaires pour les informer qu’avec l’accord du président de la République Faustin Archange Touadera, il sera question de « déplacer de force sans aucune indemnisation, les populations autochtones et occupants traditionnels de la cité Landja en les expulsant par tous les moyens de la région où elles se trouvaient légalement en vue d’exercer sur les populations l’ensemble des pouvoirs liés aux droits de propriété ».

Le Collectif a porté cette affaire en justice mais elle connait depuis plusieurs mois des rejets à cause de l’absence de l’autre partie.

De 2018, cette affaire surgi en 2021 quand des bulldozers, suivis par des éléments de la Garde Présidentielle ont commencé la casse de toutes les maisons. Le 18 juin dernier, sur les ondes de la Radio Centrafrique, la ministre de l’urbanisme Nicole Koue a fait une déclaration en ces termes : « Cette zone a été occupée depuis plusieurs années par des zaïrois qui ont occupé plus de 65 hectares de terrains. Le ministère est obligé de les chasser pour redonner ces terrains aux Centrafricains ».

Une déclaration qui a fait remonter la tension parmi les occupants. Sur le terrain, les anciens rappellent que les premiers occupants se sont installés à Landja en 1920.

L’affaire qui surgi a été gérée par les anciens ministres de l’urbanisme Franky Gaby Leffa et Gina Lawson Roosalem. Mais ces deux avaient respectivement jugé mieux de suspendre les opérations. La Mairie de Bimbo s’est désengagée de l’affaire, encore pendante devant les tribunaux.

En septembre 2021, plusieurs machines accompagnées par des éléments de la garde présidentielle ont poursuivi les destructions des maisons, cette fois-ci à la cité Kodjo proche de Landja. Selon le Collectif, les déclarations publiques de plusieurs personnalités citées dans cette affaire indiquent que « c’est le Chef de l’Etat, le président Faustin Archange Touadera qui leur a autorisé de déposséder les populations de Landja de leurs terres pour les vendre avec titre foncier à des personnalités qui ont des moyens en vue de permettre au gouvernement de faire face au non financement de l’appui budgétaire par la communauté internationale en occurrence la France, les Etats-Unis, l’Union Européenne et autres », peut-on lire dans le Mémorandum.

« Fort de tout ce développement, il ressort que le gouvernement par l’intermédiaire du Ministère de l’Urbanisme est en train de commettre un abus d’autorité dans une dynamique de préparation du génocide », écrit sèchement le Collectif au Président de l’Assemblée nationale.

Se référant à la Constitution de la République Centrafricaine du 30 mars 2016, le Collectif rappelle l’article 18 qui stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit à la propriété, nul ne peut être privé de sa propriété sauf pour cause d’utilité publique légalement constatée et sous la condition d’une juste et préalable indemnisation ».

Mais là, sur la gravité de l’affaire, le Collectif observe que « ces crimes revêtent un caractère grave et ont été commises d’une manière massive et systématique, contre des personnes et leurs biens, plongeant actuellement plus de 300 ménages sans abris et qui croupissent actuellement dans la famine, vivant sous des bâches ou dans les familles d’accueil.

Les recommandations du Collectif au président de l’Assemblée nationale

Le Collectif demande au président de l’Assemblée nationale d’ordonner au gouvernement la suspension de tous les travaux sur les sites de Landja et Kodjo ; de faire descendre sans tarder les députés de la Nation sur les sites de Landja, Kodjo, Mboko afin d’observer la gravité des dégâts ; de mettre en place une commission d’enquête parlementaire d’audit sur : Les projets de Ouango-Fleuve, les conditions de recrutement des sociétés Laico-Environnement et Toposed au ministère de l’urbanisme, les projets de construction des universités, des centres de santé et des écoles à Landja-Kodjo.

Ce Collectif demande aussi au président de l’Assemblée nationale d’inscrire dans l’ordre du jour de la session budgétaire 2021-2022 l’interpellation du ministre de l’urbanisme devant les députés de la Nation sur base des renseignements fournis.

« Dans le cas contraire, nous serons dans l’obligation de communiquer sans tarder avec le Secrétaire Général des Nations-Unies, lui demandant de saisir le président du Conseil de Sécurité à faire dépêcher des observateurs afin de constater l’étendue de la gravité des crimes en vue de prévenir une guerre civile pouvant être déclenchée par les populations autochtones et tribaux contre le gouvernement », a brandit le Collectif.

Une affaire très sérieuse sur le terrain

Oubangui Médias, après avoir pris connaissance de la copie de ce Mémorandum a dépêché une équipe sur place pour constater les faits. Sur le terrain, la tension est vive. Sur plus d’un kilomètre, les plans « d’aménagement » ont été affichés au milieu de plusieurs habitations.

Des voix tracées, des maisons détruites, des tombes profanées. Quelques-uns ont accepté de se livrer à Oubangui Médias sous l’effet de la colère. « Imaginez, les gens débarquent avec des bulldozers, cassent ta maison, cassent les fondations, cassent les tombes en ta présence et ils délimitent le terrain et remettent à une autre personne. Des gens paient à 700.000 FCFA en cache. Si l’Etat voulait prendre cet espace pour une utilité publique, nous devrions être informés et le gouvernement devrait trouver un site pour nous. Mais là, c’est la mafia au nom du président de la République », a lancé un propriétaire terrien à Kodjo, qui a vu la fondation de sa maison détruite, cette fondation qu’il aurait construit à hauteur de 4 millions de FCFA détruite.

Toujours pris par la colère, un autre père à Kodjo, qui a vu sa maison détruite témoigne : « Nous avons compris que les gens avaient payé des terrains entre les mains des responsables du ministère de l’urbanisme et de la cadastre et ils veulent nous exproprier nos terres pour les donner. Ca ne passera pas, c’est une injustice. Et, ce n’est pas donné à des sociétés privées de manipuler l’Etat et les informations auprès des hautes autorités. Ce qui nous reste, comme nous confère la loi, c’est de résister. Cette zone est occupée depuis plusieurs dizaine d’années et les gens ne viendront pas nous la prendre en force. Les députés doivent se prononcer en urgence».

Les habitants de la zone s’attendaient à une opération d’urbanisation. Hélas, leur espoir tourne au drame. « Le ministère nous avait informé qu’il procèdera à l’urbanisation de la zone. Nous avions salué. Ceux qui devraient subir des dommages ont été identifiés, filmés. Mais là, nous avions été trompés. C’est pour nous prendre nos terres et donner à ceux dont ils ont pris leur argent.  Il y’a des gens qui ont payé des terrains au ministère et qui ne sont jamais entrés en possession de ces terrains depuis presque quatre ans », nous a confié un autochtone.

Dans cette zone, personne n’est épargnée. Fils du Maire de Bangui, Commissaire de Police et fonctionnaires de l’Etat sont des victimes de ces opérations. « Il y’a un sérieux problème de communication. Ce réseau ne dit pas la vérité aux autorités du pays. Ces personnes ne nous donnent pas les raisons de nos déguerpissements sur nos propres terrains. Le président de la République doit trancher avant que cela ne soit tard. Il y a de l’espace vide ailleurs, comme le Projet Periville qui va construire 40.000 logements au-delà de Mboko. Mais pourquoi venir chasser les citoyens au profit des autres ? » s’est exprimé un fonctionnaire de l’Etat dans la zone.

Selon les informations Oubangui Médias, il est prévu une cérémonie, marquant le lancement officiel des « travaux d’aménagement » dans cette zone. Ce qui fait remonter la tension. Plusieurs personnes interrogées craignent une récupération, surtout dans ce contexte où les groupes armés menacent toujours la sécurité dans le pays.

Oubangui Médias insiste encore pour entrer en contact avec le ministère de l’Urbanisme, afin de recueillir leur version des faits.

(A suivre)

Fridolin Ngoulou