ADIEU, ALAIN GEORGES NGATOUA par Félix Yepassis-Zembrou
Une grande figure du journalisme centrafricain nous a quitté. En effet, Alain Georges Ngatoua est mort le 24 juillet 2021 à Bangui après une longue bataille contre la maladie, à l’âge de 70 ans.
il est né le 12 juin 1951 à Bangui de Pierre Ngatoua et de Joséphine Ndoh, tous deux ressortissants de Batangafo dans l’Ouham. La famille s’est installée pendant la période coloniale au quartier qui porte son nom, face au camp militaire de Kassaï dans le 7e Arrondissement. La proximité des lieux se justifie-t-elle par le fait que le patriarche Ngatoua était un vétéran de la seconde guerre mondiale ? Toujours est-il que le garçon Ngatoua a fréquenté l’école primaire de Saint-Paul et le cycle secondaire au Collège Émile Gentil devenu aujourd’hui le lycée Barthélémy Boganda. Très tôt il est entré dans la vie active en optant pour le journalisme. Il faisait partie de la vague des jeunes des années 70 qui ont mis le pied à l’étrier et donné à la profession ses lettres de noblesse, à une époque où le journalisme était un choix difficile en raison de la main mise que le chef de l’Etat, le général Jean-Bedel Bokassa exerçait sur les médias. Beaucoup ont jeté l’éponge (Basile Mabidi, Bruno Dede Enza, François Bendje, Placide Paccot, Florence Ediath, Lazare Yagao, Toussaint Congo-Doudou, etc). En réalité tous redoutaient de se retrouver à Ngaragba, cette tristement célèbre prison dont certains ont franchi les portes plus d’une fois et souvent à la limite de la mort, pour une simple erreur ou faute professionnelle. Mais l’amour du métier aidant les autres sont restés, bravant sans cesse l’arbitraire.
Nonobstant cette atmosphère délétère Alain Georges Ngatoua est admis à l’école supérieure internationale de journalisme de Yaoundé (ESIJY) ainsi que Georges Tchakpa Mbrede, Alphonse Soronhoul, Guy Tampon, Emmanuel Piama, Guillaume Becket, Toussaint Congo- Doudou. Ils constitueront la deuxième promotion de cette prestigieuse école des journalistes après Jean-Max Anezot, Raphaël Nambele, Hubert Marie Djamany et Cherubin Raphaël Magba Totama.
Plus tard, Alain Georges Ngatoua devint le correspondant à Bangui d’ Africa No 1 en même temps que ses collègues Tunde Fa Tunde de Lagos, Nadia Bamba (l’épouse de Laurent Gbagbao) et Jean-Louis Farah d’Abidjan, Yannick Laurent Bayala pour ne citer que ceux-là. Cette première radio panafricaine émettant depuis Moyabi au Gabon et Paris en France bénéficiait d’une forte audience (plus de vingt millions d’auditeurs) dans l’espace francophone grâce à ses émissions phares telles que « Triangle » de Patrick Nguema Ndong, Africa Songs de Robert Brazza, le journal des auditeurs d’Eugenie Diecky, Discothèque et 30 ans de musique africaine avec Gilles Salla, etc.
Son incommensurable talent a fait de lui, un journaliste sollicité de tous au point que le pouvoir en place a commencé à lui faire des yeux doux. Un jour lors d’un cocktail au palais de la Renaissance, le nouveau président démocratiquement élu, Ange Félix Patassé créa la surprise générale en l’invitant à trinquer avec lui. Peu à peu, le jeu de séduction gagna du terrain. Et Alain Georges Ngatoua céda au chant des sirènes. Il fut donc nommé directeur de la presse présidentielle. Du coup Africa No 1 se sépara, l’âme en peine, de l’un de ses meilleurs correspondants locaux, parce que contraire au statut de la radio qui se veut apolitique, c’est à dire non gouvernementale, neutre et indépendante. Qu’à cela ne tienne, Alain Georges Ngatoua restera dans le sérail du pouvoir et occupera successivement les fonctions de ministre conseiller en Communication à la présidence de la République sous le régime du tombeur de Patassé, à savoir François Bozize. En 2013 il conservera son poste à la présidence de la république sous Michel Djotodja qui venait de renverser Bozize.
Il faut dire que quelques années auparavant, il a été directeur de l’Information et directeur général de Radio Centrafrique, puis directeur de la télévision centrafricaine sans compter qu’il fut l’un des présentateurs vedettes du journal parlé et télévisé. Il avait un style qui séduisait. C’était un vrai régal de le voir à la télé développer les titres de l’actualité nationale et internationale (sans prompteur) et avec une telle aisance qu’on avait l’impression de vivre en direct l’événement sans bouger de chez soi.
Hormis le journalisme, Alain Georges Ngatoua était un passionné de la guitare. D’ailleurs à la tête de l’orchestre Melo-Media, composé exclusivement des professionnels des médias, il avait tenu le public en haleine à la soirée organisée à l’hôtel Sofitel à l’occasion du 20e anniversaire de la Télévision centrafricaine le 22 fevrier 1994. Le studio Vitamine de Alexis Ballu mis à contribution a servi de cadre pour les répétitions. Ainsi l’on a vu Alain Georges Ngatoua et Christian Panika (direction de l’Information) à la guitare, Julio Itade et Celestin Moryl Moyeke (Programmes) au chant de même que Jean-Marie Toninga du Musée Boganda, un ancien chanteur du Centrafrican Jazz. Ce fut une grande première. Le ministre de la Communication Tony Da Silva était aux anges. A ses côtés, le directeur de cabinet et représentant personnel du président André Kolingba, Jean Claude Kazagui, ne cachait point son enthousiasme.
Notons que jusqu’à la fin de sa vie, Alain Georges Ngatoua a occupé les fonctions de chargé en Communication au ministère de La Défense en même temps qu’il était chef du quartier Ngatoua. Une chefferie qu’il tient de son père l’ancien combattant Pierre Ngatoua.
Alain Georges Ngatoua était père de onze enfants (4 filles et 7 garçons) dont l’aîné Jocelyn Judicael Ngatoua, décédé il y a quelques années. Adieu, Alain, ce n’est qu’un au revoir. FYZ
(Merci à Christian Ndotah et à la famille Ngatoua pour leur à contribution)