Quatre ans après la remise officielle des 100 logements sociaux de Sakaï-Boeing le 30 novembre 2018 lors d’une cérémonie inaugurale présidée par le Président de la République Faustin Archange Touadera, en présence du Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville du Royaume de Maroc, Abdelahad Fassi Ferri, les bénéficiaires ne sont jamais entrés en possession de leurs maisons. Une enquête de l’Oubangui Médias.

Alors que la République Centrafricaine (RCA) essaye de tourner la page sombre de l’histoire des évènements de 2013 afin de progresser vers le développement, la transition entre l’humanitaire et le développement reste teinter par des différents maux. Les anciens déplacés espèrent encore à la concrétisation de multiples promesses du gouvernement et partenaires humanitaires. Le cas des 100 logements sociaux de Sakaï-Boeing qui leurs sont destinés et qui semble devenir vraisemblablement une utopie.

En effet, l’Etat centrafricain avait octroyé 30 hectares des terres pour la construction de 100 logements sociaux à Sakaï-Boeing derrière l’aéroport Bangui M’Poko de Bangui. Les 100 logements sont un don du Royaume de Maroc dans le cadre de coopération bilatérale qu’il entretient avec la RCA.

Par conséquent, les travaux de construction sont entièrement financés par le Royaume chérifien d’une valeur de 10 millions de dirhams soit environ 600 millions de francs CFA au profit de certains déplacés internes les plus démunis de Bangui qui ont tout perdu lors de la crise militaro-politiques de 2013-2014. Les cent ménages bénéficiaires devraient provenir des ex-déplacés du camp M’Poko et du site de la Mosquée centrale du 3ème arrondissement de Bangui.

Sur les huit (8) entreprises des travaux publics recrutés, les uns livré les bâtiments en six (6) mois tandis que les d’autres n’ont pas respecté leurs cahiers de charges, conformément aux clauses de contrats. Elles ont laissé des maisons inachevées. Malgré cela, le président de la République Faustin Archange Touadera avait accepté que les clés soient remises au ministère de l’urbanisme en présence du partenaire financier. Ceci avait fait l’objet de plusieurs critiques des internautes.

Toutefois, dans le cadre d’une collaboration interministérielle à ce sujet, le ministère de l’Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale a confié à Oubangui Médias qu’il avait fourni une base des données des 100 déplacés du site de l’aéroport Bangui M’poko et de celui de la Mosquée Centrale au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme qui à une Direction des Personnes Déplacées. Ce service du département ministériel avait la charge de remettre à chaque ménage la clé de sa maison afin d’y occuper.

Selon toujours les informations de l’Oubangui Médias, la ministre sortante de l’Habitat Gina Lawson Roosalem avait signé une convention pour protéger les bénéficiaires. Dans ce document que l’Oubangui  Médias a consulté, il est dit que ces maisons ne sont pas à vendre par qui que ce soit, même pas par les anciens déplacés qui vont les occuper. C’est un symbole fort de la coopération entre la Maroc et la Centrafrique que le gouvernement veut immortaliser.

Pour une petite histoire, ce projet a été décroché par l’ancien ministre Gaby Francky Leffa lors de son séjour à Rabbat en 2016. Ce dernier avait plaidé auprès du Royaume chérifien pour que le Roi donne son accord à la construction des logements en faveur des personnes déplacés qui ont perdu leurs maisons à cause de la guerre. Le Roi Mohammed VI du Maroc informé par son ministre de l’Habitat a donné très rapidement une suite favorable pour la construction des 100 logements en guise de projet pilote.

Des informations de l’Oubangui Médias indiquent que,  après cette phase pilote, le gouvernement marocain avait prévu investir dans 10.000 logements sociaux à travers le pays. Cette fois-ci, ces logements devraient être mis en vente aux centrafricains à des prix abordables. Une convention paraphée n’attendait que l’aboutissement du projet pilote pour être signée.

Ainsi, pour garantir la bonne gestion des 100 logements au profit des déplacés, une convention avait été finalement signée à Bangui le 19 juillet 2016 entre les deux parties marocaine et centrafricaine. Par la suite, le Premier Ministre de l’époque, Simplice Mathieu Sarandji, avait alors posé, vendredi 20 janvier 2017, à Sakaï, dans la périphérie ouest de Bangui, la première pierre des travaux de construction de ces 100 logements sociaux, fruit de la coopération agissante entre la République Centrafricaine et le Royaume du Maroc.

En effet, le choix du site de Sakaï-Boeing pour l’exécution de ce projet est la conséquence directe des orientations issues du projet de Grand Bangui, objet de grand maillage urbain destiné à créer à la périphérie de la capitale un tissu urbain moderne combinant zones résidentielles et zones d’activités tertiaires autour de la grande Rocade, voie de contournement reliant le Pk 9 de Bimbo sur la route de Mbaïki au PK 16 sur la route de Boali.

Quatre ans après, l’espoir des déplacés s’est effondré par la volonté des uns et des autres à détourner l’objet principal de ces logements. La goutte d’eau qui a débordé le vase est la visite de suivi effectuée par l’ambassade du Maroc afin de constater si réellement les bénéficiaires ont déjà regagné leurs logements. La grande surprise est que depuis 2018, année de la remise des clés aux autorités centrafricaines, les 100 logements restent inoccuper.

Le collectif des déplacés a saisi presque toutes les instances du pays pour obtenir justice. La Haute Autorité Chargée de la Bonne Gouvernance s’est saisie du dossier. Des visites organisées, des questionnaires adressés au ministère de l’Habitat sans avoir des réponses. Une source de cette institution de la République a déploré le fait que ce ministère n’ait répondu à leurs questionnaires afin d’établir les responsabilités.  

Rachats et ventes de ces logements aux plus offrants

La situation est devenue embarrassante quand des informations ont commencé à fuiter que des cadres de ce ministère auraient racheté ces maisons pour les revendre. Cette affaire est devenue plus embarrassante encore car des dossiers relatifs aux actes de ventes se trouveraient sur le bureau de l’actuelle ministre de l’Habitat et l’Urbanisme en attente des signatures, se voient suspendre à la suite de la décision du Conseil des ministres. Les inquiétudes ont changé de camp. Ceux qui se sont arrogés le droit d’acheter ces maisons, de vendre et de revendre au plus offrants surtout des compatriotes de la diaspora courent le risque de se retrouver en prison.

La messe était dite au Conseil des ministres du jeudi 29 septembre 2022, présidé par le président de la République, Faustin Archange Touadera. Le Conseil des ministres a en conséquence exigé le remboursement des cautions à ceux qui l’ont versé pour acquérir illégalement ces maisons à la hauteur d’un million FCFA (1.000.000 FCFA) et d’attribuer les 100 logements sociaux aux bénéficiaires identifiés notamment les 100 familles parmi les déplacés internes qui étaient basés à l’aéroport international Bangui-M’Poko et à la Mosquée Centrale de Bangui.

Au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme où Oubangui Médias s’est rendu trois fois, il est difficile de trouver une personne ressource pour en parler. Le Directeur de Cabinet dit tout simplement que le ministère a pris bonne note de la décision du Conseil des ministres sans plus des détails.

D’après une source digne de foi, une commission sera très bientôt mise en place, composée des cadres du ministère de l’Habitat de l’Urbanisme, celui de l’Action humanitaire et le ministère de la Famille pour attribuer ces logements aux familles bénéficiaires sélectionnées. Ce sera alors une perte pour ceux qui ont acquis illégalement ces maisons. Des acheteurs illégaux ont déjà effectué des travaux pour soit modifier ou soit faire des extensions de certaines maisons.

Ce fait s’ajoute à une longue liste des projets des logements sociaux qui soit n’aboutissent jamais, soit sont tout simplement des projets mort-nés. Cette problématique est à prendre au sérieux par le gouvernement avec l’implication des Elus de la Nation afin de ne toujours pas poser des premières pierres des projets des logements sociaux qui ne s’achèvent jamais ou qui n’atteignent jamais les bénéficiaires.

Une attention particulière doit être mise sur le département de l’Habitat et de l’Urbanisme au sujet des ventes parfois abusives des terres, voire à des étrangers et d’expropriations des terrains d’autrui tel est le cas de Landjia et Mboko, sources des frustrations et d’une nouvelle tension latente dans le pays.

Zarambaud Mamadou/Fridolin Ngoulou