La République Centrafricaine (RCA) est affectée par une insécurité alimentaire critique après les crises militaro-politiques récurrentes qu’a connues le pays et qui ont touché non seulement les agriculteurs, mais aussi les structures étatiques de recherche, d’encadrement et de vulgarisation agricole. Ce qui a provoqué la déstructuration de la filière semencière et une disponibilité de semences de qualité indispensable pour mener à bien la campagne agricole.
Boukoko est un village situé à 15 km de Mbaïki, sur la route de Boda dans la préfecture de Lobaye en République Centrafricaine. Dans la commune où se trouve ce village, le Comité International de la Croix Rouge (CICR) appuie 14 groupements agri-multiplicateurs de semences à Mbaïki et Boukoko dans le but d’aider ces agri-multiplicateurs à produire de semences; à maximiser leurs potentiels de la production de semences en maïs, arachides, niébé et sorgho afin de contribuer à la sécurité économique des ménages vulnérables.
Le village Boukoko a abrité depuis 1939 une station centrale d’agriculture qui s’est consacrée d’abord à l’étude du caféier avant de s’étendre à l’agronomie équatoriale. Cette station est devenue un centre régional polyvalent de recherche (CRPR) de l’ICRA, Institut Centrafricain de Recherche Agronomique. Mais, ce grand Centre a connu un recul sans précédent suite à des vandalismes de tout genre émanant des multiples crises que le pays a connues. A ce jour, le Centre tend à se renaitre de ses cendres.
Oubangui Médias a rencontré est allé à la rencontre des agriculteurs de ce village. Rigobert Ngouma est le Président du groupement « Force Verte » à Bopenda. Celui-ci est bénéficiaire depuis 2019 du projet appuyé par le CICR. Il s’en explique : « Dans notre groupement, nous cultivons le maïs, le manioc, la courgette. Nous avions commencé à travailler sans un seul appui. Et le travail de champ n’était pas bien fait, c’était un peu du désordre. De grâce, lorsque CICR est venu en 2019, il nous a montré comment cultiver un champ proprement dit, en respectant les normes. A travers cet appui, nous avons constaté une évolution dans notre travail. Nous avons appris comment étudier la qualité du sol, comment respecter les lignes pour ensemencer le maïs par exemple. Nous avons démarré avec deux hectares dont un hectare de maïs et un autre d’arachide ».
Selon Rigobert, l’appui du CICR est multiforme. Il y a des appuis en termes de finances, des intrants, des outils agricoles, des engrais, des pesticides pour éviter le dégât des insectes. Après trois ans de partenariat avec cette organisation qui fait l’humanitaire et le développement, son groupement produit en quantité et le CICR revient pour acheter les semences. « Ces revenus nous aident à nous prendre en charge ainsi que l’éducation des enfants, même nous construire des maisons », a-t-il témoigné.
Le groupement « Force Verte » a vu le jour depuis 2012 et est composé aujourd’hui de 21 personnes dont 8 femmes et 13 hommes. Ce groupement cultive sur un ancien champ de poivre appartenant au centre de recherche agronomique de Boukoko, que le l’Institut Centrafricain de Recherche Agronomique (ICRA) a mis à leur disposition dans le but d’encourager ce groupement à contribuer au développement agricole de la Centrafrique.
L’appui du CICR pour rendre disponible les semences de qualité
L’objectif à travers ce projet, est d’assurer premièrement la disponibilité d’une quantité suffisante de semences d’arachide, de maïs, de niébé et de sorgho pouvant satisfaire les besoins en semences des autres bénéficiaires dans les zones prioritaires où interviennent le CICR. Ce projet vise aussi à améliorer leurs revenus et avoir un pool des producteurs des groupements Agri-Multiplicateurs et privés (GAM) identifiés qui ont accru leurs connaissances techniques agricoles et leur autonomie dans la production de semences de manière durable dans les zones de production et aussi grâce au revenu issu de la vente des semences, aux sensibilisations et aux renforcements de capacités ainsi que faire en sorte que les GAM et producteurs privés développent des activités génératrices de revenu en marge de l’activité principale.
Les produits de semences sont achetés par le CICR et les GAM obtiennent un rendement satisfaisant. Un 1 kg d’arachide en coque se vend à 1.300 Francs CFA (2 euros), le maïs à 950 Francs CFA le Kg et le niébé se vend entre 1250 à 1300 Francs CFA le Kg.
Pour cette année, les récoltes s’annoncent encore plus satisfaisantes. Le CICR encourage les GAM et les producteurs privés de produire plus. En 2022, 66 hectares ont été cultivés dont 35 hectares d’arachides et 31 hectares de maïs. Un financement leur a été donné pour la construction du magasin de stockage afin de bien conserver les semences végétales de qualité. Les agriculteurs attendent récolter dans la satisfaction totale.
Malgré l’appui du CICR, presque tous les GAM sont confrontés à quelques défis, comme a souligné Gontran Tokoma, président du groupement « I Yé Kwa » : « Nous éprouvons des difficultés lors de séchage. Nous réfléchissions pour construire un hangar afin d’éviter que les chèvres et les autres animaux domestiques détruisent les semences. Et aussi, nous cultivons des hectares de terres à la main avec des outils rudimentaires, c’est vraiment fatiguant, nous voudrions que le gouvernement nous appui avec des moyens modernes comme les tracteurs agricoles ainsi que les accessoires pour nous permettre de cultiver plus encore. Un autre problème auquel nous nous sommes confrontés, c’est le phénomène du changement climatique. Parfois, nous programmons d’ensemencer mais il ne pleut pas, soit il pleut constamment et donc, notre calendrier agricole est souvent perturbé. Enfin, les insectes attaquent souvent nos champs, nous devons protéger nos champs mais il nous manque parfois les produits », a-t-il expliqué.
En outre, les GAM ont reçu une formation sur les activités génératrices de revenu (AGR) pour leur permettre de diversifier les sources de revenu. C’est ainsi que ces groupements développent des petits commerces ainsi que l’élevage. Le gouvernement et les autres acteurs doivent avoir l’œil sur ces groupements car, si le projet du CICR prend fin, ces multiples groupements vont avoir un relâchement.
Eléonor Kongbo Dembo, assistant agronome au CICR a souligné que son organisation a signé un protocole d’Accord avec les services étatiques notamment l’Office National des Semences (ONASEM), Agence Centrafricaine du Développement Agricole (ACDA), et Institut Centrafricain de Recherches Agronomique (ICRA) qui s’en charge de la formation des bénéficiaires. Le chef de secteur et conseiller technique agricole de l’ACDA basés à Mbaïki ont pour mission le suivi, l’accompagnement des GAM et producteurs privés en remplissant les fiches de suivi hebdomadaire qui serviront de base de vérification et de contrôle de l’état d’exécution des travaux. Et enfin ONASEM, s’occupe de l’inspection et de la certification des semences.
Notons que le CICR a débuté ce projet en 2019 dans le but d’encourager les GAM jusqu’en 2025 à augmenter les superficies ainsi que le nombre de ces groupements.
Zarambaud Mamadou, depuis Mbaïki pour Oubangui Médias
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