Les accidents impliquant des mines et autres engins explosifs ne cessent de prendre des proportions croissantes depuis avril 2021, en particulier dans l’ouest de la République centrafricaine (RCA), une région où le conflit s’est intensifié.

Une accumulation alarmante

Entre janvier et mars 2022, sept personnes, toutes civiles, ont été tuées et 29 blessées, dont 19 civils, dans 19 accidents impliquant des engins explosifs. En 2021, 44 accidents de ce type ont été enregistrés, tuant 30 personnes, dont 23 civils, et blessant 48, dont 30 civils. Le nombre d’accidents enregistrés au premier trimestre 2022 représentent près de la moitié de tous les accidents enregistrés en 2021, et les deux années montrent une augmentation significative par rapport à l’année 2020, où seuls deux incidents sans victimes avaient été enregistrés.

Les civils sont les principales victimes des engins explosifs en RCA. Au total, 81% des personnes tuées et 64% des personnes blessées depuis 2021 sont des civils. Les régions les plus touchées sont le nord-ouest et l’ouest du pays, où 82% de tous les incidents et accidents ont eu lieu, bien qu’un nombre croissant d’accidents ait également été enregistré dans le centre du pays en 2022.

Le 4 avril, des mines antipersonnel ont été découvertes pour la première fois en RCA. La population en a trouvées deux dans un village près de Bambari et les a signalées au Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) et à la mission de maintien de la paix, la MINUSCA, qui ont détruit les engins avant qu’ils ne puissent nuire. Les mines antipersonnel sont interdites par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui est entrée en vigueur pour la RCA en 2003.

À la mi-mars, un camion affrété par une agence des Nations Unies transportant des matériels de construction de Bocaranga à Bozoum en vue de la construction d’une école secondaire a heurté une mine antichar près de Ngoutéré, à 40 km de Bocaranga. Deux personnes ont été tuées, deux autres blessées et le camion a été gravement endommagé. Le même camion avait déjà heurté une mine dans la même zone en décembre 2021, faisant un blessé. Le projet de construction de l’école a depuis été interrompu car les matériels de construction ne peuvent être livrés, ce qui risque d’entraîner la déscolarisation de 600 élèves. Dans la même région de Ngoutéré, les partenaires humanitaires ne peuvent pas fournir une aide alimentaire à 1 800 personnes vulnérables et ne peuvent pas soutenir quatre centres de santé et 12 écoles en raison du manque d’accès.

Sans distinction

Les victimes sont diverses : une famille, des enfants, des cultivateurs, un acteur humanitaire, des marchands, des éléments armés, des soldats de la paix des Nations Unies et un prêtre. Les engins explosifs qui explosent en raison de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne ne peuvent pas faire de distinction entre les civils et les combattants, ce qui soulève d’importantes préoccupations concernant les principes de distinction et de proportionnalité en vertu du droit international humanitaire.

En juillet 2020, l’utilisation présumée de mines antichars a été signalée pour la première fois dans le pays depuis la création de la mission de maintien de la paix, la MINUSCA, en 2014. L’un des dispositifs suspectés a endommagé un char de la MINUSCA près de la frontière avec le Cameroun. Depuis, on observe un calme relatif entre juillet 2020 et avril 2021, le problème a pris des dimensions dangereuses avec de graves conséquences pour les civils et l’accès humanitaire.

Restriction de l’accès humanitaire et des activités socio-économiques

La présence présumée d’engins explosifs limite gravement l’accès humanitaire aux personnes vulnérables dans un contexte déjà marqué par des restrictions d’accès en raison de conflits armés et de contraintes physiques.

Au moins 30 000 personnes vulnérables sont privées d’aide humanitaire dans l’ouest de la RCA en raison de la menace des mines et autres engins explosifs. Les partenaires humanitaires de Paoua, de Bouar et de Bocaranga sont obligés de retreindre leur mouvement suite à la menace croissante de ces engins. En décembre 2021, les organisations humanitaires ont temporairement suspendu leurs déplacements dans tout le nord-ouest du pays (au nord de Bocaranga et à l’ouest de Paoua) ainsi qu’à l’ouest de Berberati. L’absence de l’aide humanitaire accroit leur degré de vulnérabilité et les expose à des maladies comme le paludisme et les maladies hydriques. Par exemple, la majorité des points d’eau sont en panne faute d’entretien sur le tronçon Niem-Yelewa-Sabéwa. Selon l’Aperçu des besoins humanitaires 2022, ces zones sont aussi parmi celles avec les plus sévères besoins humanitaires dans le pays.

Plusieurs axes dans les préfectures de la Nana-Mambéré, la Mambéré-Kadéï et l’Ouham-Pendé ont été considérés comme à haut risque en raison de la présence présumée d’engins explosifs et restent impraticables pour les humanitaires et les civils, notamment entre Gamboula et Amadagaza. Il en est de même pour l’axe Yelewa-Sabéwa qui reste inaccessible depuis janvier 2021. Les villes et villages situés dans les zones où l’on soupçonne la présence d’engins explosifs risquent d’être coupés de la nourriture et des autres fournitures, du commerce, des patrouilles de sécurité et de l’assistance humanitaire. Les engins explosifs limitent également l’accès des populations aux champs en cette période de plantation, aux lieux de travail et de revenus, ainsi qu’aux services essentiels tels que les soins de santé et l’éducation.

Assistance d’urgence par voie aérienne

Contournant les restrictions d’accès, OCHA et les partenaires humanitaires ont livré entre juin et octobre 2021 une assistance d’urgence par hélicoptère à Nguia-Bouar, Ngaoundaye, Ndim et Gbambia dans les préfectures de la Nana-Mambéré, Mambéré-Kadéï et Ouham-Pendé. Plus de 4,5 tonnes de médicaments, de nourriture, de suppléments nutritionnels, de produits d’hygiène et kits éducatifs sont parvenus à près de 56 000 villageois, dont plus de 4 000 personnes déplacées, pour satisfaire les besoins les plus urgents et réapprovisionner des centres de santé.

Après des travaux de nettoyage de la MINUSCA, un convoi d’OCHA et du HCR a acheminé et distribué plus de 80 tonnes de vivre et 555 kits avec des articles ménagers à plus de 1 500 familles hôtes et personnes déplacées à 5 km de Bocaranga, Ndim et Koui dans la première semaine de février 2022.

Protéger les civils et les travailleurs humanitaires

En septembre 2021, UNMAS a lancé une campagne de sensibilisation sur les engins explosifs auprès de la population à Bouar, Berbérati, Paoua et Boali. Fin 2021, plus de 7 085 personnes ont été sensibilisées, dont 4,310 enfants. Des panneaux de sensibilisation ont été posés aux endroits stratégiques des localités de Baoro et Bouar. Des dessins et photos y mettent en exergue les précautions à prendre non seulement pour éviter les engins mais aussi pour les baliser et les signaler aux organisations chargées du déminage. UNMAS a également organisé des sessions de sensibilisation sur les risques liés aux engins explosifs pour plus de 1 500 acteurs humanitaires et personnels des Nations Unies. Une session de formation de formateurs a également été donnée à différentes organisations afin de leur permettre de directement sensibiliser leur personnel à Bangui et sur le terrain.

Des fonds supplémentaires sont maintenant nécessaires de toute urgence pour augmenter la portée des projets d’éducation aux risques pour les femmes, les hommes et les enfants dans les régions touchées.

United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA)

Bangui, Central African Republic