En Centrafrique, le Code de la Famille, divers ordonnances et décrets exigent que chaque  naissance soit déclarée à la mairie pour l’obtention d’un document de l’état-civil précisément un acte de naissance. Le droit à un acte de naissance à travers lequel l’enfant qui vient de naitre joui de son droit à un nom, à une nationalité et plus largement à une reconnaissance juridique de son existence par l’état, est consacré dans plusieurs conventions et pactes internationaux ratifiés par la République Centrafricaine (RCA). Plusieurs textes juridiques nationaux garantissent aussi le droit pour chaque enfant né en Centrafrique d’être enregistré à l’état-civil et de bénéficier d’un acte de naissance.

En effet, la loi n°97.013 du 11 novembre 1997, portant code de famille stipule en son article 137 que les déclarations de naissance sont faites par le père, la mère, l’un des ascendants ou des plus proches parents, ou toute autre personne ayant assisté à la naissance, ou lorsque la mère est accouchée hors de son domicile par la personne chez qui elle accouchée. Dans son deuxième alinéa, cet article ajoute qu’en ce qui concerne les accouchements auxquels ont assisté les médecins et sages-femmes, ceux-ci doivent dans le délai fixé à l’article 134 faire parvenir à l’officier de l’état-civil du lieu de l’accouchement, une attestation comportant les renseignements prévus par la loi. Il faut préciser que le délai d’un mois de déclaration de naissance à l’état civil a été ramené à 6 mois soit 180 jours suivant l’article 18  de la loi n°20.016 du 15 juin 2020 portant code de protection de l’enfant en République Centrafricaine. Selon le prescrit de cet article, la déclaration et l’obtention de l’acte de naissance sont gratuites sur l’ensemble du territoire et dans les représentations diplomatiques et consulaires de la République Centrafricaine.

Dans la pratique et les témoignages de nombreux parents, les conditions d’obtention de la déclaration de naissance diffèrent d’une structure sanitaire à l’autre dans les entités administratives que nous avons visitées à Bangui, Bimbo et à Bégoua. Alors que le Code de la Famille, consacre la gratuité pour l’obtention d’un bulletin de déclaration de naissance comme pour la délivrance des actes de naissances pour les naissances déclarés dans le délai légal, les formations médicales exigent un paiement dont le montant varie d’une structure à l’autre pour obtenir le bulletin de déclaration de naissance. 

Oubangui Médias s’est intéressé à ce sujet et a passé plus d’un mois dans les maternités et hôpitaux, sous le contrôle du ministère de la santé dans les communes de Bégoua, Bimbo et la commune de Bangui. Oubangui Médias a constaté l’existence d’un système de raquette quasi institutionnalisé consistant à demander auprès des femmes qui accouchent de payer un montant standard de 1.000 FCFA pour obtenir ce document.

Paradoxe à l’hôpital Domitien de Bimbo

Le directeur de l’hôpital Domitien Dr Jacobin Julio Apatita affirme la gratuité de la délivrance du bulletin de naissance dans son hôpital. Cependant, le personnel du service d’admission n’observe aucunement ce principe.

Dans la pratique de délivrance du bulletin de naissance à la maternité de Bimbo, les parents doivent s’attendre à quelques documents administratifs supplémentaires : «un avis de sortie» et «un bulletin de naissance» délivrés par l’hôpital ou par le centre de santé après l’accouchement au moment où la femme va quitter l’espace médical soit quelque jour après la naissance de l’enfant.

Les quelques agents du service d’admission  que nous avons rencontré, nous ont fait savoir qu’ils ne peuvent pas nous parler sur cette question soulignant que c’est plutôt à la hiérarchie de nous répondre. Selon le directeur de l’hôpital « la délivrance du bulletin de naissance aux parents n’est sujette à un quelconque paiement pour l’obtention de ce document. Ce qui doit être payé ce sont les frais d’hospitalisation suite à l’accouchement, si la femme a été mise en observation pendant quelques jours ».

Certains parents et femmes se disent épuisés financièrement à l’hôpital ou à la maternité car, on leur demande plus d’argent à payer dans les services au moment de l’accouchement. Tel est le cas de Bernadette Kakopandé: « J’ai une grossesse pathologique, alors au moment de l’accouchement mon mari a dépensé assez d’argent, dès lors qu’on nous a remis l’« avis de sortie », et on nous a orienté vers le service d’admission pour la délivrance du bulletin de naissance, là, on nous demande de payer aussi».

Une sage-femme à la maternité de Bimbo, nous précise que si un accouchement a eu lieu à la maison ou dans une zone inaccessible, les parents peuvent amener le nouveau-né à l’hôpital avec une déclaration de naissance dument signé par le chef du quartier ou du village.  S’il n’y a pas les autorités locales pour établir le document, néanmoins les parents amènent l’enfant soit à l’hôpital ou à la maternité. Le médecin ou la sage-femme de la maternité va faire un constat post-accouchement et peut valablement délivrer un bulletin de naissance moyennant une somme d’argent au service et non à la caisse.

Avec cette pratique de venir chercher un bulletin de naissance à l’hôpital pour un accouchement qui a eu lieu à domicile, il y a là un conflit avec les prescrits de article 137 du code de la famille déjà évoqué ci-haut qui détermine les personnes et les responsabilités de personnes pouvant déclarer une naissance auprès de l’officier de l’état-civil. Il n’y a aucune nécessité d’aller chercher un bulletin de naissance à l’hôpital pour un enfant qui est né à domicile. Une déclaration établie par le chef du village ou du quartier pour un enfant qui est né  à domicile dans sa juridiction fait foi et a la même valeur devant l’officier de l’état-civil qu’un bulletin de naissance établi par une formation médicale.

Le bulletin payant au centre de santé urbain de Bimbo

La responsable sanitaire, Dr Kaltoume nous a fait savoir que ledit centre ne bénéficie pas de subventions de l’Etat, comme les grands hôpitaux à Bangui pour leur permettre d’acheter les fournitures bureautiques pour le son fonctionnement. C’est ce qui a amené la collectivité territoriale à décider collégialement qu’il soit payé 1000 F CFA pour le retrait du bulletin de naissance : « Je pense que la délivrance de bulletin de naissance n’est pas gratuit à la maternité du centre de santé urbain, parce que nous avons des problèmes de machines, de l’encre, et on a besoin de la fourniture bureautique pour nous permettre de faire plusieurs copies des bulletins de naissance. Si le montant de 1000 F CFA est toutefois élevé, il peut être revu en baisse au vu de la pauvreté qui sévit au sein de la population vivant avec  moins de 1 Dollar US ».

Cependant, il faut souligner que dans ce centre, le retrait des bulletins de naissance se fait deux semaines à compter du jour d’enregistrement de la naissance dans le registre de la maternité. Les responsables ont justifié par le fait que centre connait un sous-effectif.

A la maternité de Bégoua, respect des us et coutumes des parents mais pas de gratuité pour le bulletin de naissance

« Dès l’accouchement, certains parents se présentent avec le nom de l’enfant ainsi que l’affiliation des concernés. Par contre pour d’autres il n’est pas du tout question de délivrer aussitôt la déclaration de naissance de l’enfant aux parents. Ils nous demandent d’attendre 3 jours après la naissance, si l’enfant reste toujours en vie, ils reviendront avec le nom et prénom de l’enfant voire toute l’affiliation des parents pour l’établissement de la déclaration de naissance. De ce fait, nous respectons les us et coutumes des parents » a expliqué un agent  de ce service.

Selon cette source, auparavant, le ministère de la santé fournissait des bulletins de naissance aux hôpitaux et maternités mais à un moment donné, le ministère ne donnait plus des papiers. « Depuis que je suis en service il y a 4 ans, je n’ai rien reçu comme fourniture bureautique pour le service et l’accouchement des femmes, c’est tous les jours qu’on travaille à la maternité, on ne peut pas attendre », regrette cette source.

À Bégoua, les parents payent la déclaration de naissance à 1000 F CFA à la caisse, puisque le ministère ne fournit plus des fongibles comme des rames de papiers et une imprimante pour photocopier les bulletins de naissance afin de mettre à la portée des bénéficiaires. Donc un exemplaire de Déclaration de naissance bien conservée, sera photocopié à tout moment au besoin par le service. Après cela, les parents sont orientés à la mairie pour déclarer la naissance de leurs enfants afin qu’on leur établisse un acte de naissance.

La maternité de Castor, l’ONG Alima délivre gratuitement le bulletin de naissance

Au centre de la ville de Bangui, à la maternité des Castors géré par l’ONG Alima, la prestation des soins médicaux à l’accouchement est gratuite. Cette ONG s’est donné aussi l’obligation de délivrer le bulletin de naissance le même jour de la naissance sans pour qu’un agent de l’hôpital  perçoit un francs des parents.

La sage-femme qui a accompagné un accouchement met sur le bulletin de naissance son nom avec tous les compléments d’informations des parents. Le bulletin de naissance signé est remis automatiquement aux parents. Il y a un registre qui sert pour enregistrer les naissances.

Pour la sage-femme Eugénie Yangatimbi, au cas où il y a de perte des bulletins de naissance, la mairie renvoie parfois des parents à la maternité de Castor pour la recherche des informations. « Si les parents se présentent avec un avis de sortie, le registre va nous faciliter la recherche du jour de naissance avec les informations des parents et nous leurs délivrons un nouveau bulletin de naissance », témoigne-t-elle. Ce climat de confiance est lié au traitement et aux conditions dans lesquelles les employés travaillent au sein de cette ONG.

Agents sanitaires et parents, s’accuse mutuellement

Partout où l’Oubangui Médias s’est rendu, c’est le même refrain des agents de l’Etat qui pointent la responsabilité des parents. Ainsi, nous avons aussi constaté que tout le monde s’accuse mutuellement que chacun ne remplit pas son rôle. Un déficit de communication, manque d’argent, défaut d’orientation, négligence, insouciance et ignorance sont relevés.

En effet, il y a beaucoup de bulletins de naissance établis qui sont restés dans les armoires et casiers du personnel de santé. Personne n’est venu pour récupérer et pourtant c’est la responsabilité des parents, a dit le major de la maternité de Bégoua.

Pour le Directeur de la décentralisation et de l’état civil au ministère de l’Administration du Territoire de la Décentralisation et du Développement Local, M. Symphorien Ngama Piault, l’inobservation de la délivrance gratuite du bulletin de  naissance et la déclaration des naissances doit être sanctionnée par le ministère de la santé. Car, en principe la loi prévoit que ce sont les sages-femmes qui doivent faire diligence pour aller déclarer les naissances dans les mairies ou centre d’état-civil mais, cette pratique ne se fait plus de nos jours. Dans le temps passé, pour que l’officier de l’état civil puisse délivrer des  actes de naissances ce sont les sages-femmes qui lui fournissaient  à l’avance, les déclarations de naissances.

Selon le Directeur général de l’Etat-civil, sur proposition du ministère de l’administration territoriale, le ministère de la santé a signé une lettre circulaire de la délivrance gratuite de bulletin de naissance dans les structures sanitaires. Malheureusement, cela n’est pas observé par les agents de l’Etat. Alors ceux qui ne respectent pas les prescrits de la loi doivent être sanctionnés.

Cette pratique complique les tâches quant à la procédure qui doit être suivie au niveau de la Mairie pour l’obtention des actes de naissance.

En effet, entre la maternité et la mairie, il doit y avoir un système clair et fluide afin de faciliter les procédures de l’obtention des actes de naissances. Ce mécanisme qui inclura la gratuité à tous les niveaux sera un atout majeur pour permettre aux enfants d’obtenir ce premier document juridique de la vie.

Enquête réalisée par Zarambaud Mamadou