Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a rendu public un rapport dans lequel il pointe du doigt accusateur la présence des « mercenaires russes » en Centrafrique. Ce rapport que la Minusca considère comme des allégations à vérifier est attaqué par le gouvernement et est mal perçu par des internautes Centrafricains.
Ce rapport publié le 31 mars dernier, indique que des Forces Armées Centrafricaines (FACA) avec l’appui des alliés russes auraient commis de graves violations des droits de l’homme dans le pays. Ce rapport précise que le gouvernement Centrafricain, à travers les Forces de Défense et de la Sécurité (FDS) aurait commis des exécutions sommaires massives, des tortures faisant des déplacements forcés de la population civile. Aussi, il souligne le recrutement massif par le gouvernement centrafricain des forces étrangères dont les russes pour intervenir dans les combats et les attaques violents.
Le ministre de la Communication et des Média, porte-parole du gouvernement, Ange Maxime Kazagui a porté un démenti au communiqué du groupe d’experts des Nations-Unies, qui accuse le gouvernement de mener des actions qui seraient de nature à porter de graves violations de droits de l’homme et de droit international humanitaire.
« En réalité, quand nous lisons ce communiqué du groupe des experts de l’ONU, il résume au contraire toutes les actions négatives menées par la Coalitions des Patriotes pour le Changement (CPC)», a déclaré le ministre Ange Maxime Kazagui. Dans le milieu diplomatique en RCA, ce rapport est à prendre au sérieux, même si nombre de diplomates n’affirment pas détenir à l’heure actuelle des preuves nécessaires pour se prononcer.
Réaction des internautes sur le rapport
Ce rapport a été diversement apprécié par les internautes qui ne croient pas à la sincérité des enquêtes menées. Pour recueillir leurs propos, Oubangui Médias a lancé un sondage dans son groupe « Journalistes Centrafricains ». Ce groupe compte actuellement 23.400 membres.
La principale question était de savoir si ce rapport reflétait la réalité du terrain, puisque les experts de l’ONU ne se sont pas déplacés dans le pays pour faire des investigations sur place.
En effet, ce sondage rapide a eu 101 enquêtés et le taux de couverture de cette publication a atteint près de 2.000 personnes. Au total, 70 internautes, soit 69,30% ont indiqué que « ce rapport est tendancieux, visant à ternir l’image des russes en Centrafrique ».
Au total, 21 personnes, soit 20,79% ont quant à eux indiqué « qu’il y’a des mercenaires d’autres nationalités dans les groupes armés que les experts de l’ONU n’ont pas fait allusion dans leur rapport ».
Par contre, 10 enquêtés, soit 9,90% ont affirmé que « les russes ont des mercenaires qui ont fait des exactions en Centrafrique pendant la période couverte par ce rapport de l’ONU».
Même si la masse peut se tromper, les commentaires sous ce sondage, voire sous d’autres publications sont assez alarmants. D’aucuns pensent à un complot ourdi contre le régime actuel car le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas envoyé des enquêteurs sur place en Centrafrique. « Le Conseil de Sécurité de l’ONU a oublié que c’est lui qui a donné le pouvoir à la Russie de déployer 175 instructeurs militaires russes en Centrafrique, et pour former les FACA au maniement d’armes que l’Etat russe avait livré officiellement à la Centrafrique », a rappelé un internaute.
Pour d’autres personnes, « le gouvernement est en train de cacher les bavures des FACA et forces alliées au nom de l’Etat d’urgence et des dégâts collatéraux ».
Et que dit la mission onusienne en Centrafrique ?
La mission onusienne en Centrafrique (MINUSCA) évite de commenter ce rapport dans un contexte où la situation sécuritaire reste volatile.
Mais d’emblée, le chef de la Minusca, Mankeur Ndiaye, quatre jours après la publication de ce rapport, a été reçu à Moscou par le vice-ministre des Affaires étrangères de la Fédération de la Russie, M. Sergueï Vershinin.
Même si officiellement l’ambassade de la Russie en Centrafrique informe que les deux hommes ont eu des entretiens approfondis sur la situation de la Centrafrique, notamment le rôle de la Russie dans la crise militaire et politique, et le mandat de la Minusca, ainsi que la dimension régionale du conflit, des sources non officielles évoquent comme raison principale de la rencontre des explications sur le rapport du groupe des experts de l’ONU.
Interviewé par RFI sur la question, Mankeur Ndiaye de retour de Moscou, parle des « allégations que la Minusca est en train de vérifier et de documenter». Il se dit être au courant de ce rapport et il en a parlé avec les autorités russes. « Les autorités russes sont conscientes qu’il faut absolument documenter ces allégations et promettent donner une suite au cas où elles seraient avérées », a dit le chef de la Minusca. Le représentant de la Minusca évite de parler de la présence des paramilitaires russes, car, il a déclaré n’avoir aucun contact avec cette société, encore moins ses responsables. « Nous ne faisons aucune opération conjointe ensemble, mais nous avons des réunions de coordination avec l’ambassadeur russe et le commandant du bataillon rwandais qui est venu en appui avec le gouvernement pour éviter que nos forces ne se tirent dessus parce qu’ils interviennent sur le même espace », a souligné Mankeur Ndiaye.
Pour le chef de la Minusca, « il y a beaucoup d’allégations qui nous sont rapportées comme par exemple, les attaques indiscriminées contre la population civile, comme les tortures. La Russie accepte qu’on puisse faire des enquêtes afin de tout documenter. Elle pourra collaborer dans ce sens et nous avons une convergence de point de vue avec les autorités russes», a-t-il ajouté.
Du côté de la représentation russe en Centrafrique, on ne reconnait pas la présence des mercenaires russes en Centrafrique, sauf des instructeurs militaires qui viennent en appui aux Forces Armées Centrafricaines (FACA), et qui pourront participer aux combats s’ils font l’objet d’une attaque ciblée.
Qui sont les membres du groupe des experts de l’ONU ?
Le groupe d’experts est composé de cinq membres indépendants qui sont élus par le Conseil des Droits de l’Homme pour une période de trois ans renouvelable une fois. Il respecte le principe d’une représentation géographique équilibrée.
La présidente rapporteuse est Jelina Aparac de la Croatie. Elle est Docteur en droit public international. Conseillère juridique pour les MSF, elle a travaillé dans les zones de conflit telles que le Soudan du Sud, le Tchad, le Darfour au Soudan, la République Démocratique du Congo et la République Centrafricaine.
Les membres de ce groupe sont constitués de Mme Lillian Bobea de la République Dominicaine. Elle est professeure adjointe au département des sciences du comportement et de la justice pénale. Elle défend aussi les droits d’immigrants à titre bénévole.
M. Ravindran Daniel est de l’Inde. Il est expert en droit international, notamment les droits de l’Homme et possède plus de 30 ans d’expérience dans le domaine.
Chris M. A. Kwaja est du Nigéria. Titulaire d’un doctorat, il est maître de conférences et chercheur au Centre d’Etude sur la paix et la sécurité de l’Université de technologie Modibbo Adama au Nigéria. Il travaille spécifiquement sur les mercenaires, constitués en société ou non en Afrique, en particulier au Nigéria, au Libéria, en Sierra Leone, au Soudan et au Darfour.
Enfin Mme Sorcha MacLeod du Royaume Uni. Elle est professeure associée à la faculté de droit de l’Université de Copenhague, au Danemark. Elle a participé à la rédaction des normes internationales sur la sécurité.
Depuis 2012, la Centrafrique abrite plusieurs mercenaires dans les rangs des groupes armés. La présence russe continue de faire couler de l’encre et de salive depuis que ce pays a redécouvert la Centrafrique avec qui, il entretient des relations diplomatiques depuis les années 1960.
Fridolin Ngoulou
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