La préfecture de la Basse-Kotto notamment le chef-lieu de Mobaye a accueilli une mission d’évaluation sur terrain des activités de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), mise en œuvre par l’ONG Clira, partenaire technique de l’UNFPA, grâce à un financement du Gouvernement du Danemark. Dans cette ville encore sous contrôle des groupes armés, la lutte contre les VBG devra encore faire un chemin pour réduire le taux de vulnérabilité des survivant.e.s.

Les violences de toute forme contre les femmes principalement semblent être une coutume à Mobaye. Dans cette ville et ses environs, les femmes doivent payer les droits de lit à leurs maris. Droit de lit surtout pour celles qui vivent dans un couple polygame. Si le mari doit passer la nuit chez une de ses femmes ou maîtresses, alors, la championne devra bien l’entretenir dans la journée, travailler dur pour gagner sa confiance. Une triste réalité qui fait penser que les VBG contre les femmes sont normales.

Après le passage de plusieurs ONG dans la ville, l’ONG Clira est arrivée dans la ville en janvier 2020 avec un psychologue de formation pour s’occuper de la santé mentale des survivant.e.s. La Covid-19 a contraint cette organisation à réorienter ses actions vers la lutte contre cette pandémie avant de bénéficier de l’appui de l’UNFPA en septembre 2020 pour sensibiliser sur les questions des VBG, collecter les cas des VBG, faire un suivi psychologique et orienter les survivant.e.s vers l’hôpital pour la prise en charge médicale.

Une survivante de viol sexuel reçoit les kits de dignité de la part de l’UNFPA à Mobaye

Cette prise en charge se limite au niveau médical et un suivi psychologique. La prise en charge juridique et socio-économique des survivant.e.s n’est pas encore assurée dans la ville, comme a témoigné Ignace Kouassi Kouagou, psychologue et clinicien de l’ONG Clira, basée à Mobaye.

Cette organisation reste seule pour combattre les VBG dans la région grâce à l’appui de l’UNFPA. Elle n’est rien pour le moment sans cet appui. Clira a formé 20 relais communautaires (RECO) pour assurer la sensibilisation de proximité. Ces RECO font face dans leur quotidien à deux types des VBG : La violence physique et le viol sexuel. « Nous enregistrons en moyenne 10 à 15 cas des VBG par mois. La plupart concerne les violences physiques et les viols sexuels », a confié Ignace Kouassi Kouagou.

Dans la ville de Mobaye, il faudra une clinique juridique en l’absence actuellement des services judiciaires et des forces nationales de la police et de la gendarmerie.

Les défis sont encore nombreux pour que la lutte contre les VBG prenne ses marques dans la ville de Mobaye et des environs. « Mobaye est notre zone d’intervention. Or, beaucoup des cas viennent de Zangba c’est-à-dire 60 KM d’ici et la prise en charge n’est pas complète », a regretté Ignace Kouassi Kouagou.

Les RECO, déterminés pour la cause manquent des moyens de déplacement, des imperméables pendant la saison pluvieuse ainsi que des sacs pour protéger les données et les modules de sensibilisation. Mais malgré ces difficultés, leur objectif reste de réduire considérablement le taux des VBG dans la région.

L’équipe de l’UNFPA et les RECO de Mobaye

Du point de vue des autorités, le projet de lutte contre les VBG à Mobaye a suscité beaucoup d’espoir chez les autorités locales, sanitaires, religieuses et administratives. La voix semble être la même : Soutenir et élargir le projet dans toute la préfecture avec la prise en charge globale.

Dans le centre de santé où les cas des VBG sont pris en charge, cette pratique touche plus les jeunes filles de 13 à 16 ans comme nous l’a confié William Ndaïmb-Kotto, infirmier accoucheur, responsable de la maternité et dispensateur des Antirétroviraux.

Si l’hôpital prend en charge les survivant.e.s des VBG, les leaders religieux et les autorités locales eux aussi, après avoir suivis la formation de Clira dans le cadre du projet soutenu par l’UNFPA réfèrent des cas des VBG vers cette structure pour la prise en charge psychologique. L’intervention de cette organisation humanitaire est venue soulager les autorités religieuses, qui, à l’absence des forces conventionnelles et autorités judiciaires ont, depuis 2013 fait la lutte contre les VBG leur cheval de bataille.

« Les gens ont encore des armes mais les femmes n’en ont pas. Elles continuent à subir les effets à travers les viols. C’est déplorable », a fait observer le pasteur-Evangéliste de l’Eglise Elim de Mobaye qui voit Clira pratiquement seule et en première ligne. « Son impact est visible mais elle reste très limitée pour couvrir toute la préfecture de la Basse-Kotto », a-t-il ajouté. Le pasteur exhorte les partenaires à soutenir davantage cette organisation pour bien mener ce combat pour la dignité humaine.

Le préfet intérimaire de la Basse-Kotto soutient que les activités menées dans la ville de Mobaye ont eu un impact positif, surtout en milieu jeune. Il compte aussi voir l’élargissement des zones d’intervention de l’ONG Clira dans la toute la Basse-Kotto et invite l’UNFPA a ouvrir un bureau dans sa préfecture.

Les défis restent énormes pour réduire le taux des VBG dans la Basse-Kotto, zone où les violations des droits de l’homme restent monnaie courante surtout avec des violences observées dans la région depuis quelques mois.

Fridolin Ngoulou