Depuis septembre, la France a refusé des demandes de visas de circulation à plus d’une dizaine d’officiels centrafricains. Une situation symptomatique des tensions entre les deux pays, qui pourrait s’aggraver à l’aune de futures enquêtes judiciaires.

L’histoire n’est qu’un énième épisode des tensions qui entourent le sujet de la délivrance de visas Schengen aux officiels centrafricains, mais cette démarche française pourrait être suivie d’un éventail de sanctions plus poussé : en route pour l’Assemblée générale des Nations unies à New York qui a débuté le 20 septembre, la délégation du président Faustin Archange Touadéra a connu une halte rocambolesque à Paris. Arrivée à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle sur les coups de 18 h par le vol Air France AF 773,  le groupe n’a pas pu obtenir de visa de circulation, à l’exception du chef de l’Etat. Pourtant formulée dès mi-septembre par la diplomatie centrafricaine, la demande a été refusée par Paris, qui leur a seulement délivré des visas de transit.

Résultat, les membres de la délégation qui n’étaient pas détenteurs d’un document d’entrée à titre personnel (carte de séjour, passeport) n’ont pu sortir de l’aéroport. Un autre qui, lui, disposait d’une carte de séjour renouvelée en 2020, a vu sa demande de visa de circulation et transit refusée.

Des restrictions depuis le printemps

C’est que, agacé des messages « anti-français » et de la coopération entre Bangui et la compagnie de sécurité privée russe Wagner (AI du 05/05/21), Paris poursuit, depuis le printemps, une politique de restriction en la matière. Ainsi, pour sa tournée estivale en France en juillet, la ministre des affaires étrangères Sylvie Baïpo-Témon – qui dispose de la nationalité française – fut contrainte d’utiliser ses documents personnels.

Ces décisions administratives, actées depuis Paris, ont été froidement accueillies sur les bords du fleuve Oubangui. Les médias proches du pouvoir s’en sont pris directement à l’ambassadeur de France en poste dans la capitale centrafricaine, Jean-Marc Grosgurin, accusé de « créer une barrière diplomatique entre Bangui et Paris ».

Tracfin surveille les avoirs centrafricains en France

La situation pourrait d’ailleurs s’aggraver. Outre l’étude approfondie des cartes de séjour dans l’Hexagone de plusieurs proches de Touadéra, l’agence française Tracfin, chargée de la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent, se penche sur le cas de plusieurs personnalités centrafricaines. De nombreux ministres ou conseillers présidentiels sont Français, ou ont des liens proches avec la France.

L’agence, sous tutelle du ministère de l’économie, prend soin depuis plusieurs mois d’analyser les avoirs et flux financiers jugés « suspects » en provenance de la Centrafrique. L’acquisition de biens mobiliers en France par plusieurs d’entre eux pourrait alimenter un éventuel dossier de « biens mal acquis » centrafricain.

Une situation déjà médiatisée dans la presse centrafricaine, dont plusieurs organes proches de l’opposition ont multiplié ces derniers mois les « révélations » sur les situations personnelles de figures banguissoises dans l’Hexagone.

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