La violence sexuelle engendre de graves conséquences sur la santé mentale des victimes en République centrafricaine (RCA). Ainsi, l’une de ces conséquences est la stigmatisation qui constitue un problème épineux dans notre société à cause du poids socio-culturelle. La stigmatisation affecte le psychisme des survivant-e-s et entraine les éléments suivants :

➢ L’exclusion sociale : qui se manifeste par le rejet de la victime dans sa communauté et en général des gens qui sont autour de la personne.

➢ L’isolement individuel : en partant du rejet de sa communauté, parfois certaines victimes décident d’arrêter leurs vies parce que le traumatisme est difficile à surmonter. Subséquemment, l’isolement social peut conduire la victime à la dépression et aux pensées suicidaires.

➢ Le passage à l’acte : cette étape plonge la victime pour mettre fin à sa vie. Car selon lui/elle c’est la meilleure solution pour palier à son problème.

 « Je n’ai plus l’estime de moi, je ne peux pas me marier après cette agression parce que les gens de mon village ne me considèrent pas comme une femme digne de nom ».

Ressenti d’une victime adolescente qui a été agressée. Cette jeune fille est plongée dans une tristesse profonde et un sentiment de désespoir parce qu’elle est devenue l’objet des moqueries de son village.

Ceci étant, ses parents sont obligés de déménager pour éviter la stigmatisation. « Je ne peux plus aller à l’école, ni me promener comme au début parce que les gens ont inventé des chansons en mon nom et me pointent du doigt à cause de l’évènement traumatique que j’ai vécu ».

La douleur de cette jeune fille à un sens culturel car en République centrafricaine, les croyances peuvent constituer un obstacle pour mener leur vie comme elle était avant l’agression. Par exemple dans certaines ethnies, les filles ou les femmes agressées ont perdu leur valeur après l’évènement vécu. De l’autre côté, pour les hommes, ils n’ont plus d’honneur et sont rejetés par la communauté.

Ces survivant-e-s se considèrent alors comme des personnes qui n’ont plus de place dans la société. J’ai rebondi après l’écoute active en disant ceci : « mademoiselle, je te félicite pour ta confiance et ton courage pour me partager ton ressenti et ta souffrance que tu n’as jamais exprimé à personne en dehors de ta famille ».

Pour cette fille, la stigmatisation l’empêche d’avancer dans son projet de vie et elle est bloquée : elle ne va plus à l’école à cause de la honte, elle ne parle à personne, elle ne fait que pleurer constamment… parce que l’aspect social à une influence sur son bien-être. L’agression sexuelle vécue par les survivante-s provoque plusieurs situations de détresse, de souffrance et de changements pour elle et sa famille (changement social, déplacement forcé, la déscolarisation, habitations détruites, perte de biens et de personnes chères).

D’où nécessité d’un accompagnement pour l’aider à alléger ces émotions et surmonter cette situation. A la fin de notre séance, j’ai rassuré la survivante par rapport à sa souffrance et valorisé son courage de m’avoir relaté son vécu malgré sa tristesse. Ainsi je l’ai réconfortée en lui disant que j’étais disponible pour l’aider, que tout ce qu’elle me disait resterait confidentiel et que nous sommes là pour l’écouter de manière bienveillante, la soutenir psychologiquement et la soulager.

Ce faisant, les psychologues et les conseillers psycho-sociaux apportent un soutien émotionnel pendant la prise en charge des victimes de la violence sexuelle afin de reconstruire leurs vies à travers la verbalisation de leurs souffrances (émotions) pendant les différentes séances d’entretiens cliniques.

 Même si nous recevons et aidons plusieurs survivant-e-s au sein de notre projet, nous nous posons toujours la question de savoir quel sera le sort de ceux/celles qui ne n’ont pas pu bénéficier d’un suivi psychologique ou d’une écoute bienveillante.

*** MSF a lancé « Tongolo » depuis 2017, un projet de prise en charge médicale et psychologique des survivant-e-s de la violence sexuelle au sein de l’Hôpital Communautaire et dans le centre de santé Bédé Combattant. Afin de renforcer le volet holistique et de proposer une prise en charge multidisciplinaire des survivante-s qui réponde au mieux à leurs besoins, le centre Tongolo a ouvert le 31 juillet 2020, dans le quartier Batignolles, derrière le parc du cinquantenaire, dans le premier arrondissement. Plus de 6 000 survivant-e-s de la violence sexuelle ont bénéficié d’une prise en charge médicale, psychologique et psychosociale par les équipes MSF depuis le lancement du projet Tongolo. Si vous avez été victime de la violence sexuelle, vous n’êtes pas seul-e et vous ne le serez jamais plus. L’équipe Tongolo est là pour vous aider.

Gwladys NGBANGA-YEMA, conseillère éducatrice de Tongolo