L’alerte du départ des forces françaises a été donnée hier par le site web français Afrique Intelligent. La mission logistique de Bangui (MISLOG), la dernière présence des forces françaises doit plier ses bagages du camp M’Poko à Bangui d’ici à la fin de l’année 2022. Le président Macron est attendu pour faire une annonce officielle.
Alors que les forces russes renforcent leurs présences et influences en Centrafrique depuis 2018 aux côtés des forces armées Centrafricaines (FACA), la France, quant à elle perd son influence sur son ancienne colonie, restée pourtant pays pauvre au bas de l’échelle planétaire et qui a cumulé plusieurs années de conflits armés.
C’était pourtant prévisible quand depuis 2018, des groupes de pression nationaux ont lancé l’idée du départ des forces françaises de la base aérienne de l’aéroport Bangui M’Poko. Plusieurs manifestations ont été organisées pour demander le départ de ces forces. Cette alerte intervient comme un bon débarras pour de nombreux internautes mais, un départ qui pourrait cacher des intentions de troubler la quiétude de la Centrafrique pour d’autres internautes. Car, selon cette catégorie, la France n’accepterait pas cette humiliation venue d’un petit pays pauvre comme la République Centrafricaine. L’autre camp réplique et indiquent que les temps ont changé et la Centrafrique ne restera pas longtemps sous cette néocolonialisme qui ne dit pas son nom.
En réalité, la France avait déjà perdu son influence en Centrafrique et seule cette mission militaire pouvait encore conserver une certaine influence dans le pays, en plus du Frans CFA que le pays utilise encore. La France a depuis avril 2020 suspendu son aide budgétaire à la Centrafrique et a influencé d’autres partenaires à le faire, notamment l’Union Européenne, le FMI, la Banque mondiale, avant de retirer tous les coopérants militaires.
Depuis 2018, la Russie a renforcé sa présence en Centrafrique et aurait envoyé un effectif supplémentaire important cette année, alors que l’autre partenaire militaire, le Rwanda, compte aussi renforcer sa présence en Centrafrique, en réduisant celle en République Démocratique du Congo (RDC).
Il y a quelques mois, l’état-major des forces de la Mission onusienne (MINUSCA) qui depuis son lancement en 2014 est dirigé par des officiers françaises avait vu aussi le retrait de la France de ce commandement. Sur le plan de la défense, la France n’a plus d’influence directe sur les forces déployées en Centrafrique, à moins qu’elle passe par certains contingents de la Minusca qui lui sont favorables pour continuer à influencer sur le terrain.
Genèse d’une présence de l’armée française en Centrafrique
Après l’indépendance de la République Centrafricaine le 13 aout 1960, l’armée française n’était pas vraisemblablement dans le pays, juste une base aérienne fermée plu tard en 1965. Plus de 10 ans d’absence, la France mène un coup d’Etat le 21 septembre 1979 lors de l’opération Barracuda pour destituer l’Empereur Jean Bedèle Bokassa et installer David Dacko. Vers 1980, au moins 1.500 éléments français vont occuper la base de Bangui et de Bouar (450 Km de Bangui).
En 1998, Ange Félix Patassé alors président de la République ferme les deux bases. L’armée française revient après le coup d’Etat de François Bozizé le 15 mars 2003 et elle crée l’opération Boali, un site de formation entre Libreville (Gabon) et la Centrafrique. Depuis lors, cette présence est maintenue jusqu’en 2013 où l’opération Boali a pris le nom de la Sangaris après le coup d’Etat de Michel Djotodia contre le général d’Armée François Bozizé qui avait ramené les forces françaises dans le pays.
Le 30 mars 2016, le jour de l’investiture du président Faustin Archange Touadera, le président français François Hollande annonce la fin de l’opération Sangaris, une surprise pour les centrafricains qui vont voir qu’après le retrait de cette force, les groupes armés vont prospérer et occuper 80% du territoire national. C’est là où est né le sentiment antifrançais dont certains ne cessent de parler.
Dans la foulée, quelques éléments de la Sangaris vont rester pour créer de 2016 à 2021 le Détachement d’Appui Opérationnel (DETAO) et maintenir la présence au camp M’Poko à l’aéroport de Bangui. DETAO prend fin en 2021 et prend le nom de la Mission Logistique de Bangui (Mislog). Mislog a pour objectif de protéger les intérêts français et d’apporter un appui logistique au commandement de la Minusca et aux forces françaises qui sont dans l’EUTM-RCA, une mission européenne de formation des forces armées centrafricaines (FACA).
Quel avenir pour l’EUTM-RCA et de l’EUAM ?
Les deux sont des missions européennes auxquelles participe la France. L’EUTM-RCA est une mission de formation des militaires, l’EUAM une mission de conseil civile au ministère de l’intérieure, chargé de la sécurité publique. Le retrait de la France dans toutes les forces présentes en Centrafrique ne pourra pas, à la lumière des analyses de certains diplomates, avoir des répercussions sur ces deux forces, tant que la volonté nationale continuera toujours à soutenir ces deux missions.
L’Union Européenne pourra toujours continuer sans la France à former l’armée centrafricaine, bien-sûr en réduisant son effectif et pourra continuer à apporter son conseil stratégique au profit des forces de sécurité intérieure. Mais officiellement, la position de l’Union Européenne est attendue après l’annonce officielle du retrait des 130 derniers éléments français sur le sol centrafricain.
Les Centrafricains sont suspendus à l’annonce officielle de ce retrait que devra faire le président français Emmanuel Macron, le 1er ou le 2 septembre prochain, à l’occasion de la réunion des ambassadeurs.
Fridolin Ngoulou
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