Qui est « Kpeketevo » dont un quartier dans le 6e arrondissement de Bangui porte le nom ? Comment ce quartier a-t-il évolué ? Votre journal Oubangui Médias est allé à la source pour connaître les origines du nom de quartier du sud de Bangui. Une vraie étude onomastique qui va s’étendre à d’autre localité. Ceci est la republication de la version actualisée
Le quartier Petevo est un quartier phare du 6e arrondissement de Bangui qui est une subdivision administrative de la capitale centrafricaine. L’arrondissement est situé au sud-ouest de la capitale. Il s’étend du quartier Kpetene au nord aux rives du fleuve Oubangui au sud jusqu’au confluent de la rivière Mpoko. A l’ouest, il est limité par la commune de Bimbo et à l’Est par le canal Sapeke qui le sépare du 2e arrondissement de Bangui. Il est traversé par la route nationale RN6, au centre par l’avenue CEMAC et l’avenu Charles de Gaule (l’ancien avenue Bokassa), allant de l’école de la gendarmerie au centre-ville, tout juste au bord de l’Oubangui. Cette route est aussi appelée l’avenu Barracuda.
Qui est Georges Kpeketevo ?
Georges Kpeketevo est le nom du premier autochtone de l’actuel quartier. Natif de Yakoli (Bimbo dans l’Ombella M’Poko) vers 1889, fils de Yapama et de Moyengue, Georges Kpeketevo est considéré comme un homme fort, sage et doux de caractère pour ceux qui l’ont connu. Il est père de 5 enfants dont 4 garçons et une fille. Polygame, Georges Kpeketevo avait trois femmes.
C’est à l’enregistrement de sa naissance à l’état-civil de Bimbo que son nom « Kpèkètèvo » devint PETEVO pour faire simple.
Avant de s’installer sur l’actuel site de Petevo, Georges Kpeketevo habitait auparavant à Lakouanga dont le chef du quartier était son frère. Généreux, il avait la sympathie des habitants du secteur et cela commençait à créer la jalousie au point que son frère pensait qu’il pourrait prendre la chefferie. Un litige éclata entre les deux frères. Se sentant en insécurité, Georges Kpeketevo a donc décidé de quitter le quartier Lakouanga avec sa famille et son fils Nestor Kpeketevo. C’est donc avec un groupe de 10 personnes qu’il emménagea pour le nouveau site qui deviendra plus tard un grand quartier.
En quittant Lakouanga, le groupe emprunta l’ancienne avenue Bokassa au bord de la rivière. C’était la seule route qui passe du centre-ville jusqu’à l’actuel port-pétrolier, car, en ce temps, l’Avenue David Dacko, ni l’avenue CEMAC ni encore l’Avenue Mbaïki n’étaient pas encore tracé. Tout le secteur était totalement une grande forêt.
Il s’établit là où il donna les premiers coups de pioche en 1942 et baptisa son quartier en dialecte Gbaka «Tomokoumamoko », ce qui signifie en sango « pika Kate ti mon ape », autrement, « ne soit pas orgueilleux », principe d’humilité. C’est un message de tolérance envoyé à ses frères de Lakouanga qui lui reprochait sa clairvoyance, lui infirmier de formation.
Alors, Georges Kpeketevo et sa famille s’installèrent sur le site. Là, il retrouva un homme blanc surnommé « Monsieur du jardin ». Il était en principe le 1er occupant de ce secteur. Ce blanc faisait plusieurs jardins et plantait des fruits comme les mangues, les oranges, les avocats voire les bananes.
Influent et éclairé, Georges Kpeketevo forçait l’admiration de l’administration coloniale. La ville de Bangui continuait d’être cartographiée en 1944. C’est à cette période que l’administration coloniale jugea plus adéquat de baptiser le quartier Tomokoumamoko au nom de son chef PETEVO. Officiellement, le quartier Petevo a été créé le 22 Avril 1944 par Georges Kpeketevo.
Une fois installé, le groupe que dirigea Georges Kpeketevo vivait de la chasse, de la pêche, de la cueillette et du vin traditionnel très prisé. Gardant ses bonnes habitudes, Georges partageait toujours ses mets avec ses frères et consultait ses administrés avant de prendre des décisions.
Pour bien administrer son quartier, il s’entoura de quelques personnes dont son fils, Joseph Nestor Petevo, un garçon très intelligent et très sage, qu’il nomma premier notable. Georges Petevo décéda le 16/11/1963. Sa succession au niveau de la chefferie revenait à son premier garçon, Jean-Baptiste Kianda Petevo.
Ce fut finalement Joseph Nestor Petevo qui monta officiellement vers 1964 sur le « trône » de Petevo. Il administra le quartier à l’image de son père et décéda en 2001. Après quelques mois, le notable de Nestor pris le relais et décéda quelques années plus tard.
Après une période de transition, une élection locale fut organisée le 23 décembre 2019 et la femme de Nestor, la remporta. Mme Angélique Petevo reprit donc le « trône » et administre actuellement la localité avec honneur et témérité.
Au journal Oubangui Médias, Angélique Petevo a rappelé que « le chef du quartier est le garant de l’unité et de la cohésion sociale ». Grâce à l’expérience acquise auprès de son défunt époux, elle réussit à « assurer l’équilibre entre les diverses couches de la population de son quartier ». Elle favorise le dialogue et la réconciliation à plusieurs reprises dans le quartier. Pour preuve, elle est toujours Cheffe du quartier Petevo malgré son âge avancé. Elle est chouchoutée par les hommes et les femmes du secteur. Aujourd’hui, le quartier Petevo est devenu vaste. L’arrondissement est constitué de 22 quartiers recensés en 2003 avec 85 320 habitants pour une superficie de 670 ha = 6,70 km2.
Plusieurs ethnies y vivent en harmonie depuis l’extension de ce quartier dont les Ngbougou et les Yakoma malgré quelques tensions intercommunautaires qui ne manquent pas.
Plusieurs membres de la famille Petevo sont des chefs traditionnelles. Le dernier fils de Georges Petevo, le nommé Evariste Petevo est chef du village Gbokila un village situé à une vingtaine de km sur la route de Mbaïki au sud du pays.
Qu’est qu’on trouve dans le secteur ?
Le quartier Petevo dispose d’une l’école de Gendarmerie Nationale, d’un Commissariat de police, d’une base des sapeurs-pompiers, d’une Mairie, d’un bureau de la Croix Rouge du 6ème, d’une école primaire publique et des écoles privées, d’une Eglise Catholique, d’un hôpital public et postes privés de santé, des boutiques, de deux stations-services, d’un monument dédié à l’homme des Mères, de deux boulangeries, d’une maison des jeunes, d’un terrain de football appelée Maya-Maya, d’un marché, du marché des bois cillés, des bars dancing, des caves…et de plusieurs autres commerces.
L’abattoir frigorifique de Bangui, géré par la SEGA (Société d’État de Gestions des Abattoirs) se trouve dans ce quartier, le port pétrolier et le marché du port de Kolongo ainsi que le centre de traitement des ordures.
Cependant, ce quartier éprouve aujourd’hui de nombreuses difficultés. Le manque d’urbanisation entraine des graves inondations, le problème d’eau potable et des infrastructures routières en état de dégradation très avancées.
Loïc Mbombo/Alexie Ngbodo
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