Faisant partie du groupe Castel en difficulté en Centrafrique pour avoir été accusé de soutenir les rebelles de l’UPC en échange de protection de ses installations, la filiale Sucrerie Centrafricaine (SUCAF) entame une phase de liquidation. Une douche froide pour plus de 1.200 employés.

Le vrai déclin a commencé suite à la publication le 18 août 2021, du rapport de l’ONG américaine The Sentry, qui révèle que la Sucrerie Centrafrique, a conclu « un accord tacite » de sécurité avec l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), un groupe armé bien connu pour sa brutalité dirigé par le mercenaire nigérien Ali Darass.  L’objectif apparent de cet arrangement visait à faciliter la protection de l’usine et des champs de canne à sucre de la SUCAF RCA, mais aussi d’assurer la libre circulation des transporteurs sur les axes routiers clés et d’aider à assurer le monopole de la société sur la distribution du sucre dans plusieurs préfectures sous contrôle rebelle. En contrepartie du soutien de l’UPC, la SUCAF-RCA a financé cette milice violente par le biais de paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme de réparations de véhicules et d’approvisionnement en carburant.

Une année plus tard, l’étau s’est resserré autour du géant français de la boisson Castel au sein duquel groupe se trouve la SUCAF RCA. Une enquête préliminaire a été ouverte le mercredi 29 juin à Paris contre le groupe accusé depuis l’an dernier de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en RCA. Castel disait prendre acte et est pleinement disposé à coopérer avec la justice.

L’Effondrement d’un système de monopole ?

Ce groupe français fait face depuis une dizaine d’année, notamment à partir 2013 à une concurrence parfois déloyale sur le marché du sucre et tente en vain depuis 2018 d’obtenir un nouveau protocole d’accord avec les autorités nationales pour lui permettre de renforcer son investissement.

Au final, cette société qui a longtemps entretenu le monopole sur le marché du sucre tombe bientôt en faillite. La société SUCAF RCA, filiale du groupe Castel vient d’être mise en liquidation et elle est appelée à cesser définitivement ses activités sur le territoire centrafricain. Les actionnaires de la Société SUCAF RCA ont décidé le 28 juin 2022 de cette liquidation dont on ignore encore les vraies raisons. C’était lors d’une Assemblée Générale Extraordinaire qu’ils ont prononcé la dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable à compter du 28 juin 2022. Son Directeur Général Martin Akem a été nommé liquidateur de cette société.

Il faut signaler que c’est depuis plusieurs années que cette société est confrontée à d’énormes difficultés liées à la crise militaro-politique que le pays a connue avec des répercussions graves sur son site de production à Ngakobo dans la Ouaka au centre du pays, là où son usine est implantée. Ajouter à tout cela la non signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement qui pourrait faciliter l’augmentation de sa production voire l’amplification de ses actions.

La SUCAF RCA  est une Société Anonyme de droit centrafricain, située à Bangui, au capital de 6.243.460.000 francs CFA (soit 21.723.985 Euros). Elle commercialise son sucre sous la marque Princesse Tatie depuis novembre 2012. Le sucre est destiné au marché local, vendu sous divers packagings. Mais cette société est aussi dans la culture de la canne à sucre, la production de sucre blond uniquement, la commercialisation de sucre blond raffiné dans l’Agglomération de Bangui.

SUCAF-RCA produit au moins 450 tonnes de canne par jour, soit une production annuelle de 12 000 tonnes de sucre uniquement blond sur un domaine de 5.137 hectares dans la ville de Ngakobo, située à 460 km de Bangui.

De nombreuses sociétés et entreprises disposent d’une licence d’importation du sucre, ce qui a effondré le monopole de la SUCAF-RCA sur le marché à partir de 2013. Ce secteur semble avoir été libéralisé et désormais plusieurs opérateurs économiques peuvent importer du sucre comme la SUCAF RCA car sa production locale ne permet pas de couvrir le besoin national.

En effet, la nouvelle de cette liquidation rend perplexe plus d’un, surtout les 1200 employés qui ont accueilli cette nouvelle comme une douche froide.

L’Etat reprendrait-il sa société privatisée en 2003 ?

La SUCAF RCA a été créée en 2003, suite à la privatisation de la Société de Gestion des Sucreries Centrafricaines (SOGESCA), pour une valeur de 2,2 milliards de FCFA, soit 3,3 millions d’euros. La SOGESCA a été créée en 1987 par l’Etat Centrafricain. Pendant ce temps, elle produisait au moins 6000 tonnes de sucre par an et employait 300 personnes.

Depuis le retour à l’Ordre constitutionnel, le gouvernement n’a pas renouvelé le Protocole d’Accord avec la SUCAF-RCA. Les raisons ne sont pas officiellement connues. Cependant, des sources proches du dossier ont confié à Oubangui Médias qu’il n’est pas exclu que l’Etat Centrafricain reprend en main cette société.

Mais, ajoute la source, cette société à plusieurs charges sociales et des passifs dont il faut un investissement un peu lourd pour supporter et lancer son développement.

En attendant, le processus est lancé et le gouvernement est attendu pour se prononcer sur cette annonce de liquidation.

Fridolin Ngoulou