Du 07 au 12 février 2022, le programme WCS et le ministère des eaux, forêts, chasse et pêche ont conjointement organisé à Ndelé dans la Bamingui-Bangoran, un atelier de formation sur l’outil IMET. Et, ils ont procédé aussi à son remplissage qui servira de données statistiques, permettant aux acteurs de l’évaluation et la gestion du complexe des aires protégées du nord-est de la République centrafricaine de bien travaillé. Invité pour assurer la couverture médiatique de ces activités, Oubangui Médias a profité de l’occasion pour tendre son micro à Nestor Waliwa, directeur de la faune et des aires protégées au ministère des eaux, forets, chasses et pêche pour faire l’état des lieux du compte des aires protégées de Centrafrique

Oubangui Médias : Monsieur Nestor Waliwa bonjour.

Nestor Waliwa : bonjour monsieur le journaliste.

Oubangui Médias : Vous êtes le directeur des faunes et des aires protégées en Centrafrique. Alors dites-nous à ce jour, quel est l’état des lieux des aires protégées  et des zones de conservations de Centrafrique?

Nestor Waliwa : L’état des lieux de la zone de conservation et des aires protégées de la République centrafricaine fait preuve d’une augmentation par rapport aux années précédentes dû aux différentes crises qu’a connues notre pays. Nous constatons à l’heure actuelle dans presque toutes les aires protégées de la RCA, la faune (ensemble des animaux sauvages)  est en train de revenir et la flore (l’ensemble  aux plantes) est à un état stable. Certaines Aires protégées qui n’avaient pas de financement, nous sommes en train de tout faire pour décrocher de partenariat pour nous appuyer dans la  conservation et la gestion de ces aires protégées.

Oubangui Médias : Quels sont les espèces que l’on peut retrouver aujourd’hui dans ces aires protégées ?

Nestor Waliwa : Les espèces les plus protégées que l’on peut retrouver à ce jour dans nos parcs sont les éléphants, les grands singes comme les gorilles, les chimpanzés, les pangolins géants qui sont des espèces très précieuses sur la marché mais malheureusement trop braconniers à ce jour à cause de leur écailles, les espèces de félins appelées des lycaons qui pendant longtemps ont disparu dans nos aires protégées et qui sont en train de revenir et plusieurs autres dont je ne peux pas tout citer.

Oubangui Médias : Qu’en est-il de la présence des rhinocéros qui sont des précieuses espèces ?

Nestor Waliwa : Concernant les données, les rhinocéros ont disparu en Centrafrique depuis 1985 que le dernier rhinocéros a été tué dans la zone de Birao et jusqu’à ce jour, nous n’avons aucune trace de ces espèces dans nos aires protégées.

Oubangui Médias : Dit-on qu’aujourd’hui, plusieurs têtes des fauves ont dû quitter les aires protégées de Centrafrique et ont traversé des frontières voisines, confirmez-vous cette information ? Et quelles sont les causes ?

Nestor Waliwa : Les animaux sauvages n’ont pas de frontière comme les êtres humains. Ils vivent là où ils sont en sécurité. Cela sous-entend que la raison principale de la migration de cette faune, c’est le braconnage dans les aires protégées. C’est ainsi que pendant la crise militaro-politique qui a secoué la RCA que plusieurs animaux sauvages ont migré vers les pays voisins.  Mais aujourd’hui comme nous constatons qu’il y a la paix, ces animaux sont en train de revenir en suivant leur couloir car ils savent là où ils peuvent trouver de l’eau, de la nourriture et surtout la tranquillité.

Oubangui Médias : On retrouvait également dans la région de Bamingui-Bangoran, un lac qui avait la plus forte concentration d’hippopotame au monde, quel est l’état actuel de ce lac ?

Nestor Waliwa : Evidemment, ce lac existe mais de manière précise, il s’agit d’une mare avec une population importante des hippopotames. Même dans le parc de Manovo Gonda Saint Floris à quelques kilomètres de Ndelé, il y a des hippopotames qui sont sous contrôle de WCS contre le braconnage.

Oubangui Médias : Dit-on que ces hippopotames attaquent souvent la population, n’est-ce-pas là un aspect dangereux ?

Nestor Waliwa : Certes, il arrive de fois des hippopotames attaquent la population. Mais, il faut retenir que ce sont des espèces qui vivent dans l’eau mais qui se nourrissent des jeunes plantes hors de l’eau. Mais le problème qui se pose est que parfois se sont les pécheurs qui partent là où habitent ces hippopotames car l’expérience a montré que là où se trouvent ces espèces, il y a également beaucoup de poissons. C’est ainsi qu’il y a la guerre entre les hippopotames et les pécheurs surtout quand l’hippopotame a son petit dans l’eau, il devient très dangereux.

Oubangui Médias : Malgré la présence de WCS et la patrouille régulière des éco-gardes, peut-on dire que  le phénomène de braconnage est-toujours régulier ?

Nestor Waliwa : Le braconnage est une  activité illicite de chasse dans les aires protégées. Cela est formellement interdit et condamné par la loi. Souvent, la loi précise des espèces que l’on ne doit pas tuer, les types des armes comme les armes de guerre, les câbles et aussi la pêche traditionnelle avec la stratégie d’empoisonnement.

Oubangui Médias : Mais les autochtones ne cessent de se plaindre  du moment où l’équipe de contrôle leur interdit carrément de chasser alors que cette faune est un don gratuit du ciel et qui se trouve dans leur région. Qu’en pensez-vous ?

Nestor Waliwa : C’est un problème de compréhension car ces derniers doivent savoir que la protection de faune est pour le bien être de la population. Il n’est pas question d’une interdiction formelle mais plutôt une question de régulation afin de ne pas détruire la faune et la flore. C’est ainsi qu’il y a la stratégie de zonage pour permettre à la population locale de chasser librement selon les règles mais ces chasseurs qui veulent toujours entrer dans la zone interdite. Alors, les autorités locales doivent sensibiliser la population dans cette lancée et non les monter contre l’équipe de la conservation puisque la population locale fait confiance aux autorités locales qu’à l’équipe de la conservation. Cela crée un réel conflit mais la sensibilisation et le dialogue sont les meilleures façons de faire pour trouver de palliatif à ce problème.

Oubangui Médias : Mais selon son cahier de charge, est-ce-que le projet de conservation a aussi l’obligation de construire des infrastructures dans les régions où il s’installe ?

Nestor Waliwa : Les gens font souvent cet amalgame entre un projet de conservation et celui des infrastructures. Il y a ceux qui pensent que, quand un projet de conservation s’installe dans une région, on doit leur construire des maisons, des écoles, des hôpitaux, bref des infrastructures. Alors que tel n’est pas le cas du moment où chaque projet a une mission et un objectif bien déterminé. Certes, le WCS a un cahier de charge qui régit son organisation et  fonctionnement. Il revient à WCS de partager ce cahier de charge avec les autorités locales afin que chaque partie assure le suivi du projet. Toutefois, l’organisation peut établir des programmes socioéconomiques afin de permettre à la population locale d’avoir des activités génératrices de revenus qui vont les préoccuper et de gagner de l’argent et d’avoir peu de pression sur la faune et la flore. Mais cela doit se faire dans une entente cordiale.

Oubangui Médias : Une autre plainte pour la population locale est que vos organisations non gouvernementales travaillent souvent qu’avec les expatriés et les gens de Bangui au détriment des natifs, confirmez-vous ces allégations au niveau de WCS?

Nestor Waliwa : Logiquement, quand un projet s’installe dans une localité, il doit travailler avec les natifs locaux. Et, c’est ce que le WCS a fait au niveau de son complexe dans la Bamingui-Bangoran où près de 70% du personnel est local. Cependant, il y a certains postes de responsabilités qui exigent de compétence et l’expertise dont on n’arrive pas à trouver localement. De surcroit, ces ONG lancent toujours des appels d’offres, et il revient à tout un chacun de postuler. Triste est de constater souvent que les locaux n’ont pas la qualification pour ces postes, voilà pourquoi, les projets sont obligés d’ouvrir leurs portes aux expatriés et aux centrafricains qui sont qualifiés et qui sont de Bangui. C’est aussi un réel sujet de problème mais il est important que la population locale fasse preuve de compréhension car si on trouve des gens qualifiés surplace, on va les recruter car c’est la norme.

Oubangui Médias : La transhumance est-elle aussi un obstacle à la bonne gestion des aires protégées? Comment vous faites pour y faire face ? 

Nestor Waliwa : La transhumance est aussi une activité économique très développée dans le nord, nord-est et sud-est du pays. Cela a malheureusement un impact sur la gestion de la faune. Si les transhumants respectent leurs couloirs, cela ne causeras pas de problèmes mais dommage souvent c’est une transhumance incontrôlée. Cependant, nous pouvons dire que notre pays n’a pas un schéma directeur d’aménagement du territoire. Si cela existe, il permettra de délimiter les zones par rapport aux différentes activités (zone minière, d’élevage, de chasse villageoise, d’agriculture) et tout le monde allait se retrouver tout en respectant la limite. Mais, dans le nord, il y a des couloirs de transhumance qui existent mais malheureusement les transhumants ne les respectent pas et entrent avec leurs bétails dans les aires protégées. 

Oubangui Médias : Pouvez-vous nous dire aussi où en sommes-nous avec la gestion du complexe des aires protégées du sud-ouest ?

Nestor Waliwa : Dans la partie sud-ouest, nous avons deux grandes aires protégées à savoir celle de Dzanga-Sangha qui est très bien organisée et qui se trouve dans la zone de tri nationale de la Sangha entre le Cameroun, le Congo et la RCA. A cet effet, il y a une véritable équipe de lutte anti-braconnage, des éco-gardes qui travaillent à plein temps. Par contre celle de Mbaéré-Bodingué dans la zone de Ngotto est presque abandonnée. Il n’y a plus de financement, voilà pourquoi le braconnage est très développé dans cette aire protégée. Face à cela, nous sommes en train de négocier avec la Banque mondiale pour accorder un financement pour le relèvement des activités de ce parc.

Oubangui Médias : Devant les différents défis évoqués, quelles sont les stratégies que l’on peut mettre en place afin d’assurer d’une gestion saine de ces aires protégés ?

Nestor Waliwa : Nous avons beaucoup de défis en matière de conservation dont le premier est la ressource humaine qualifiée en la matière. Et surtout, il nous faut des financements conséquents. On ne peut pas assurer la gestion d’une aire protégée sans un personnel ni un financement. C’est le cas du parc de Ngotto dont on a parlé tout à l’heure. Nous travaillons qu’avec les partenaires. Ce qui témoigne que dès que les partenaires vont nous lâcher, les aires protégées vont aussi disparaitre en Centrafrique. Pour ce faire, nous devons multiplier les négociations avec les partenaires et aussi le gouvernement centrafricain doit assumer sa responsabilité à travers la formation des experts et en misant sur le financement.

Oubangui Médias :  Monsieur Nestor Waliwa je vous remercie.

Nestor Waliwa : C’est à moi de vous remercier.

Interview réalisée par Brice Ledoux Saramalet