La crise au Soudan engendre une situation humanitaire dramatique au niveau des frontières avec la Centrafrique. Plusieurs dizaines de milliers des réfugiés sont arrivés sur le sol Centrafrique. A ceux-là il faut ajouter le retour des réfugiés centrafricains qui se trouvaient dans les villes de Soudan.
L’afflux des réfugiés et des retournés plonge cette petite ville dans une crise humanitaire. Dans cette région de l’extrême nord de la Centrafrique où l’accès humanitaire est souvent très difficile, les acteurs humanitaires sont à pieds d’œuvre pour venir en aide aux réfugiés, aux rapatriés centrafricains qui se trouvaient au Soudan mais aussi aux populations locales qui vivaient déjà un drame humanitaire avant la crise. A l’exemple de ces acteurs humanitaires, nous avons le CICR qui a dépêché une équipe sur place.
Philippe Beauverd, le Chef de Délégation du CICR en Centrafrique a accepté répondre à l’interview exclusive de l’Oubangui Médias.
Oubangui Médias : Bonjour Philippe Beauverd. Vous êtes le Chef de Délégation du Comité International de la Croix Rouge en Centrafrique (CICR). Les volontaires de la Croix Rouge Centrafricaine (CRCA) avec l’appui du CICR en Centrafrique effectuent les premières assistances aux déplacés soudanais et aux rapatriés centrafricains à Am Dafock. Vous en tant que partenaire du CRCA, quelle lecture faites-vous déjà de la situation humanitaire dans cette zone ?
Philippe Beauverd : Bonjour et merci pour votre présence. Pour le moment, il est tôt de parler de la catégorie des personnes qui arrivent. Mais, il y a beaucoup des gens qui ont traversé du Soudan. Les premières impressions c’est qu’il s’agit des déplacements préventifs, beaucoup plus des femmes et d’enfants. Une organisation se charge d’enregistrement des personnes qui arrivent. Am Dafock est une petite ville d’au moins 17.000 habitants mais lorsqu’on enregistre l’arrivée de plusieurs autres milliers de personnes, cela crée des problèmes. J’ai cru comprendre que le marché est vide, très peu de choses à acheter, cela crée un problème aussi pour les habitants locaux.
Oubangui Médias : Mais qu’elles sont les premiers besoins humanitaires qui se font ressentir dans cette région ?
Philippe Beauverd : Oui, c’est toujours la même chose lorsqu’on a une situation du genre. Les premiers besoins sont à l’ordre de l’hygiène, de l’eau, d’assainissement, les médicaments et finalement la nourriture.
Oubangui Médias : Alors qu’elles sont déjà les premières assistances que vous avez apporté à ces personnes vulnérables ?
Philippe Beauverd : Avec la CRCA de Birao, nous avons affrété notre petit avion qui a fait des rotations vendredi et samedi. Nous n’avons plus de base dans la région depuis 2020. Nos collègues se sont bien organisés sur place pour louer des camions et autres véhicules et sont arrivés dimanches soir afin d’organiser l’accès à l’eau. Heureusement, on avait réhabilité il y a quelques mois des pompes à eau et des puits à Am Dafock. Nous avons branché un premier bladder de 1.500 litres qui va être rempli par une pompe avec des robinets pour aider la population. Nous avons un deuxième bladder à installer. Nous avons aussi emmené des médicaments qui seront remis au poste de santé qui permettront de faire 1.000 consultations avec des anti-malariques. C’est quand-même quelques choses d’importantes.
C’est pour nous, un premier appui d’urgence en attendant que les autres acteurs se positionnent car, notre mission est d’appuyer les déplacés mais pas les réfugiés. C’est un appui urgent en attendant que les gens eux-mêmes décident de ce qu’ils vont faire, retourner ou rester un peu, aussi ce que les autorités centrafricaines vont décider ensemble avec le HCR. Est-ce qu’ils vont être relogés à Birao ou à Am Dafock.
Nous devons organiser une assistance d’urgence qui doit aussi être bénéfique à la population locale. Nous en avons fait parce qu’on a jugé qu’on pouvait faire assez rapidement. Mais nous allons voir le mouvement de la population civile qui arrive.
Ce qui est aussi important pour nous, c’est le rétablissement des liens familiaux. Nous sommes en train de voir s’il y a des enfants non accompagnés pour les suivre, avec l’aide de la CRCA et en parfaite collaboration avec les autorités nationales centrafricaines.
Oubangui Médias : Am-Dafock est loin à la frontière, quels sont les défis que vous faites face depuis votre premier déploiement ?
Philippe Beauverd : Nous avons décidé mercredi matin et le dimanche, nous étions à Am Dafock, en passant par Birao vendredi. De notre côté, nous n’avons pas vraiment eu des défis majeurs. Mais le problème, il est quand même de notre côté. Nous n’avons plus de bureau à Birao. C’est l’équipe de Ndele qui a rejoint Birao. Heureusement, nous travaillons avec la CRCA dont on avait réhabilité le siège dans la ville. Il n’est pas prévu qu’on s’installe pour l’instant.
Le défi, c’est le transport. Il n’y a pratiquement pas de véhicule, on doit tout louer mais on trouve difficilement car c’est une petite ville. Je me suis laisser dire que dans quelques semaines, il va vraiment pleuvoir et ça va être compliqué l’intervention humanitaire.
Oubangui Médias : Bien avant l’arrivée des réfugiés soudanais et les rapatriés centrafricains, dans quelles conditions vivaient les habitants de cette région reculée de la RCA ?
Philippe Beauverd : Am Dafock n’est pas une région où les humanitaires en général y vont très souvent. Sur cette route entre Birao et Am Dafock, nous sommes au moins deux organisations à la prendre, comme j’ai dit tout à l’heure, nous avions réhabilité des puits que nous avions construits il y a quelques années. C’est une région assez compliquée. On le sait bien, Am Dafock Centrafrique et Soudan sont séparés par un cours d’eau et c’est un endroit assez poreuse au niveau des frontières. Il y a des mouvements constants dans cette partie du pays. Ce n’est pas une zone totalement sûre. Nous cherchons constamment à avoir des contacts avec les acteurs étatiques et non étatiques pour nous permettre de circuler dans une relative sécurité.
Oubangui Médias : Votre organisation humanitaire est-elle inquiète du développement de la crise au Soudan sur la population civile à la frontière avec la RCA ?
Philippe Beauverd : La situation au Soudan est extrêmement inquiétante. Vous avez vu que le CICR a pu faire atterrir un avion avec des médicaments pour les hôpitaux via le port de Soudan pour ramener à Khartoum.
Les équipes du CICR sont de retour à Khartoum. C’est extrêmement difficile. Nous avons aussi nos collègues du Darfour qui sont en partie partis sur le Tchad dans des conditions très compliquées. Ces situations impactent déjà les pays frontaliers de manière importante. Il y a déjà des chiffres importants qui circulent sur le Tchad, l’Egypte, le Sud Soudan et la Centrafrique.
Oubangui Médias : Monsieur le Chef de Délégation du CICR en Centrafrique, nous vous remercions.
Philippe Beauverd : C’est à moi de vous remercier.
Interview Réalisée par Fridolin Ngoulou
Commentaires récents