La Cour Criminelle encore en première  session ordinaire de l’année 2022 vient d’acquitter ce mardi 21 juin le général Ludovic Ngaifei, un jour après l’acquittement de l’ancien ministre de la justice, aussi ancien ministre des postes et télécommunications Thierry Savonarole Maleyombo pour absence des preuves. Ils ont été accusés d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, d’association des malfaiteurs et de préparation d’un coup d’Etat, et de l’incitation à la haine en ce qui concerne le général Ngaifei. 

Le Général Ngaifei serein devant la barre

Le procès dans l’affaire ministère public contre le général à la retraite Ludovic Ngaifei est ouvert hier mardi 21 juin 2022 à la Cour criminelle de Bangui. Serein devant les juges, il a démontré avec son conseil son non culpabilité dans les faits qui lui sont reprochés.

« La Cour, au nom du peuple centrafricain et après en avoir délibérée conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement à l’égard de l’accusé avec le concours des jurés à la majorité des voix en matière criminelle et en dernier ressort ; sur la culpabilité acquitte l’accusé Ngaifei Ludovic, poursuivi pour les crimes d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, complot et le délit d’incitation à la haine et mépris des autorités, infractions non constituées. En conséquence ordonne la mise en liberté du détenu et le met en dépens du trésor public », a déclaré le président Antoine Laou.

La partie civile dispose de trois jours francs pour pouvoir en cassation en cas de non satisfaction des conclusions de ce jugement.

En effet, le Général à la retraite Ludovic Ngaïféi avait été arrêté le 16 janvier 2021, trois jours après l’attaque de Bangui par la CPC, auditionné à la Section de Recherche et d’Investigations (SRI) de la Gendarmerie Nationale, avant d’être transféré au Camp de roux.

Son procès a pris un an et demi avant d’avoir lieu. Ce général à la retraite, reproché d’être proche de François Bozizé a été Chef d’Etat-major de Faustin Archange Touadera avant de demander une retraite anticipée. Il avait fait signer une tribune dans la presse, ce qui n’a pas plu aux autorités du pays. Dans la foulée, François Bozizé revenait dans la toute discrétion à Bangui et reprenait ses activités politiques avant de se lancer à nouveau dans les maquis pour créer la CPC en décembre 2020.  Le général Ngaifei avait été accusé pour connivence avec François Bozize, étant proche de cet ancien président de la République qu’il a servi comme conseiller militaire à la Présidence de la République.

La justice n’a pas disposé des preuves tangibles pour le condamner, même si le procureur avait requis 10 ans des travaux forcés.

Le cas Thierry Savonarole Maleyombo

Thierry Savonarole Maleyombo, ancien ministre de la Justice et des postes et télécommunication, l’un des membres influents du parti Kwa na Kwa (KNK) de François Bozizé avait été arrêté en décembre 2020, alors que la rébellion formée par l’ancien président de la République François Bozizé devait de lancer plusieurs offensives, occupant ainsi la majeure partie du territoire national.

Son arrestation était intervenue peu après la publication d’une lettre dans laquelle, il annonçait se retirer de toutes les actions en lien avec la rébellion de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) que son mentor François Bozizé avait créé et qui lançait des offensives dans plusieurs villes de province, avant d’atteindre Bangui le 13 janvier 2021.

Thierry Savonarole Maleyombo est arrêté à son domicile avant d’être transféré dans une prison de la place.

Après une année et demi passée en détention dans la prison du camp de roux,  une prison sous haute surveillance, laquelle détention était souvent dans des conditions difficiles, Thierry Savonarole Maleyombo a été aussi accusé d’avoir des conversations avec Jean Eudes Teya, ancien représentant de la RCA à la Commission de la CEMAC. Jean Eudes Teya est alors le secrétaire général du parti KNK et était ensemble avec François Bozizé dans les maquis. Le Procureur de la République, près la Cour d’Appel de Bangui Eric Didier Tambo avait mis dans le dossier de l’ancien ministre Maleyombo une capture de conversation entre les deux hommes, membres du parti KNK.

Mais après les enquêtes et le procès, ceci ne constitue pas une preuve tangible pour le déclarer coupable. L’accusé a plaidé non coupable mais le Procureur de la République Eric Didier Tambo avait requis 20 ans des travaux forces à l’encontre de Maleyombo. Les quatre avocats de l’accusé ont jugé que c’est un procès politique et que leur client ne devrait pas comparaitre devant la session criminelle.

Les juges ont décidé finalement de l’acquitter pour absence des preuves.

L’acquittement de l’ancien ministre Thierry Maleyombo et du général Ludovic Ngaifei intervient après celui d’un autre ancien ministre des arts et du tourisme, Dieudonné Ndomaté et ses 15 coaccusés, le vendredi 27 mai 2022, après deux semaines de procès. Ceux-ci ont été aussi arrêtés pour complot, en lien avec la rébellion de la CPC.

Dieudonné Ndomaté, un leader Anti-Balaka est accusé d’être proche de François Bozizé. Il avait intégré le gouvernement au bénéfice de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation Nationale, négocié à Khartoum et signé à Bangui le 6 février 2019.

Depuis le début de la session criminelle de la Cour d’Appel de Bangui jusqu’à sa clôture sur l’affaire Ngaifei plusieurs accusés ont été relaxés. Est-ce une stratégie pour décrisper la tension encore tendue dans le pays où simplement l’absence des preuves matérielles?  C’est la question que nombreux observateurs de la vie publique du pays se posent.

La session criminelle s’est tenue parallèlement aux procès de la Cour Pénale Spéciale.

Fridolin Ngoulou