2016, la justice centrafricaine s’évertue à occuper singulièrement sa place de la pierre de touche pour la stabilité d’un État. Elle constitue également un vecteur non négligeable de l’amélioration du climat des affaires. Du moins que l’on puisse dire, les acteurs judiciaires et les experts ont fait des grands pas dans le cadre des réformes du secteur de la justice à travers la politique sectorielle de la justice, pour que l’année soit en partie la colonne vertébrale de la lutte contre l’impunité.

Les progrès réalisés avec l’appui des partenaires

Dans le cadre du programme de réforme de la justice financé par l’Union Européenne et mise en œuvre par le projet Altair en Centrafrique, on note un progrès des réalisations avec le ministère de la justice entre autres : la création d’un site Internet qui facilite l’accès des usagers aux informations, l’élaboration des documents clés, comme par exemples les codes de déontologie des avocats, notaires, des huissiers de justice et du personnel de l’administration judiciaire.

Les responsables du ministère ont été formés et sensibilisés ainsi que les juridictions auxiliaires. L’appui à l’école nationale d’administration et de magistrature a été régulier. Le projet de la révision du code pénal et code de procédure pénale a été enclenché ainsi que l’accompagnement de ce département ministériel à formaliser la gestion axée sur les résultats et les appuis en vue de préparer le passage du budget dit moyen au budget programme d’ici 2025.

La question de la mobilisation des menues-recettes a été aussi au centre des appuis que ce département ministériel a reçu de la part des partenaires, sans occulter l’élaboration des lettres de mission pour les cadres dudit ministère.

Tous ces projets visent à rendre visible les activités de la justice, à faciliter l’accès aux informations du public et à soutenir les sessions criminelles.

L’avancée complexe de la Cour pénale spéciale (CPS)

Cette Institution hybride, la Cour pénale spéciale (CPS) créée en 2015, un véritable rouleau compresseur qui a du plomb dans l’aile, essaie de redorer son blason après 7ans de création.

En 7 ans, c’est au mois de novembre 2022 qu’elle a délibéré en prononçant des condamnations contre trois éléments du groupe armé Retour Réclamation et Réconciliation (3R) pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis le 21 mai 2019  aux villages Koundjili et Lémouna. Les désormais trois coupables avaient assassiné plus de quarante civiles dans ces deux localités.

Cette juridiction mixte, composée des juges nationaux et internationaux vient de bénéficier de la confiance des élus de la Nation, qui ont adopté une loi prolongeant de 5 ans le mandat de cette juridiction qui a été lourde et complexe au départ.

La CVJRR dans les pas de son mandat

La Commission Vérité Justice Réparation et Réconciliation (CVJRR), mise en place suite à la recommandation du Forum National de Bangui, organisé pendant la transition, pose aussi petit à petit ses pas. Les victimes des atrocités commises en Centrafrique depuis 1958 demandent que la justice soit faite avant la réconciliation. L’heure n’est plus à l’impunité qui est toujours source d’un cycle de conflit.

Pour la CVJRR, l’objectif général est d’accroître la compréhension, l’appropriation et permettre l’inclusion de la population au processus de la justice transitionnelle. En passant par la vulgarisation de la stratégie d’intervention, du plan de travail annuel et du plan de communication 2022, la commission a enclenché  une nouvelle étape de la vulgarisation de son mandat et de ses missions afin de renforcer l’appropriation nationale et l’inclusion de toutes les parties prenantes au processus, notamment les victimes.

Les partenaires ont appuyé la commission dans cette vaste compagne de sensibilisation et de vulgarisation de son mandat. Les commissaires ont pu sillonner les 21 villes en dehors de Bangui pour rencontrer les compatriotes, des hommes et les femmes afin de leur expliquer la mission de la CVJRR et recueillir leurs attentes.

Son premier rapport a été présenté au Chef de l’Etat avant la fin de l’année 2022.

Les sessions criminelles, instrument de lutte contre l’impunité

Au cours de l’année 2022, il est organisé dans le ressort de chaque cour d’appel une session criminelle par semestre, selon l’article 220 de la Loi n°10.002 17 janvier 2010 portant code de procédure pénale de la République Centrafricaine.

Bien entendu dans ce cadre légal, il a été planifié deux sessions ordinaires criminelles faute de moyens politiques et de l’insécurité. Néanmoins, le cabinet du procureur général a soumis aux verdicts de la cour cinquante un dossiers de nationalité centrafricaine et étrangère pour avoir commis des crimes de sang, soit des crimes économiques à travers des faits qualifiés d’association des malfaiteurs, d’atteinte à la sureté de l’État, de viols, d’assassinats des actes à compromettre la sécurité publique, de meurtres, de vols aggravés, de détentions illégales d’armes et les munitions de guerre, de faux en écriture publique, d’incendie volontaire des maisons d’habitations, des contrefaçons de sous de l’État et de détournements de deniers publics. Aucune affaire n’a été examinée par la cour la criminelle selon la procédure de contumace.

En outre, les attentes sont très énormes que tous les ordres administratifs et judiciaires doivent bien vouloir se rendre compte et de donner satisfaction au peuple centrafricain. Cependant, deux faits ont entaché les bonnes réalisations du secteur de la justice en 2022.

L’affaire Danièle Darlan et Hassan Bouba

La crise des réformes institutionnelles n’avait pas épargné la Cour Constitutionnelle. Le projet des réformes constitutionnelles, y compris celui de Sango Coin, une cryptomanaie centrafricaine ont été invalidé par la Cour Constitutionnelle, ouvrant la voie à une crise politique qui a eu raison de limogeage de Danièle Darlan, présidente de la Cour Constitutionnelle.

Hassan Bouba, ministre de l’Elevage et de la santé animale a été interpellé par la Cour Pénale Spéciale. Lui qui fait partie des principaux leaders du groupe armé de l’UPC de Ali Darass. Mais, après l’expiration de son délai de garde à vue, il a été libéré avant de retrouver son fauteuil ministériel. Cet acte bien critiqué aura dépassé le niveau judiciaire. Son implication dans la fragilisation de l’UPC a été brandie par des proches du pouvoir comme raison de sa libération. Cette mise en liberté est en contradiction avec les déclarations du Chef de l’Etat qui attend faire de la lutte contre l’impunité la colonne vertébral de son second mandat.

Zarambaud Mamadou