Comme une voie tordue, périlleuse, épineuse et pleine d’obstacles, la recherche de la paix en République Centrafricaine est parsemée d’embûches. Pourtant, l’espoir de la paix se lit sur le visage des Centrafricains qui espèrent encore cette la paix dans ce pays, surtout à travers le dialogue Républicain qui s’annonce pour bientôt.

 La Centrafrique a perdu le chemin de la paix depuis plusieurs décennies. Les initiatives n’ont pas manqué pour tenter de restaurer cette paix chère à ce pays d’Afrique Centrale, qualifié autrefois de « la Suisse africaine », mais fragilisé par des années des conflits fratricides dont les causes sont endogènes et exogènes.

L’année 2013 a été marquée par des violences inouïes quand la rébellion de la Séléka, dirigée par Michel Djotodia a pris le pouvoir, mettant en déroute le régime de François Bozizé après 10 ans de pouvoir. Les Centrafricains, voire les acteurs internationaux sont optimistes à une paix durable au cœur de l’Afrique, malgré plusieurs tentatives qui ont apaisé les tensions sans vraiment résoudre le fond du problème.

Des tentatives d’accords de paix depuis 2007

Dans son discours à la Nation prononcé le 18 mars 2021, le Président Faustin Archange Touadera a listé au moins 16 accords en faveur de la Centrafrique depuis 2007. « Ces nombreux accords, loin de régler la crise centrafricaine, ont plutôt été vus comme des tremplins pour accéder aux hautes fonctions de responsabilité de l’Etat ou aux pillages des ressources du pays », a déploré le Chef d’Etat. Mais, ce chemin reste un défi à relever pour lui-même au pouvoir il y a cinq en demi. Depuis 2007, de l’Accord de Syrte en Libye du 2 février 2007 entre le Gouvernement centrafricain et le Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC), sous l’égide du gouvernement libyen (1) à l’Accord de cessez-le-feu et de paix de Libreville du 9 mai 2008 (2); l’Accord de paix global de Libreville du 21 juin 2008 entre le Gouvernement et les principaux groupes armés (FDPC, APRD et UFDR) (3). Puis, l’Accord de cessez-le-feu du 12 juin 2008 entre le Gouvernement et la CPJP (4) à celui de paix de Libreville du 11 janvier 2013 entre le Gouvernement et la Séléka prévoyant la formation d’un gouvernement d’union nationale, (5). Ensuite, le pays a assisté à la Déclaration de Ndjamena du 18 avril 2013 à l’issue du Sommet de la CEEAC, tenu à Ndjamena (6), au Pacte républicain du 7 novembre 2013, sous l’égide de la Communauté Sant’ Egidio, signé à Bangui et qui visait à impliquer les forces vives de la Nation dans la défense du cadre démocratique et des droits humains ainsi que dans la promotion des valeurs de la République pour une gouvernance de paix et de progrès pour l’ensemble du pays (7), puis à l’Accord de cessation des hostilités de Brazzaville du 23 juillet 2014 entre la Séléka et les Anti Balaka sans oublier l’Accord de paix de Nairobi du 8 avril 2015 entre la Séléka et les Anti Balaka, non reconnu officiellement, (9) et le Forum National de Bangui du 4 au 11 mai 2015 qui a donné lieu au Pacte républicain pour la paix, la Réconciliation nationale et la reconstruction de la RCA (10). Pareillement, dans cette longue liste s’ajoute l’Accord de paix de Benguela, en Angola du 15 décembre 2016, entre l’Angola (médiateur) et les ex-Séléka (11), l’Accord politique pour la paix en RCA du 19 juin 2017, sous l’égide de la Communauté Sant’ Egidio, (12) et l’Accord de Libreville du 17 juillet 2017 qui a abouti à la mise en place de la feuille de route pour la paix et la réconciliation en RCA, appelée initiative africaine dont la mise en œuvre a abouti à l’APPR-RCA (13). Et si l’on croyait que l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation, négocié à Khartoum et signé à Bangui le 6 février 2019 entre le Gouvernement et les 14 groupes armés (14) sera l’avant-dernier c’est donc se tromper, car la Déclaration des Chefs d’Etat du 26 décembre 2020, à l’issue du Sommet Extraordinaire des Chefs d’Etat de la CEEAC réaffirmant le soutien à l’ordre constitutionnel en RCA par la tenue des élections à la date du 27 décembre 2020 (15) vient s’ajouter à cette liste et le Communiqué final du mini-Sommet des Chefs d’Etat de la CIRGL du 29 janvier 2021, consacré à la situation politique et sécuritaire en République Centrafricaine qui demandait la cessation des hostilités et le repli des rebelles à leurs positions d’origine. A cela, il faut ajouter le récent Communiqué final du mini-sommet Extraordinaire des Chefs d’Etat de la CIRGL du 16 septembre 2021, réaffirmant leur volonté à la mise en œuvre de l’APPR tout en validant la feuille de route pour la paix en Centrafrique, présentée par le Gouvernement pour le Dialogue Républicain qui pourra être organisé très prochainement.

Des accords mais aussi des violences

Malgré toutes ces initiatives de paix, la Centrafrique a continué à sombrer dans des violences. Le processus électoral de 2020-2021 a été marqué par les attaques armées et la tentative de prise du pouvoir par la CPC commandée par l’ancien Président François Bozizé. En effet, le 15 décembre 2020, alors que la Cour Constitutionnelle venait d’invalider sa candidature à cause de nombreux souci en justice et notamment le mandat d’arrêt international émis en 2013, François Bozizé a fait naitre une Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), une rébellion qui a réussi à fédérer les principaux groupes armés signataires de l’accord politique pour la paix et la réconciliation nationale. Cette rébellion, a perturbé le processus électoral qui a vu la victoire du président Faustin Archange Touadera pour un second mandat de cinq ans. Elle a franchi les portes de Bangui avant d’être mise en déroute par les Forces Armées Centrafricaines et ses alliés russes et rwandais, sans occulter l’appui des forces de la Minusca. Dans la foulée, l’apposition réunie au sein de la Coalition de l’Opposition Démocratique (COD2020) a maintenu une position ferme face au pouvoir, en ne reconnaissant pas la victoire du président Touadera, créant ainsi un autre axe de la crise politique post-électorale. Le président nouvellement élu a tendu la main à ses adversaires politiques avant d’annoncer la tenue des Consultations, pouvant aboutir à l’organisation d’un dialogue Républicain, cette fois-ci sans les groupes armés qui ont repris les armes pour causer la désolation dans le pays. Une position qui ressort des Consultations avec les forces vives de la Nation.

Le Dialogue Républicain, un chemin vers la paix et le développement ?

Après le dialogue qui a abouti à l’accord politique pour la paix et la réconciliation entre le gouvernement et les 14 groupes armés le 06 février 2019, la classe politique et la société civile vont alors trouver un cadre idéal pour discuter, afin de tracer un chemin vers la paix et le développement de la Centrafrique. En 2019, c’était une initiative visant principalement les groupes armés. Cette fois-ci, elle vise les forces vives de la Nation. Les forces vives de la Nation espèrent tous à ce grand rendez-vous historique pouvant marquer un pas vers la paix et le développement de la Centrafrique. Martin Ziguélé, opposant Centrafricain, député et président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), après une rencontre organisée à Rome par la Communauté Sant’Egidio du 27 au 29 septembre dernier, garde cet optimisme en ces termes : « Il y’a toujours un espoir de paix. Il faut toujours essayer de travailler pour obtenir la paix. Lorsque nous sommes fils d’un pays, lorsque nous voulons que notre pays avance, nous sommes obligés d’être optimiste et je crois que le fait que les choses soient désormais très claires, le dialogue politique se fera entre les forces vives de la nation, et que, un autre processus concernera les groupes armés pour aboutir au DDRR, cela ne peut que donner l’espoir ». Toutes fois, l’homme politique émet des réserves. « Mais naturellement, tout cela se fera lorsque l’engament des responsables centrafricains à tous les niveaux sera certain. Lorsque nous voyons l’état de délabrement et d’insécurité généralisée dans le quel notre pays se trouve actuellement, je crois que le patriotisme de chacun sera au rendez-vous pour qu’il ait des concessions nécessaires, des engagements pour que nous arrivions à la paix ». La paix, ce mot revient toujours sur les lèvres des Centrafricains. Des organisations internationales aux agences du système des Nations-Unies, des religieux aux organisations de la société civile et des partis politiques, tous n’ont ménagé aucun en ce qui le concerne au côté du Gouvernement pour que les centrafricains profitent aux dividendes de la paix.

Pamela Audrey Derom, présidente du Conseil National de la Jeunesse Centrafricaine (CNJ-Centrafrique), nominée récemment Ambassadrice pour la paix par l’UNESCO, porte l’espoir de la jeunesse pour la paix. « Le dialogue Républicain est un espoir pour la paix dans notre pays. Quelques soient les difficultés que nous traversons, il est important de donner l’occasion aux échanges, aux dialogues entre les centrafricains pour bâtir un avenir meilleur. Le Forum National de Bangui avait instauré un dialogue permanent et les autorités ont compris que seul le dialogue peut conduire à la paix et le développement. Nous jeunes, sommes convaincus que c’est la voie qui mène à la stabilité pour notre avenir », s’est exprimée la présidente du CNJ-Centrafrique tout en soutenant l’idée d’une réelle volonté des acteurs à aller résolument vers la paix, en mettant de côté les intérêts personnels et catégoriels.

La paix, définie comme l’absence de la guerre doit encore son chemin tordue tant que le Centrafricain n’a pas encore compris la nécessité pour son pays de retrouver sa place d’autant de « Suisse africaine ».

Sur ce chemin épineux, chaque acteur pose ses pas comme le dialogue Républicain à venir, afin d’arriver au bout du tunnel.

 Fridolin Ngoulou