Il y a quelques jours, les députés de la Nation, lors de l’interpellation du ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation ont demandé la démission du Maire de Bangui car, la ville est salle et que sa gestion pose des interrogations. Deux jours plus tard, le Maire de Bangui Emile Gros Raymond Nakomo a conféré avec la presse pour donner plus d’information. Des questions phares ont été adressées au Maire dont voici ses réponses transcrites par Oubangui Médias. 

La gestion des ordures pose problème et rends la ville salle. Votre réaction ?

Nakombo : Aucune municipalité au monde que ça soit Paris, News-York Washington, Kigali ne peut s’autogérer et mener ses activités sans l’appui des administrés à travers les taxes communales, les redevances commerciales et l’appui du gouvernement. Le budget de la municipalité est fait de ces taxes. L’Etat doit accompagner la municipalité dans sa politique de gestion de la ville.

Bangui est la seule ville, la seule capitale qui gère la ville par ses mini recettes. Ces maigres recettes sont aussi versées pour les enlèvements d’ordures. Cet effort m’a valu la félicitation de mes pairs qui ont constaté qu’avec les mini recettes, j’arrive à nettoyer quasiment la ville alors que dans d’autres capitales comme Yaoundé, Kigali…le nettoyage est concédé à des opérateurs d’assainissement  qui sont outillés avec beaucoup de moyens et d’équipement. Au Cameroun voisin il y a ISACAM par exemple. Il y a des sociétés de nettoyage qui ont des sous-traitances avec des ONG. Et c’est plutôt la population qui paie par ménage l’enlèvement des ordures. Si nous avons 100.000 ménages à Bangui et que chaque ménage paie 500 FCFA d’enlèvement, nous aurons 50 millions FCFA pour nous permettre d’enlever les ordures régulièrement. Je vous dis que pour bien nettoyer la ville de Bangui par jour, il me faut dix millions de FCFA. Je n’arrive pas à faire un million de mini recettes par jour. Voilà pourquoi nous sommes obligés avec les mini recettes de nettoyer certains endroits régulièrement et d’autres occasionnellement.

La méthode qui consiste à faire payer l’enlèvement des ordures par la population n’est pas utilisée ici. Pour qu’on en arrive là, beaucoup des pays ont pris des dispositions légales. Et la loi s’applique à tout le monde.

C’est seulement chez nous qu’on attend tout de la Mairie. Les gens citent en exemple l’un de mes prédécesseurs mais il ne nettoyait pas la ville. C’était un projet de l’AFD, de la Banque Mondiale et de l’Union Européenne qui nettoyaient la ville de Bangui.

Monsieur le maire, les députés vous demandent de démissionner. Etes-vous prêts à démissionner ?

Nakombo : J’ai été pour la session budgétaire à l’Assemblée Nationale à la Commission des Finances pour les questions du budget de la municipalité. Avec mes techniciens, nous avons exposé les faits et les députés membres de cette Commission nous ont félicités car disent-ils qu’ils n’avaient pas toutes les informations sur la gestion de la Mairie.  Nous leur avons dit que la Mairie de Bangui a besoin d’un milliards de FCFA par année pour nettoyer la ville. Mais nous n’en avons pas. Et en plus, la subvention qu’on donne à la Mairie a été coupée de 500 millions de FCFA. Comment la Mairie va faire ? C’est pourquoi au vote du budget, ils voulaient encore couper 200 millions et ce sont les membres de cette Commission qui sont intervenus pour qu’ils n’arrivent pas à le faire.

Dernièrement à l’Assemblée Nationale, lors de l’interpellation du ministre de tutelle, j’avais demandé l’accompagner car j’ai vu un point concernait la Mairie.

Mais, je prends au sérieux la préoccupation des députés. Maintenant, c’est à moi de leur expliquer ce que je fais, pour qu’ils comprennent. Je n’ai pas encore eu cette séance car les députés n’interpellent pas les techniciens que nous sommes. J’ai écrit personnellement au président de l’Assemblée Nationale, pour que les députés écoutent au moins le Maire. J’attends ce moment-là depuis.

Les députés me demandent de démissionner, c’est un exercice que j’ai fait depuis longtemps. J’ai démissionné à la BPMC et à la CETAC-Centrafrique. Mais, on ne démissionne comme ça. J’ai, un actif. Je suis arrivé à la Mairie de Bangui, il n’y avait pas de véhicule, aucun véhicule. Même moi le Maire, je n’ai pas un véhicule de fonction jusqu’aujourd’hui. Mais j’ai donné huit véhicules à titre personnel à la Mairie de Bangui. J’ai amené près de 2 milliards de FCFA à la ville de Bangui à travers des projets.

Pour les gens, la préoccupation ici ce sont les ordures. Gérer une ville, c’est gérer tous les aspects de la ville. C’est pourquoi on parle du gouvernement local.

Qu’avez-vous fait exactement en dehors de ce que vous relevez ?

Nakombo : Notre Mairie est très en avance. Cela a fait qu’aujourd’hui, Bangui préside l’Association des Maires d’Afrique Centrale et la vice-présidence des Maires de l’Afrique. Bangui travaille, Bangui surplombe plusieurs Mairies. Je donne un exemple. L’Union Européenne a donné une feuille de route en ce qui concerne le plan énergétique des villes. La première ville à finaliser son plan était une petite Commune du Togo. Cela m’a poussé à réunir mes collaborateurs pour travailler d’arrache-pied sur ce plan et nous disposons ce plan énergétique. Le financement de ce plan est estimé à 1 milliards de dollar soit plus de 600 milliards de FCFA. Quand le président Touadera, la seule autorité qui nous accompagne a vu ce plan, il a dit que c’est le travail que le gouvernement devrait faire.

Ce plan a plusieurs piliers : Il y a l’assainissement, l’agriculture périurbaine, la foresterie, l’accessibilité des ménages à l’énergie renouvelable car l’énergie fossile fait 30% dans la ville de Bangui. C’est tout cela qui a valu à la Mairie de Bangui et son Maire des reconnaissances ailleurs.

Bien avant, la Mairie de Bangui a réalisé plusieurs études. Pour faire ce plan, nous avons eu un million d’euros (650 millions de FCFA), un financement d’une ONG Rwandaise qui a géré les fonds.  En 2019 à l’Hôtel Oubangui, l’ancien Premier ministre Firmin Ngrebada a décerné à la Commune de Bangui une lettre de caution. Les semaines qui ont suivi, tous les maires subsahariennes se sont retrouvés à Yaoundé pour valider le plan énergétique de la ville de Bangui et plébisciter le Maire de Bangui. Nous sommes la seule capitale à avoir accomplie cela. C’est ainsi que tous les bailleurs de fonds se sont engagés à financer ce plan énergétique. Aujourd’hui, la Mairie de Bangui est pratiquement la seule qui a la clé Pador qui lui permet de rentrer directement dans le système de financement des projets de l’Union Européenne et la délégation à Bangui ne fait que signer les documents avec nous.

 Beaucoup de Mairies veulent tirer des leçons de celle de Bangui. La Mairie de Bangui est en phase d’installation des forages dans le cadre de ce plan énergétique. Nous avons reçu un million d’euro. Et les gens ne voient pas ça. Mais ils regardent seulement les ordures. Ça fait un milliard 300 millions de FCFA que nous avons déjà mobilisé dans le cadre des projets bénéfiques à la ville de Bangui. Sur le plan de la santé, la Mairie a signé la convention Ville-VIH. Nous en avons profité pour négocier ce projet au profit de quatre autre villes notamment Bimbo, Begoua, Obo et Bambari et cela fait 500 mille dollars pour soutenir la lutte contre le VIH.

Il y a un mois, la Banque Africaine de Développement (BAD) était ici et nous avons obtenu 650 milles dollars pour le plan énergétique de la ville de Bangui. Je me bats tous les jours avec les moyens de bord pour que Bangui quitte le caractère rural au caractère urbain.

Malgré toutes ces réalisations, vous êtes accusés de mauvaise gestion. Qu’en dites-vous ?

Nakombo : Les contrôles à la Mairie de Bangui, c’est moi qui les ai sollicités. D’abord, j’avais sollicité auprès du président de la République à la suite de beaucoup des ragots dans certaines presses, que l’inspection générale d’Etat puisse effectuer un contrôle à la Mairie de Bangui. Il a accepté, l’Inspection est venue faire son travail et après, rien contre notre gestion.

Après, j’ai demandé deux fois au ministre des finances sortant Henri-Marie Dondra pour solliciter aussi le contrôle de l’inspection des Finances. Ils ont fait leur travail, rien comme mauvaise gestion. L’année 2021, la Cour des Comptes est venue à la Mairie de Bangui. J’ai reçu leur rapport il y a un mois. C’est noté « Bonne Gestion ». Alors, quand on dit mauvaise gestion, il faut prouver. Tout ce que je dis, j’ai des preuves.

Avec l’Assemblée Nationale, je voudrais bien que nous travaillons main dans la main. Ils doivent comprendre comment les choses se passent et accompagner la ville.  La dernière fois à l’Assemblée Nationale, c’est moi qui ai sollicité au ministre de tutelle de demander un audit. Et c’est que le ministre a fait en présence des élus de la Nation. Je n’ai pas eu peur car tous les audits de la Mairie de Bangui, c’est moi qui demande.

Nous avons un audit qui est craint par les municipalités d’Afrique qu’on appelle la « mission des pairs ». J’ai demandé et tous les autres maires d’Afrique centrale m’ont déconseillé de le faire car ils n’ont jamais demandé. J’ai été évalué selon les normes de la gestion d’une municipalité. L’équipe est arrivée, elle est allée à l’Assemblée Nationale et chez d’autres personnalités avant de repartir.  Ce qui a fait qu’à Marrakech au sommet des maires d’Afrique, j’ai été plébiscité car la Mairie de Bangui gère bien. L’Association Internationale des Maires francophones dans leur congrès a plébiscité le Maire de Bangui. L’année passée, j’ai été déclaré le Maire de l’année par l’association des maires d’Afrique. Il y a deux mois, j’ai été désigné encore représentant « Energie, Climat » pour la CEEAC à cause de notre plan énergétique. Je pense qu’il y a un problème de communication que nous allons corriger. Il est aussi dit qu’on ne reconnaît pas un prophète chez soi. Cela n’est pas à titre personnel mais c’est à cause de la gestion et des reformes au niveau de la municipalité. Résumé tout sur les ordures c’est bien mais la gestion des ordures nécessitent des financements conséquents.

En effet, j’ai prêté serment en 2016 et j’ai amené beaucoup de reformes à la Mairie. Un exemple. Depuis 1972, on prélève l’argent sur le salaire des fonctionnaires de la Mairie mais cela n’est jamais versé pour permettre à ceux-là de bien jouir de leur retraite. C’est criminel. Nous avons payé dix mois et l’actuel Directeur de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS) est venu à notre rencontre pour nous féliciter car aucun Maire n’a fait cela depuis 1972. Cela a fait 2 milliards de FCFA d’arriéré de pension prélevées et non reversées. Il nous a encouragé à payer une somme en plusieurs mensualités pour compenser. Au bout de 8 mois, cette somme est payée. Les retraités de la Maire sont pris en compte sans arriérés.

Je ne recule pas, je me bats pour cette Mairie qui manque des moyens de sa politique. Nos actions, nos voyages à l’extérieure permettent aujourd’hui de mobiliser les bailleurs pour financer le plan énergétique. Nous portons la RCA sur l’araigne internationale. Il faut de la crédibilité pour se faire appuyer. 

Propos recueillis par Fridolin Ngoulou