• Un communiqué du mouvement des 3R daté du 2 avril 2021 annonce officiellement la mort d’Abbas Sidiki. Décès survenu le 25 mars 2021 dans un centre de santé de Kamba-Kota (communiqué n°17 du mouvement 3R).
  • Pourtant, le 18 décembre 2021, la Radio Centrafrique avait annoncé la mort d’Abbas Sidiki et d’une dizaine de ses éléments dans les violents combats qui ont opposé les combattants de la CPC aux forces coalisées (Faca, Russie et Rwanda) à Bossembélé.
  • Quelques jours plus tard, des personnes contactées à Niem-Yéléwa (commune d’élevage de la préfecture de la Nana-Mambéré, située à 90 km sur l’axe Bouar-Ngaoui à l’ouest), indique que sa femme a été placée sous le rite du veuvage musulman dès l’annonce de son décès le 18 décembre 2020.
  • Les éléments d’Abbas Sidiki avaient menacé à partir du 19 décembre 2020 d’attaquer les Forces armées centrafricaines (Faca) se trouvant dans les zones sous leur contrôle.
  • Le centre de santé de Kamba-Kota n’a pas la capacité à prendre en charge les blessés graves.
  • En conclusion, Abbas Sidiki est bel et bien mort le 18 décembre 2020 à la suite des combats de Bossembélé.

Le 2 avril 2021, un communiqué des 3R tombe annonçant officiellement la mort de son chef Abbas Sidiki, le 25 mars dans un centre de santé de Kamba-Kota. Le même jour, Radio Ndeke Luka reprend l’information sur son site et titre : « Le 3R annoncent officiellement la mort de son chef Sidiki Abbas ». Le lendemain, le 3 avril, RFI relaie l’information en ces termes : « Centrafrique: officialisation de la mort de Sidiki Abbas, chef du puissant groupe armé 3R ». Malgré cette annonce, de nombreuses questions et rumeurs persistent autour de sa mort. C’est pourquoi l’équipe #StopATènè s’est lancée dans une enquête pour démêler le vrai du faux.

Des indices qui montrent que Sidiki était mort dès le mois de décembre

Le communiqué des 3R précise que « le président fondateur, le général Sidiki Abbas, est décédé le 25 mars 2021, au centre de santé de Kamba-Kota, suite aux blessures graves qu’il a subies pendant les attaques qui ont lieu précisément à Bossembélé le 16 novembre 2020 vers 18heures ». Pourtant, dès le 18 décembre 2020, la radio nationale annonce, sur ses ondes, la mort du leader des 3R. La nouvelle émane d’un communiqué du porte-parole du gouvernement. L’information circule également sur les réseaux sociaux.

Rapidement, la cellule #StopATènè contacte plusieurs proches de la famille, à Bangui et à Niem-Yéléwa (lieu de résidence de la famille Sidiki), qui confirment sa mort. Un proche de la famille, à Niem, précise que « la femme de Sidiki est mise sous le rite de veuvage musulman». Quelques temps après, d’autres témoins indiqueront qu’elle a quitté son village pour rejoindre sa famille à Meiganga dans le nord Cameroun.

A cette même période, dans les zones sous contrôle des éléments des 3R, des menaces sont proférées contre les Forces armées centrafricaines (Faca) et la Minusca. « Ce 19 décembre 2020, les éléments des 3R nous ont envoyé un message selon lequel ils viendront nous attaquer pour venger la mort de leur chef, tué par une frappe à Bossembélé. Nous avons pris des dispositions nécessaires en les devançant de 5Km. Mais ils ne sont pas venus. C’est de là que nous avons appris son décès », avait confié un élément des Faca, contacté depuis Besson, l’une des bases arrière des 3R.

Aux alentours du 20 décembre, une photo circule sur les réseaux sociaux montrant un corps en partie calciné. Ce corps serait celui d’Abbas Sidiki. Une recherche d’image inversée sur plusieurs moteurs de recherche ne donne aucun résultat, laissant penser que la photo n’a jamais été publiée auparavant. Un examen visuel de l’image et un comparatif avec des photos de son vivant laissent apparaître des similitudes, notamment au niveau de la bouche, déformée, et de l’implantation de sa barbe. Des sources militaires et proches de la primature confirment, de leur côté, l’authenticité de la photo.

Enfin, son successeur Sembé Bobbo, joint le 18 décembre 2020 par Radio Ndeke Luka, n’a jamais ni confirmé, ni démenti cette annonce.

A ce stade de notre enquête, ce large faisceau d’indices tend donc à prouver qu’Abbas Sidiki était bel et bien mort dès décembre 2020, dans l’attaque de Bossembélé.

Le centre de santé de Kamba-Kota n’est pas adapté pour les blessés graves

Par ailleurs, il est très peu probable que Sidiki ait pu séjourner pendant plus de trois mois dans le centre de santé de Kamba-Kota – une des communes isolées de Batangafo qui a vu naître la rébellion CPC. L’établissement n’a pas la capacité de prendre en charge des patients gravement blessés par balle. L’organisation sanitaire prévoit d’ailleurs que les cas graves soient transférés automatiquement dans les centres de référencement alentour.

Autre indice : au moment où le mouvement 3R annonce la présence de son chef dans ce centre de santé, le village est sous contrôle de l’armée nationale et des forces alliées (Russes et Rwandais). Interrogées, les sources militaires n’ont pas confirmé de décès dans ce centre, encore moins celui d’un chef rebelle.

Alors que Sidiki a été donné mort puis ressuscité plusieurs fois, il n’existe aujourd’hui plus de doute sur son décès intervenu lors de l’attaque de Bossembélé, en décembre 2020, et non pas le 25 mars 2021 dans un centre de santé de Kamba-Kota. Le communiqué des 3R n’est donc qu’une stratégie de communication dans un contexte de restructuration de ce mouvement après la mort de son leader, et prétexte également à annoncer le nom du nouveau commandant des 3R, Sembé Bobbo.

#StopATènè, l’équipe de lutte contre la désinformation et les discours de haine en RCA

Sources :

Communiqué officiel du porte-parole du gouvernement annonçant la mort de Sidiki, le 18 décembre 2020

  • Témoignages des proches de la famille
  • Témoignages de militaires
  • Analyse visuelle de l’image du cadavre d’Abbas Sidiki
  • Contact avec Sembé Bobbo, le nouveau chef des 3R