Elles ont entre 19 à 25 ans, des femmes mères qui ont décidé de rester à Zemio, après le rapatriement des éléments de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kony. Dans la ville de Zemio, elles sont une trentaine dont des femmes et des enfants. Elles vivent dans la précarité et appellent le gouvernement et les organisations à l’aide.

Après plus de 15 ans que les rebelles de la LRA de Joseph Kony opèrent en Centrafrique, tout comme en RDC et au Sud Soudan, plusieurs dizaine ont été rapatriés dans leur pays d’origine, l’Ouganda, après que cette rébellion ait été fragilisée par les forces conjointes avec l’appui des américains. Alors que les rebelles acceptent de se désarmer, un mythe règne sur la situation de Joseph Kony, chef de cette rébellion, déclarée groupe terroriste par les Etats-Unis.

Un total de 85 personnes comprenant les ex-combattants de la LRA et leurs familles avait été profilé à Zemio mais une vingtaine, essentiellement des femmes et enfants d’origine centrafricaine a souhaité rester dans la localité.

Plusieurs filles ont été kidnappées pour servir d’esclave sexuel, aider à transporter les bagages et parfois sont associées aux combats et tueries, comme a témoigné une jeune femme à Oubangui Médias en mission dans la localité. « Je n’ai jamais vu Joseph Kony mais j’ai servi contre mon gré ses éléments dissidents. J’ai passé sept ans entre leurs mains. J’ai eu quatre enfants, j’ai perdu le garçon. Mon mari a décidé de rentrer dans son pays et je suis restée avec les trois enfants. Je n’ai plus de parents et je ne voulais pas le suivre dans son pays. Mais là, vraiment c’est difficile de vivre dans cette condition pénible », a témoigné cette jeune dame de 23 ans qui avait été kidnappée à l’âge de 15 ans, alors qu’elle était à l’école en classe de CM1.

Ces femmes, mères d’enfants et enceintes ont témoigné à Oubangui Médias leur calvaire. « Je n’ai rien pour le moment ici dans la ville de Zemio. Même ma famille ne touche pas mes enfants, mais les stigmatisent en disant que ce sont les enfants de tongo-tongo (NDL R éléments de la LRA) qui ont tué des gens et brulé des maisons. Nous ne mangeons pas bien, pas de soins de santé, pas d’habits. Je suis au PK10 de la ville de Zemio et les parents maternels me demandent de quitter leur maison. Je ne sais où aller dans ces conditions. Je regrette de ne pas partir en Ouganda avec les enfants », témoigne-t-elle larmes aux yeux.

Une association lance un appel à l’aide

Gertrude Gadepa est native de Zemio. Elle travaille depuis plusieurs années auprès des éléments de la LRA ainsi que leurs familles en défection. Elle cible surtout les femmes et les enfants. C’est depuis 2009 que son organisation, l’Union d’Assistance aux Orphelins et Enfants Vulnérables (UAOEV) assiste les personnes en défection mais avec des moyens très limités.

« La première fois, c’étaient 19 personnes que nous avons assisté en 2009. Après, j’ai suivi une formation à Kampala sur comment assurer la prise en charge et le suivi des rebelles de la LRA qui font défection. J’ai compris que nombreux sont des personnes prises par la force dans les rangs de la LRA. Depuis cette année, il y a eu plus de 300 personnes en situation de défection que nous avons pris en charge temporairement avant de les remettre aux soldats américains qui étaient là », a retracé Gertrude.

Elle se souci des femmes et des enfants qui ont choisi de ne pas partir en Ouganda. « Il y a 12 femmes dont deux sont enceinte et 25 enfants. Elles ont besoin d’être formées, réinsérées et surtout un travail psychosocial s’impose car, ces femmes ont participé aux violences et ont même subi des violences. C’est pourquoi, je lance un appel au soutien afin de nous permettre d’aider ces jeunes femmes à bien se réinsérer dans la vie sociale et de bien reprendre leurs vies. Pour le moment, nous n’avons pas les moyens. Mais de temps en temps, je leur fait à manger sur fonds propres de ma famille. C’est pourquoi, nous lançons cet appel pour que le gouvernement et les organisations nous assistent », lance Gertrude.

L’UAOEV ne s’occupe pas seulement des personnes en défection, mais aussi des déplacés qui arrivent dans la ville et bien d’autres enfants vulnérables. Son appel à l’aide vise à soutenir les enfants et les femmes en situation difficile dans la sous-préfecture de Zemio.

Une implication de la municipalité et un appel de la sous-préfecture

Depuis le 2 janvier 2009, la Présidente de la Délégation Spéciale de la ville de Zemio, Rosalie Nawira travaille auprès des éléments de la LRA pour favoriser leur défection. Dans cette ville, elle est reconnue pour des médiations auprès des groupes armés dont la LRA et voire l’UPC, afin de favoriser le climat apaisé dans la région. Elle se souvient de sa dernière négociation auprès du Chef de l’Etat Faustin Archange Touadéra pour le rapatriement des hommes de la LRA ainsi que leur famille.

« Je suis allée discuter avec l’un de leurs chefs. Ils ont écrit officiellement leurs intentions de désarmer et de quitter. Je suis allée remettre la note au président de la République qui a accepté l’idée de les désarmer et de rapatrier les volontaires chez eux, en Ouganda. C’est par cet acte que le Haut-Mbomou est rentré dans le processus du DDRR. Maintenant, des femmes centrafricaines et leurs enfants sont restés, il faut un appui pour les réinsérer dans la vie sociale », a suggéré Mme Rosalie Nawira.

Le sous-préfet de Zemio, Bi-Ndjobdi-Aroun a lors de la célébration de la journée mondiale de l’aide humanitaire le 19 aout à Zemio lancé un vibrant appel pour l’assistance aux victimes de la LRA. « La population par ma voix plaide pour plus d’appui des donateurs pour soulager la souffrance des personnes qui ont subi de violence de la LRA et de multiples crises qu’a connue le Haut Mbomou», lance le sous-préfet.

Si les anciennes femmes des rebelles de la LRA éprouvent plusieurs difficultés, elles font aussi l’objet de la stigmatisation, surtout les enfants. Le traumatisme des durs moments passés dans la forêt persiste. Une vie de promiscuité est visible. Un dégout pour celles qui n’avaient pas volontairement choisi ce chemin.

Fridolin Ngoulou